Cette chronique donne aux membres des renseignements sur certains aspects des responsabilités de l’Ordre à titre d’organisme d’autoréglementation et explique comment il s’en acquitte.
En tant qu’organisme de réglementation d’une profession autoréglementée, l’Ordre est tenu de communiquer clairement les normes d’exercice et de déontologie de la profession.
Le travail effectué par le comité des normes d’exercice de la profession et d’éducation est l’un des moyens par lesquels l’Ordre s’acquitte de cette responsabilité. Ce comité a participé à l’élaboration d’ateliers de rédaction de cas concernant les questions d’éthique.
Dilemme éthique – Un striptease dès le 3e jour
Les amis et collègues de Caroline Nadeau la connaissent mieux sous le nom de Caro. Elle est assise sur l’estrade du gymnase de l’école et mesure l’auditoire du regard. C’est son troisième jour en tant que directrice d’une école surnommée le «porte-étendard». L’école n’a que quatre ans et dispose d’un équipement dernier cri.
Caro remplace une personne qui a pris une retraite imprévue le dernier jour de décembre. Elle n’a donc pas eu le temps de visiter l’école avant la rentrée de janvier.
Toutefois, en tant qu’administratrice chevronnée dans une école secondaire, elle se sent plutôt à l’aise. Au cours du troisième jour de travail de Caro, Jean, le directeur adjoint, a rassemblé tous les élèves dans le gymnase pour présenter officiellement la nouvelle directrice. Le conseil sportif des élèves a profité de l’occasion pour faire connaître les équipes sportives de l’école. Les équipes avancent l’une après l’autre tandis que, dans l’auditoire, les élèves applaudissent.
L’équipe de basketball masculin est la dernière à se présenter. Dès que l’équipe monte sur l’estrade, la musique commence et les garçons se mettent à se pavaner et à danser de façon suggestive. Caro se rend vite compte que le spectacle est une simulation de striptease. L’auditoire pousse des cris et des hurlements.
Du coin de l’œil, Caro peut voir Jean, le directeur adjoint, qui évite de la regarder. Les acclamations atteignent leur paroxysme quand les danseurs arrivent à la fin de leur numéro. Caro se lève.
On arrête soudain la musique. Les garçons s’immobilisent : ils ont perdu leur aplomb. Ils descendent de l’estrade en se dispersant. Jean court au microphone et demande aux enseignants de ramener les élèves dans leurs classes. Le groupe sort en silence.
«À quoi rime tout ça?» demande Caro à Jean, en privé dans son bureau. Administratrice depuis 15 ans, elle n’a jamais auparavant été témoin d’un comportement aussi déplacé en milieu scolaire. «N’existe-t-il pas de protocole pour les rassemblements de l’école? Est-ce la preuve d’un manque de leadership de la part d’un groupe d’enseignants de la section d’éducation physique? Cet incident est-il un cas isolé?» Cet événement est à ajouter à la liste qu’elle a commencée à sa toute première matinée à l’école.
Élaborer des cas
L’expérience décrite ci-dessus est extraite d’une série d’études de cas intitulée Explorer les pratiques déontologiques et le leadership par le questionnement professionnel, qui a été élaborée au cours d’un atelier de rédaction de cas organisé conjointement par l’Ordre et le Catholic Principals’ Council of Ontario.
Les ateliers de rédaction de cas rassemblent des membres de l’Ordre qui occupent des postes de direction d’école ou de direction adjointe, d’agent de supervision, de direction de l’éducation, d’enseignant et de formateur d’enseignants, pour écrire sur des dilemmes auxquels ils ont fait face à titre de leaders en éducation dans notre province.
Les cas qui en résultent sont regroupés et publiés dans des livrets disponibles en format imprimé ou en ligne.
Des membres du comité des normes d’exercice de la profession et d’éducation : (de gauche à droite) Clint Lovell, EAO; Carlo Cappello, EAO; Sharon Young Kipp, EAO (présidente); Gale Dores, EAO; Garry Humphreys et Clyde Glasgow
Selon Sharon Young Kipp, EAO, présidente du comité des normes d’exercice de la profession et d’éducation, et chef de la section de santé et d’éducation physique au Thames Valley District School Board, ces livrets sur le leadership s’appliquent à de nombreux membres de l’Ordre. «Que vous dirigiez votre classe, un niveau ou une section, à titre d’enseignant, vous êtes un leader. Les occasions de leadership sont nombreuses en éducation.»
En fournissant des éléments de réflexion utiles, les cas permettent aux membres de réfléchir sur des dilemmes éthiques vécus.
Retour au premier jour
Le premier jour, en effet, Caro a salué chaleureusement le personnel de soutien. La réponse a été plutôt tiède. D’une certaine façon, elle s’y attendait, car elle savait qu’on disait qu’elle avait été envoyée pour «assainir» l’école.
