Un enseignement de qualité, ça compte
de Malkin Dare
Eric Hanushek, économiste à lUniversité de Rochester, sest fait
connaître en dénigrant toutes les méthodes traditionnelles visant à améliorer le
rendement des élèves. Quil sagisse de réduire le nombre délèves par
classe, daugmenter le financement ou dévaluer le personnel enseignant, rien
nétait vraiment efficace. En fait, le professeur Hanushek semblait incapable de
trouver une méthode qui permettrait vraiment daider les élèves.
Depuis quelque temps, il nest plus du même avis. Des recherches menées
récemment au Tennessee, au Texas, au Massachusetts et en Alabama ont révélé que la
qualité de lenseignement influe considérablement sur lapprentissage des
élèves. Ainsi, les élèves de lenseignante A en apprendront peut-être plus que
ceux de lenseignante B au cours de lannée, même sils partent du même
pied. Dans certains cas, ce contraste est tout à fait frappant. «La différence entre un
bon et un mauvais enseignant peut représenter un niveau complet de rendement en une seule
année scolaire», affirme Hanushek.
En outre, la qualité de lenseignement a un effet durable; elle influe sur le
rendement des élèves pendant au moins deux ans de plus. Les élèves qui ont trois bons
enseignants daffilée (plutôt que trois mauvais) peuvent gagner jusquà 50
points centiles au classement. Il sagit là dune différence très
significative qui se répercute sur le groupement des élèves au secondaire et, par
conséquent, sur leur avenir.
Une description plus complète de cette étude est accessible sous le titre
Good Teaching Matters
a Lot à www.edtrust.org/pubs-online.html
ADAPTATION DES MÉTHODES
Le plus intéressant dans cette étude, cest dapprendre
que les enseignantes et enseignants peuvent facilement modifier leurs
méthodes denseignement. Évidemment, la situation socioéconomique
et le QI des élèves sont des facteurs très importants quun bon
enseignement ne peut entièrement compenser. Il serait déraisonnable
de sattendre à ce que les écoles, où les enfants ne passent
que 15 pour 100 de la journée, renversent les effets de
la pauvreté et des problèmes sociaux. Toutefois, en améliorant la
qualité de leur enseignement, les enseignantes et les enseignants
peuvent compenser en partie les difficultés qui défavorisent certains
de leurs élèves.
En 1992, des éducateurs bien connus dEl Paso ont contribué à la
formation dun organisme de développement économique, lEl
Paso Collaborative for Community and Economic Development. Au cours
des cinq années suivantes, ils ont cherché à améliorer les techniques
denseignement en offrant une aide intensive au personnel enseignant
et en apportant des changements majeurs au programme offert à la faculté
locale déducation. Non seulement le nombre délèves qui
ont réussi à lexamen de mathématiques de létat a doublé
pendant cette période, mais le gouffre de 30 pour 100 entre
les élèves blancs et les élèves hispaniques et afro-américains, qui
obtenaient de bien moins bons résultats, sest resserré et nest
plus que de 10 pour 100.
Dautres pays sont également parvenus à améliorer lefficacité de
lenseignement.
Une méthode damélioration de lenseignement employée par des enseignantes
et enseignants du Japon est décrite dans un nouvel ouvrage intitulé The Teaching
Gap: Best Ideas from the Worlds Teachers for Improving Education in the Classroom,
de James W. Stigler et James Hiebert, publié par Free Press.
Sappuyant sur des enregistrements vidéos effectués dans des
classes de 8e année des États-Unis, du Japon et dAllemagne,
les auteurs décrivent les méthodes denseignement stimulantes
qui sont appliquées de nos jours dans presque toutes les classes japonaises.
Il y a trente ans, la plupart des enseignants japonais employaient
de strictes méthodes traditionnelles. Stigler et Hiebert exposent
en détail le système japonais damélioration continue qui permet
de parfaire lenseignement peu à peu au fil des ans.
