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Décembre 1998

 

La sécurité dans les écoles
et le devoir de diligence


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Les conseils scolaires et leur personnel mettent en œuvre un train de mesures pour assurer la sécurité des élèves : codes de comportement, politiques de tolérance zéro entraînant l’expulsion immédiate en cas de violence grave, programmes spéciaux pour élèves suspendus et expulsés, vérification de la sécurité, systèmes de surveillance, exercices d’alerte, etc. Certains comptent même à leur emploi des surveillants à plein temps qui patrouillent couloirs et toilettes. Ces initiatives découlent du devoir de diligence dont le personnel enseignant, les directrices et directeurs d’école et les agentes et agents de supervision doivent s’acquitter.

de Jack H. Berryman

Les accidents, altercations et autres incidents qui causent des blessures aux élèves sont inévitables, mais il est essentiel que la négligence du personnel scolaire n’en soit pas la cause. Le personnel enseignant, de même que les directrices et directeurs d’école et les agentes et agents de supervision, doivent s’acquitter de leur devoir de diligence et peuvent être tenus responsables s’ils négligent de le faire.

La loi ontarienne oblige le personnel enseignant à exécuter diverses tâches de nature parentale. Par exemple, l’enseignante ou l’enseignant doit être un modèle pour ses élèves et les discipliner judicieusement, avec bienveillance et fermeté.

En vertu de la common law, les enseignantes et enseignants doivent également protéger leurs élèves contre les risques raisonnablement prévisibles. La diligence appropriée dans ce sens est celle d’une mère ou d’un père prudent.

L’application de cette norme de diligence varie selon l’activité et repose sur plusieurs facteurs, notamment la nature de l’activité, le nombre d’élèves supervisés, leur âge, ainsi que le degré de compétence ou de formation que les élèves ont reçu en rapport avec cette activité.

Il est essentiel de comprendre la notion de prévisibilité pour respecter cette norme de diligence. Prévoir consiste à planifier, à déceler les risques possibles et à prendre les mesures nécessaires pour y faire face. Le critère de la prévisibilité des torts s’applique à ce qui est possible et non à ce qui est probable.

D’après le Règlement 298 pris en application de la Loi sur l’éducation, l’enseignant «met en œuvre le programme d’enseignement et exerce les fonctions de supervision que lui assigne le directeur d’école». En outre, l’enseignant «veille à ce que toutes les mesures de sécurité suffisantes soient prises dans le cadre des cours et des activités dont il a la responsabilité».

La loi et les règlements ne précisent pas le degré de supervision. Celui-ci doit être établi par les agentes et agents de supervision, les directrices et directeurs d’école, le personnel enseignant et les conseils. L’administration scolaire n’a pas à superviser continuellement les élèves, mais elle doit faire preuve de bon sens.

Il est souhaitable de suivre les principes suivants :

  • plus il y a d’élèves, moins chaque élève peut être supervisé;
  • plus les élèves sont jeunes et inexpérimentés compte tenu de l’activité prévue, plus la supervision doit être étroite;
  • plus la tâche est difficile et plus elle pose de risque de blessures, plus la supervision doit être étroite;
  • le risque de blessures est plus grand lorsque le matériel est en mauvais état ou ne convient pas à l’activité prévue; il faut alors prévoir une supervision plus étroite.

RESPONSABILITÉ

La négligence consiste à agir sans diligence suffisante. Elle peut résulter d’une action ou d’une omission. Le personnel enseignant a l’obligation de ne pas faire preuve de négligence.

Certaines activités comportent un élément de danger; permettre aux élèves d’y participer ne procède pas de la négligence. Cependant, la personne responsable doit faire preuve d’un degré élevé de diligence.

Les conseils scolaires sont responsables des actes de négligence de leurs employés qui sont en service. La Loi sur l’éducation oblige les conseils à assurer ses employés et bénévoles contre les réclamations découlant d’éventuels accidents.

Pour prouver qu’il y a eu négligence, il faut démontrer que les torts étaient raisonnablement prévisibles. Autrement, il est peu probable que l’enseignante ou l’enseignant visé soit considéré responsable de l’incident. Cependant, un tribunal jugera probablement une enseignante ou un enseignant négligent si l’élève sous sa responsabilité a été blessé, si elle ou il a manqué à son devoir ou s’il existe une relation de cause à effet entre ce manquement et les torts causés.

