«M. Ferguson, comme je lai appelé toute ma vie, avait le don de présenter un
sujet. Il aimait tellement les uvres quil enseignait que nous en venions à
mettre de côté notre aversion naturelle pour Shakespeare et à nous dire que sil
pouvait faire preuve de tant denthousiasme, cela en valait sans doute la peine.»
Gzowski appelle Ferguson le «Mister Chips» de lécole Galt : «Les gens
laimaient. Il était très jovial.»
Ferguson a fait quelque chose dinusité pour un enseignant : il a été
candidat CCF (ancien NPD). Gzowski se rappelle que bon nombre avaient été surpris, y
compris son beau-père qui croyait que ces «socialistes radicaux» ne devraient pas avoir
le droit denseigner. Lactivité politique de Ferguson nétait jamais
mentionnée en classe. «Il ne parlait que des écrivains au programme», ajoute Ferguson.
Ferguson enseignait aussi la composition. «Jétais capable décrire un peu
à lépoque, dit Gzowski. Je suis fils de bibliothécaire. Javais déjà un
intérêt poussé pour ces choses, et il na fait que mencourager.»
Gzowski aimait recevoir des nouvelles de Ferguson. «Quand jai commencé à
travailler à la radio, je recevais des lettres merveilleuses, érudites, drôles et
parfois même, des réprimandes. Les lettres étaient écrites à la main, à la plume,
sur de petits feuillets blancs de M. Ferguson. Frank Ferguson alors à la retraite
quil signait. Cest à ce moment que jai appris son nom», ajoute
Gzowski.
Helen Rudick enseignait aussi langlais à lécole Galt. «Elle avait
lesprit un peu mal tourné, ce qui était toujours un plaisir, dit Gzowski en riant.
Elle adorait mettre les garçons mal à laise et faisait tout ce quelle
pouvait pour jouer sur les mots. Et je sais quelle aimait nous observer rigoler et
rougir de la situation.»
En 11e année, Gzowski est passé à lécole Ridley, une école indépendante
pour garçons à St. Catharines. Cest là quil a rencontré Jim Pringle,
qui venait dAtikokan et qui avait été commando pendant la guerre. «Enfin
quelquun qui avait vraiment été à la guerre, précise Gzowski. Je ne me rappelle
pas de la littérature quil enseignait, mais il savait toujours nous inspirer pour
écrire.»
«On pouvait remarquer chez lui un peu de la dureté de la guerre, se souvient Gzowski.
Il était parfois plutôt morose, mais en général très éveillé et de compagnie fort
agréable.»
«Ce dont je me rappelle le plus, ajoute Gzowski, cest une dissertation dans
laquelle je voulais démontrer mes énormes talents littéraires. Jai rédigé un
texte du type «courants insaisissables de la conscience» et il la complètement
démoli. Non seulement ma note fut horrible, mais les commentaires daccompagnement
étaient caustiques. Bien entendu, il avait raison. La leçon a bien servi. Jétais
un peu la vedette en composition dans la classe, et quand jobtenais un 30 ou à peu
près, cétait un moment inoubliable. Ce qui était très bien pour moi. Cela
signifiait que je devrais laisser mes prétentions de côté, ne pas me prendre pour ce
que je nétais pas.»
«Cest, je crois, ce que font les grands enseignants, soit ne pas avoir peur de
vous faire décrocher de vos prétentions. Il savait sans doute que jespérais
travailler dans le domaine des communications», conclut Gzowski.