DES « PIERRES POLIES »
Au Japon, cest au personnel enseignant quil incombe
daméliorer lenseignement en classe. Les auteurs décrivent une méthode très
intéressante; ainsi, les enseignantes et enseignants suivent de la formation tout au long
de leur carrière, et la classe devient un laboratoire où sélaborent de nouvelles
idées en matière denseignement. Si on leur donne le temps et les outils
nécessaires pendant la journée pour appliquer des méthodes dapprentissage
coopératif et élaborer des plans, les enseignantes et enseignants seront en mesure
daméliorer leur enseignement.
Un vidéo éloquent intitulé The Polished Stones («pierres polies») expose
les méthodes denseignement de plusieurs enseignantes et enseignants de
mathématiques des États-Unis, de Chine et du Japon. On peut lobtenir auprès du
Centre for Human Growth and Development de lUniversité du Michigan.
Au Japon, on utilise un savant mélange de stratégies denseignement. Presque
toutes les leçons commencent par un problème complexe que les élèves sont appelés à
résoudre. Puis on demande aux élèves, qui travaillent en équipe, deux par deux ou
seuls, de décrire au reste du groupe comment ils sy sont pris pour résoudre le
problème.
Évidemment, bon nombre des solutions proposées sont erronées, et lenseignant
explique simplement pourquoi. Comme il y a souvent plusieurs solutions acceptables,
lenseignant demande aux élèves de lui proposer le plus de stratégies possible, ce
qui ouvre la voie à un éventail de styles dapprentissage différents et permet à
tous les élèves dapprendre, même aux plus lents.
Au Japon, il ny a pas de cloisonnement des élèves avant la
fin de la 9e année; on préfère laisser les élèves avancer
ensemble. Certains élèves nécessitent plus dattention que les
autres, mais tous deviennent pareils à des «pierres polies».
DES ENSEIGNANTS AUX TÂCHES MULTIPLES
On peut également sinspirer de lexpérience
dautres pays, comme la Suisse, où il ny a ni experts-conseils
ni directeurs décole et où les titulaires de classe se partagent
la responsabilité de lenseignement et de ladministration
scolaire. Comme au Japon et en Chine, lamélioration de lenseignement
incombe avant tout à ces personnes. Un exposé des méthodes suisses
figure dans Schooling as Preparation for Life and Work in Switzerland
and Britain, dHelvia Bierhoff et S.J. Prais, publié par
le National Institute of Economic and Social Research.
Fait intéressant, les Suisses, dont les élèves obtiennent dexcellents
résultats aux tests internationaux, semblent partager la même philosophie que les
Japonais.
«Pour les enseignants anglais, aux prises dans leurs cours de mathématiques
avec un défilé délèves sous-performants qui ne savent trop ce
que lon attend deux, luniformité du rendement des
élèves des Realschule suisses représente une véritable révélation,
car il montre ce quil est possible de réaliser», écrivent les
auteurs.
Toute initiative damélioration de lenseignement doit être axée sur
lévaluation objective des résultats. Comme les coureurs qui se chronomètrent, les
éducateurs doivent mesurer rigoureusement les progrès de leurs élèves pour déterminer
si leurs nouvelles méthodes denseignement sont fructueuses ou non.
Selon Keith Stanovich de lInstitut détudes pédagogiques de
lOntario, «Rien na retardé autant lavancement des
connaissances dans la psychologie de la lecture que létude non
scientifique des problèmes [
] Voir les connaissances comme quelque
chose de subjectif et de personnel favorise la multiplication des
théories éducatives à la mode, que lon pourrait facilement freiner
en faisant prendre conscience aux enseignants et aux autres praticiens
de limportance de résoudre les problèmes déducation selon
une démarche scientifique.»
Malkin Dare est lauteure de How to
get the right education for your child et est rédactrice en chef
du bulletin de lOrganization for Quality Education (www.oqe.org).
On peut la joindre à dare@netcom.ca