Après son arrêt à la réception, Caro se rend à son bureau pour la première fois. Pour se mettre à l’aise dans son nouvel espace, elle cherche les documents habituels comme la liste du personnel, les horaires, les calendriers des élèves, les états budgétaires et le guide de la direction d’école du conseil scolaire. Elle fouille dans tous les tiroirs. Rien. Peut-être son prédécesseur a-t-il tout gardé sur ordinateur? Caro appelle Joanne, la chef du bureau de l’école, et lui demande l’accès à l’ordinateur portable du directeur.
– Non, désolée. On ne t’a pas avertie que cet ordinateur ne fonctionne pas? J’ai envoyé une demande de réparation deux semaines avant Noël, mais personne n’est venu. Je pourrais réitérer la demande, dit-elle.
– Oui, merci. En attendant, existe-t-il une copie imprimée de la liste du personnel et des calendriers de l’école?
Caro avait aussi décidé qu’elle ferait une visite complète de l’école dès sa première journée de travail. Elle veut se promener dans les couloirs et se donner le temps de se calmer. Elle invite le directeur adjoint à se joindre à elle.
Caro jette un œil dans les salles de classe; elle se détend un peu. Les enseignants s’efforcent activement d’engager la participation des élèves.
Pendant qu’elle passe d’un étage à l’autre, Caro se rend compte que Jean est nerveux. Elle se demande pourquoi et remarque que les élèves prennent un air moqueur à l’approche de Jean. Elle sait qu’il est enseignant et directeur adjoint dans cette école depuis un certain temps. Elle prévoit lui en parler plus tard. Tout vient à point à qui sait attendre.
Caro et Jean retournent au bureau. La cloche du dîner se fait entendre. Les portes s’ouvrent; les élèves se précipitent dans les couloirs et se bousculent jusqu’à la cafétéria. Caro s’aperçoit que les enseignants se déplacent systématiquement pour se mettre hors du chemin des élèves, alors que ces derniers devraient contourner les enseignants. Ce comportement la dérange.
Deuxième jour
De retour dans son bureau, Caro se demande par où commencer. Marc, l’un des enseignants d’anglais, l’interrompt dans ses pensées en frappant à la porte de son bureau qui est ouverte. Elle lui dit d’entrer. Il hésite. Elle répète son invitation en se disant qu’il ne l’avait peut-être pas entendue. Il entre et reste debout.
Marc déclare qu’il enseigne l’anglais à deux classes de 12e année. Il explique à Caro que les élèves de ces classes sont en quelque sorte des pionniers, car ils étaient les premiers élèves de 8e année quand l’école a ouvert ses portes. Parce que l’école était partiellement en construction l’année d’ouverture, on leur donne un traitement particulier depuis le début. On avait respecté les nombreuses promesses faites à ces élèves et à leurs parents, qu’il s’agisse d’un calendrier spécial ou d’un service d’autobus desservant la ville. Un grand nombre de ces parents sont connus dans la collectivité et jouent un rôle actif au conseil de l’école.
Marc s’est plaint à plusieurs reprises au directeur précédent de problèmes mineurs au sein de ce groupe élite d’élèves. Maintenant, il a de grandes difficultés à les faire travailler. Leurs notes baissent. Il explique que, au milieu du semestre, les enseignants ont fait passer des élèves qui ne satisfaisaient pas aux attentes des programmes d’études. Il croit qu’il est important pour l’école de garder une image positive et il se demande ce qui arriverait si les premiers finissants ne recevaient pas tous leur diplôme. Devra-t-on demander aux enseignants de modifier les notes des premiers finissants qui échouent à un cours?
Caro essaie de comprendre exactement ce qui s’est passé les quatre années précédentes. Ce n’est que sa première semaine de travail et elle a déjà accumulé toute une liste de problèmes.
Réfléchir à la pratique éthique
La troisième journée de Caro a commencé par le fiasco du gymnase. La liste des inquiétudes ne fait que s’allonger. Il est 17 h. Elle est assise, seule, dans son bureau.
Même si la description de l’expérience de Caro se termine quand elle est seule dans son bureau à la fin de sa troisième journée, elle n’est pas seule à réfléchir aux problèmes qu’elle a constatés. Son histoire offre l’occasion à d’autres enseignants de réfléchir à la façon dont son expérience s’applique à leurs propres dilemmes éthiques et professionnels. Réfléchissez aux quatre points suivants :
1. Décrivez la vision de l’enseignement et de l’apprentissage que la directrice essaie de favoriser dans cette communauté scolaire.
2. Déterminez les valeurs qui sont modélisées par les actions et les décisions de la directrice d’école.
3. Cernez les problèmes éthiques inhérents aux processus d’évaluation utilisés dans cette école.
4. Discutez des répercussions sur le plan éthique de fournir des privilèges spéciaux à un «groupe élite d’élèves».
«Un cas est un outil d’apprentissage formidable parce qu’il permet de connaître l’ensemble des circonstances auxquelles s’attaquer, dit Mme Young Kipp. En éducation, c’est essentiellement ce qui se produit. Quelque chose se produit, vous avez de l’information et vous devez agir. Habituellement, il y aura des recommandations à formuler ou une direction à prendre. C’est la vraie vie.»
La vérité toute nue sur le leadership
Les pédagogues hautement respectés de l’Ontario, des autres provinces et de la communauté internationale sont invités à donner leurs commentaires sur les cas de dilemmes éthiques. Ces commentaires sont publiés à côté des cas et offrent un point de vue supplémentaire pour alimenter la discussion.
Striptease le troisième jour a reçu les commentaires suivants :
Ce cas soulève des problèmes fondamentaux d’empathie, de respect et de responsabilité. Malgré le caractère choquant et immoral de la représentation, il s’agit d’un exemple de ce qui se produit trop souvent dans une école novatrice, qui se plaît à exploiter son statut d’établissement marginal au sein du système et à faire fi des normes d’exercice et de déontologie de la profession tout en cultivant l’envie de ses pairs. Non seulement on n’a pas planifié la relève d’un fondateur charismatique, mais on a aussi activement résisté à quiconque aurait tenté de ternir la réputation toute particulière de cette école qui, à son heure de gloire, s’était distinguée des autres. Le départ soudain et mystérieux du directeur précédent, son refus de coopérer à la planification de la transition, la résistance passive et même irritée de la part de l’ancienne équipe, ainsi que des indicateurs d’un glissement des normes de rendement scolaire et de comportement des élèves, sont des facteurs qui témoignent de besoins énormes de leadership et d’amélioration.
Andy Hargreaves, titulaire de la chaire en éducation Thomas More Brennan, Boston College et Pauline Hargreaves, directrice adjointe, The Learning Project Elementary School de Boston
En dépit de l’apparente facilité avec laquelle la nouvelle directrice observe l’environnement agréable de son école secondaire (une école réputée) dès les premiers paragraphes, on la dépeint comme une dirigeante vigilante et prête à l’action. Il devient rapidement clair, à mesure qu’elle découvre une culture scolaire aux ramifications multiples et complexes qui nécessite certaines modifications, que son poste apparemment enviable la place devant des défis d’envergure. Au fil des paragraphes, nous avons un aperçu prometteur du concept du choix du moment de réflexion de la directrice, Caroline Nadeau (Coombs, 2003) et de son authenticité (Begley, 2001; Starratt, 2004) en tant que dirigeante s’efforçant de comprendre les défis et les besoins de ce «porte-étendard».
Pauline Leonard, directrice, département des programmes, de l’enseignement et du leadership, College of Education, Université Louisiana Tech
L’ouverture dont témoigne Caro en voulant bien rencontrer Marc montre qu’elle préfère travailler avec les gens plutôt que de leur imposer son autorité. Elle sait probablement très bien qu’il est important de diriger les enseignants en gardant leurs émotions à l’esprit (Leithwood et Beatty, 2008). Elle doit protéger et favoriser chez les enseignants le sentiment qu’ils sont en sécurité et peuvent accroître leurs connaissances professionnelles, et qu’ils bénéficient de respect, de sollicitude et de soutien professionnel (Beatty, 2007). L’utilité des changements individuels et collectifs pourra ainsi émerger et être reçue dans une culture de relations étroites.
Brenda Beatty, directrice du programme de maîtrise en leadership scolaire, Université Monash, Australie
*Pour obtenir les références complètes, consultez Explorer les pratiques déontologiques et le leadership par le questionnement professionnel, disponible dans le site web des Presses de l’Université Laval à www.pulaval.com.
Plus de cas imprimés et ici
Le cas présenté dans ce numéro, Striptease le troisième jour, est extrait de l’ouvrage Explorer les pratiques déontologiques et le leadership par le questionnement professionnel, une collection d’études de cas préparée conjointement par l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario et le Principals’ Council of Ontario.
Deux cas supplémentaires sont disponibles ici :
- L’initiation : Comment traiteriez-vous la situation si vous étiez la nouvelle directrice adjointe ou le nouveau directeur adjoint désigné pour accompagner des élèves de 9e année à un camp d’orientation de trois jours?
- De vrais petits anges : Comment réagiriez-vous si vous étiez un de deux enseignants partageant une classe mais ayant une approche fort différente de l’enseignement et de la gestion de classe?
Striptease le troisième jour et L’initiation font partie de l’ouvrage Explorer les pratiques déontologiques et le leadership par le questionnement professionnel, Presses de l’Université Laval (www.pulaval.com); De vrais petits anges fait partie de Des vertes et des pas mûres! : guide de réflexion sur les imprévus de la vie enseignante, Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques (www.sagepub.com).