Le tribunal peut également décider qu’il y a eu négligence de la victime, c’est-à-dire que tant l’élève que l’enseignante ou l’enseignant ont une part de responsabilité dans les torts causés. Le tribunal imposera à chaque partie des dommages-intérêts en fonction de son pourcentage de responsabilité.

Le devoir de diligence du personnel enseignant s’applique également à la qualité de la formation ou de l’enseignement offert aux élèves. Le Règlement 298 prévoit que l’enseignant «est responsable de l’enseignement et de la formation des élèves dans les matières qu’il est chargé d’enseigner et de l’évaluation de leurs progrès».

Un enseignement ou une formation inefficace peut causer un grave tort aux élèves, surtout à ceux qui participent à des activités comportant des risques.

NÉGLIGENCE PROFESSIONNELLE EN ÉDUCATION

Les médecins ne sont pas les seuls à devoir se préoccuper de la négligence professionnelle.

La négligence professionnelle en éducation a été définie comme «l’incompétence d’un établissement ou d’un éducateur qui cause des torts à l’élève, en l’empêchant notamment d’atteindre le niveau d’apprentissage qu’il aurait probablement atteint s’il avait reçu un enseignement de qualité, s’il n’avait pas été mal informé quant à ses capacités ou à ses réalisations, s’il avait reçu un bon diagnostic et été informé de ses besoins en matière d’éducation de l’enfance en difficulté et autres.»

Jusqu’à maintenant, les tribunaux canadiens n’ont jamais tenu des enseignantes et enseignants responsables de négligence professionnelle.

Cependant, au Royaume-Uni, les tribunaux ont reconnu que, dans le domaine de l’éducation de l’enfance en difficulté, les éducatrices et éducateurs peuvent être tenus responsables de négligence professionnelle. En 1995, un tribunal a déclaré ce qui suit, au sujet du devoir de diligence des directrices et directeurs d’école : «L’école qui reçoit un élève est responsable non seulement de son bien-être physique, mais également de ses besoins éducationnels. C’est justement pour recevoir une éducation que l’enfant va à l’école. L’enseignant en chef qui est responsable de l’école a le devoir d’exercer les tâches raisonnables d’un directeur d’école en ce qui concerne ces besoins éducationnels. Si le directeur d’école apprend qu’un élève présente un rendement insuffisant, il est de son devoir de prendre les mesures qu’un enseignant raisonnable jugerait appropriées en vue de résoudre ce problème de rendement.»

En 1994, dans une cause différente, un autre tribunal a déclaré que le fait de négliger de composer adéquatement avec le handicap d’un élève pourrait constituer une négligence professionnelle. «On peut soutenir que le fait d’omettre de traiter un cas de dyslexie ou de tarder à le faire cause des torts qui peuvent donner lieu à une réclamation en dommages-intérêts pour négligence. Il s’ensuit que le devoir de l’enseignant de faire preuve d’une diligence raisonnable en vue de protéger l’élève contre les préjudices comprend également le devoir de connaître les symptômes qui, selon une mère, un père ou un enseignant raisonnable et prudent, témoigneraient d’un cas de dyslexie ou, de façon plus générale, de la nécessité de consulter un spécialiste.»

POUR RÉDUIRE LES RISQUES

Au moment d’élaborer des cours et des activités pour leurs élèves, les éducatrices et éducateurs devraient chercher à réduire les risques d’incidents. Les enseignantes et enseignants doivent mettre tout en œuvre pour préciser des aspects cruciaux comme le degré de supervision nécessaire, la formation et l’enseignement requis pour permettre aux élèves de se livrer adéquatement à l’activité prévue, ainsi que l’état du matériel.

Les parents s’attendent à ce que leurs enfants soient éduqués dans un milieu d’apprentissage sécuritaire où l’on se soucie de leur bien-être. Dans le cadre de vos activités, posez-vous cette question : «Si ces élèves étaient mes enfants, que ferais-je, en tant que mère ou père prudent, pour remplir mon devoir de diligence?»

Jack Berryman est membre de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario et agent d’éducation à la Direction de la gestion scolaire du ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario.