Juin 2000

teaching.jpg (16568 bytes) Il n’y a plus de doute : la qualité de l’enseignement influe sur le rendement des élèves. Il est temps de se pencher sur la formation initiale et le perfectionnement professionnel, et peut-être même sur les dernières recherches.


Un enseignement de qualité, ça compte
de Malkin Dare

Eric Hanushek, économiste à l’Université de Rochester, s’est fait connaître en dénigrant toutes les méthodes traditionnelles visant à améliorer le rendement des élèves. Qu’il s’agisse de réduire le nombre d’élèves par classe, d’augmenter le financement ou d’évaluer le personnel enseignant, rien n’était vraiment efficace. En fait, le professeur Hanushek semblait incapable de trouver une méthode qui permettrait vraiment d’aider les élèves.

Depuis quelque temps, il n’est plus du même avis. Des recherches menées récemment au Tennessee, au Texas, au Massachusetts et en Alabama ont révélé que la qualité de l’enseignement influe considérablement sur l’apprentissage des élèves. Ainsi, les élèves de l’enseignante A en apprendront peut-être plus que ceux de l’enseignante B au cours de l’année, même s’ils partent du même pied. Dans certains cas, ce contraste est tout à fait frappant. «La différence entre un bon et un mauvais enseignant peut représenter un niveau complet de rendement en une seule année scolaire», affirme Hanushek.

En outre, la qualité de l’enseignement a un effet durable; elle influe sur le rendement des élèves pendant au moins deux ans de plus. Les élèves qui ont trois bons enseignants d’affilée (plutôt que trois mauvais) peuvent gagner jusqu’à 50 points centiles au classement. Il s’agit là d’une différence très significative qui se répercute sur le groupement des élèves au secondaire et, par conséquent, sur leur avenir.

Une description plus complète de cette étude est accessible sous le titre Good Teaching Matters … a Lot à www.edtrust.org/pubs-online.html

ADAPTATION DES MÉTHODES
Le plus intéressant dans cette étude, c’est d’apprendre que les enseignantes et enseignants peuvent facilement modifier leurs méthodes d’enseignement. Évidemment, la situation socioéconomique et le QI des élèves sont des facteurs très importants qu’un bon enseignement ne peut entièrement compenser. Il serait déraisonnable de s’attendre à ce que les écoles, où les enfants ne passent que 15 pour 100 de la journée, renversent les effets de la pauvreté et des problèmes sociaux. Toutefois, en améliorant la qualité de leur enseignement, les enseignantes et les enseignants peuvent compenser en partie les difficultés qui défavorisent certains de leurs élèves.

En 1992, des éducateurs bien connus d’El Paso ont contribué à la formation d’un organisme de développement économique, l’El Paso Collaborative for Community and Economic Development. Au cours des cinq années suivantes, ils ont cherché à améliorer les techniques d’enseignement en offrant une aide intensive au personnel enseignant et en apportant des changements majeurs au programme offert à la faculté locale d’éducation. Non seulement le nombre d’élèves qui ont réussi à l’examen de mathématiques de l’état a doublé pendant cette période, mais le gouffre de 30 pour 100 entre les élèves blancs et les élèves hispaniques et afro-américains, qui obtenaient de bien moins bons résultats, s’est resserré et n’est plus que de 10 pour 100.

D’autres pays sont également parvenus à améliorer l’efficacité de l’enseignement.

Une méthode d’amélioration de l’enseignement employée par des enseignantes et enseignants du Japon est décrite dans un nouvel ouvrage intitulé The Teaching Gap: Best Ideas from the World’s Teachers for Improving Education in the Classroom, de James W. Stigler et James Hiebert, publié par Free Press.

S’appuyant sur des enregistrements vidéos effectués dans des classes de 8e année des États-Unis, du Japon et d’Allemagne, les auteurs décrivent les méthodes d’enseignement stimulantes qui sont appliquées de nos jours dans presque toutes les classes japonaises. Il y a trente ans, la plupart des enseignants japonais employaient de strictes méthodes traditionnelles. Stigler et Hiebert exposent en détail le système japonais d’amélioration continue qui permet de parfaire l’enseignement peu à peu au fil des ans.

DES « PIERRES POLIES »
Au Japon, c’est au personnel enseignant qu’il incombe d’améliorer l’enseignement en classe. Les auteurs décrivent une méthode très intéressante; ainsi, les enseignantes et enseignants suivent de la formation tout au long de leur carrière, et la classe devient un laboratoire où s’élaborent de nouvelles idées en matière d’enseignement. Si on leur donne le temps et les outils nécessaires pendant la journée pour appliquer des méthodes d’apprentissage coopératif et élaborer des plans, les enseignantes et enseignants seront en mesure d’améliorer leur enseignement.

Un vidéo éloquent intitulé The Polished Stones («pierres polies») expose les méthodes d’enseignement de plusieurs enseignantes et enseignants de mathématiques des États-Unis, de Chine et du Japon. On peut l’obtenir auprès du Centre for Human Growth and Development de l’Université du Michigan.

Au Japon, on utilise un savant mélange de stratégies d’enseignement. Presque toutes les leçons commencent par un problème complexe que les élèves sont appelés à résoudre. Puis on demande aux élèves, qui travaillent en équipe, deux par deux ou seuls, de décrire au reste du groupe comment ils s’y sont pris pour résoudre le problème.

Évidemment, bon nombre des solutions proposées sont erronées, et l’enseignant explique simplement pourquoi. Comme il y a souvent plusieurs solutions acceptables, l’enseignant demande aux élèves de lui proposer le plus de stratégies possible, ce qui ouvre la voie à un éventail de styles d’apprentissage différents et permet à tous les élèves d’apprendre, même aux plus lents.

Au Japon, il n’y a pas de cloisonnement des élèves avant la fin de la 9e année; on préfère laisser les élèves avancer ensemble. Certains élèves nécessitent plus d’attention que les autres, mais tous deviennent pareils à des «pierres polies».

DES ENSEIGNANTS AUX TÂCHES MULTIPLES
On peut également s’inspirer de l’expérience d’autres pays, comme la Suisse, où il n’y a ni experts-conseils ni directeurs d’école et où les titulaires de classe se partagent la responsabilité de l’enseignement et de l’administration scolaire. Comme au Japon et en Chine, l’amélioration de l’enseignement incombe avant tout à ces personnes. Un exposé des méthodes suisses figure dans Schooling as Preparation for Life and Work in Switzerland and Britain, d’Helvia Bierhoff et S.J. Prais, publié par le National Institute of Economic and Social Research.

Fait intéressant, les Suisses, dont les élèves obtiennent d’excellents résultats aux tests internationaux, semblent partager la même philosophie que les Japonais.

«Pour les enseignants anglais, aux prises dans leurs cours de mathématiques avec un défilé d’élèves sous-performants qui ne savent trop ce que l’on attend d’eux, l’uniformité du rendement des élèves des Realschule suisses représente une véritable révélation, car il montre ce qu’il est possible de réaliser», écrivent les auteurs.

Toute initiative d’amélioration de l’enseignement doit être axée sur l’évaluation objective des résultats. Comme les coureurs qui se chronomètrent, les éducateurs doivent mesurer rigoureusement les progrès de leurs élèves pour déterminer si leurs nouvelles méthodes d’enseignement sont fructueuses ou non.

Selon Keith Stanovich de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario, «Rien n’a retardé autant l’avancement des connaissances dans la psychologie de la lecture que l’étude non scientifique des problèmes […] Voir les connaissances comme quelque chose de subjectif et de personnel favorise la multiplication des théories éducatives à la mode, que l’on pourrait facilement freiner en faisant prendre conscience aux enseignants et aux autres praticiens de l’importance de résoudre les problèmes d’éducation selon une démarche scientifique.»

Malkin Dare est l’auteure de How to get the right education for your child et est rédactrice en chef du bulletin de l’Organization for Quality Education (www.oqe.org). On peut la joindre à dare@netcom.ca