Juin 2000

Lésion cérébrale acquise et scolarité

Pour une meilleure prise de conscience

L’incompréhension dont sont victimes les élèves atteints de lésion cérébrale peut augmenter leur traumatisme. L’enseignante ou l’enseignant qui sait comment s’y prendre peut faire une différence appréciable.
 

de Sheila Bennett, Dawn Good et Dawn Zinga

Éric était un élève enthousiaste qui donnait le meilleur de lui-même. Pendant les fêtes de décembre, en revenant d’une journée de ski, sa mère et lui ont été victimes d’une collision automobile sur la 401. De retour à l’école, l’enfant était irritable, distrait, refusait de participer aux activités de groupe, et ses résultats scolaires avaient nettement baissé.

Son enseignante de 4e année attribuait ces difficultés au fait que la mère était restée à l’hôpital pendant tout le restant du trimestre.

En 5e année, son enseignant a fait savoir à ses parents qu’il n’était pas motivé et refusait de s’appliquer. Tous ont convenu que le stress causé par l’accident et le traumatisme provoqué par le fait que sa mère a failli mourir l’avaient profondément perturbé au plan psychologique et avaient agi sur son comportement. La famille a donc accepté de lui faire suivre des séances de counselling pour ses troubles du comportement.

En réalité, Éric fait partie des quelque 27 000 élèves en Ontario qui sont atteints d’une lésion cérébrale acquise. Certains d’entre eux font l’objet d’un diagnostic médical, d’autres pas. Dans la classe, on considère à tort que ces élèves ont des problèmes de comportement et de motivation.

On n’a jamais dit au personnel enseignant qu’Éric avait une lésion cérébrale causée par un accident de voiture. Comme il s’agissait d’une «lésion cérébrale fermée» et qu’il n’était de toute évidence ni défiguré, ni handicapé - il pouvait marcher et parler – le personnel enseignant n’avait aucun moyen de reconnaître seul les signes de son traumatisme.

ABSENCE FRÉQUENTE DE DIAGNOSTIC
Il est important que le personnel enseignant sache que la lésion médicale acquise est un diagnostic posé par un membre compétent de la profession médicale. Souvent, les enseignantes et enseignants sont mis au courant de ce diagnostic, mais pas toujours. Nombreux sont les enfants qui ne font pas l’objet d’un diagnostic de lésion cérébrale acquise. Ceci dit, les observations faites par le personnel enseignant et leurs interventions auprès des élèves peuvent permettre d’obtenir des renseignements essentiels et fournir des appuis qui aident ces enfants à s’adapter et à réussir à l’école.

Comment peut-on faire prendre conscience aux éducatrices et éducateurs de l’existence d’une lésion cérébrale chez certains élèves? Ces enfants peuvent présenter des problèmes cognitifs, comme des troubles de mémoire, d’attention, de concentration ou des problèmes de langage ou de fonctionnement intellectuel global, des difficultés comportementales et à caractère social, comme le passage à l’acte, l’impulsivité, l’inattention ou l’irritabilité, ou des problèmes neurologiques physiques comme la dysthymie, le ralentissement de la motricité et l’instabilité de la démarche ou de l’équilibre, selon le siège et l’ampleur du traumatisme.

Tous ces symptômes peuvent avoir de graves répercussions sur la scolarité de ces enfants. On ne peut pas non plus ne pas tenir compte des blessures psychologiques. Isolement, rejet, échec, incapacité d’accomplir ce que l’on attend d’eux et ce qu’il était possible de faire pèsent lourd sur leur moral.

Les effets de la lésion cérébrale peuvent changer à mesure que l’enfant se développe. Une lésion survenue en 1re année peut sembler avoir peu d’impact sur son comportement et ses résultats scolaires. Toutefois, le même enfant peut connaître des difficultés en 6e année, lorsqu’il doit faire l’acquisition de capacités de traitement cognitif complexes, comme la pensée abstraite ou la résolution de problèmes.

Les enfants souffrant de lésion cérébrale acquise sont souvent plus distraits et deviennent frustrés dans la classe, ce qui entraîne souvent le passage à l’acte. Si on note un changement de comportement chez un enfant et de la difficulté à exécuter des tâches qu’auparavant il accomplissait bien, il faudrait peut être penser à une lésion cérébrale acquise.

COMMENT INTERVENIR?
Que faire pour aider les élèves souffrant de lésion cérébrale acquise? Ces enfants ont tout à gagner d’habitudes bien établies et d’attentes clairement définies. Il peut aussi être nécessaire de les aider à s’organiser et à se concentrer sur les tâches à accomplir. Ils se fatiguent mentalement et physiquement plus vite, ce qui les rend frustrés. En minimisant les distractions et en leur donnant la possibilité de se reposer lorsqu’ils en ont besoin, on les aide à mieux faire face à leurs problèmes et à moins s’emporter.

Ces élèves ont souvent besoin de plus de temps pour faire leurs devoirs et leurs examens. Les difficultés de traitement de l’information et les troubles de mémoire font qu’il leur est en effet difficile de suivre des instructions complexes et de renforcer leurs apprentissages.

Les éducatrices et éducateurs peuvent surmonter ces difficultés en donnant des instructions par étape ou écrites. Offrir un vaste éventail de possibilités de mise en pratique de nouvelles habiletés favorisera le renforcement des apprentissages. Il est également important de veiller à ce que les élèves apprennent une nouvelle habileté en travaillant avec des exemples avant de mettre en pratique individuellement ce qu’ils ont appris. Avec l’introduction de quelques-unes de ces procédures simples, le rendement scolaire et l’avenir de ces enfants devraient s’améliorer de façon spectaculaire.

Si un de vos élèves est atteint de lésion cérébrale acquise ou si vous désirez de plus amples renseignements, vous pouvez communiquer avec l’Ontario Brain Injury Association au 1-800-263-5404 ou avec les responsables du projet Educating Educators about Acquired Brain Injury au 905-688-5550, poste 3556. Au cours des deux prochaines années, ils mettront à la disposition des éducatrices et éducateurs des ensembles de documents, offriront des séances de formation sur place et créeront un site web.

Dawn Good est professeure agrégée de psychologie à l’Université Brock et directrice du programme de neurosciences de Brock. Sheila Bennett est professeure adjointe à la faculté d’éducation de l’Université Brock, se spécialise dans la recherche et l’enseignement de l’enfance en difficulté et a été longtemps enseignante. Dawn Zinga prépare un doctorat à l’Institut des études pédagogiques de l’Ontario de l’Université de Toronto.