Juin 2000

L’Ontario se prépare au premier test provincial de 10e année
 

L’évaluation des habiletés en lecture et en écriture

de Rosemarie Bahr

«Je crois que la seule chose que nous révèlent les tests traditionnels, c’est si l’élève a lu le texte ou non, affirme Amy Leclaire. Évidemment, il arrive que l’élève l’ait lu mais ne l’ait pas compris. C’est alors un problème de compréhension. Mais s’il ne l’a pas lu, alors il va de soi qu’il n’aura pas une bonne note. Et je ne crois pas qu’une évaluation de ce genre permette vraiment de déterminer les progrès de l’élève.»

Leclaire estime qu’il en va tout autrement du nouveau test d’habiletés en lecture et écriture de 10e année. «L’élève qui obtient un mauvais résultat connaît un problème concret au plan de la compréhension, de l’apprentissage ou de l’écriture», dit-elle. Leclaire, qui enseigne l’anglais à l’Arnprior District High School, compte parmi les centaines d’enseignantes et d’enseignants de l’Ontario qui ont contribué à élaborer le test.

Depuis deux ans, l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE) élabore le contenu et les modalités d’un test d’habiletés en lecture et écriture qui sera administré à tous les élèves de 10e année de la province. Les 160 000 élèves de 10e année de l’Ontario le passeront pour la première fois en octobre prochain.

Rhéal Gauthier, qui enseigne le français à l’École secondaire De-La-Salle à Ottawa, a travaillé deux fois à ce projet – une fois à la notation et, plus récemment, pour aider à trouver la police qui servira au texte. Il croit que les enseignantes et enseignants ne devraient pas s’inquiéter d’enseigner en fonction du test : «Il est suffisamment général que les élèves devraient être capables de faire ce que l’on s’attend d’eux.»

Pour Pauline Laing, codirectrice du test d’habiletés en lecture et écriture de 10e année, ce projet était d’une envergure considérable. «Nous parlons constamment d’évaluation et de l’importance de la faire correctement, dit-elle. Quand on constate tous les facteurs dont il faut tenir compte pour élaborer une évaluation équitable, on comprend les difficultés qu’il faut surmonter et tout le travail attentif et les recherches qu’il faut faire. Rien n’est simple.»

SÉLECTION DES DOCUMENTS
S’il a été difficile de trouver le matériel approprié pour le test en anglais, la tâche fut encore plus ardue en français. C’est ce que souligne Mariette Carrier-Fraser, codirectrice du test en français. «Le test de lecture et d’écriture n’est évidemment pas une traduction de l’anglais au français. Nous ne nous servons pas des mêmes textes ni des mêmes questions. Pourtant, nous voulons mesurer les mêmes habiletés dans une langue comme dans l’autre.»

Elle ajoute : «Tout le monde sait qu’en Ontario, il y a beaucoup plus de matériel en anglais qu’en français. Nous avons cherché un peu partout, en France et au Québec entre autres. Les textes trouvés ailleurs ont dû être adaptés aux besoins de la communauté franco-ontarienne. Et ce sont des enseignantes et enseignants qui les ont adaptés.»

La partie du test consacrée aux habiletés en lecture est conçue pour évaluer la capacité des élèves de comprendre les idées et les informations explicitement énoncées dans un passage et de faire des inférences, c’est-à-dire de comprendre le message fondamental que véhicule le texte. Les élèves devront également appliquer ce qu’ils lisent à leur vie personnelle et utiliser la structure et le contexte pour saisir le sens de certains mots.

La partie consacrée aux habiletés en écriture permet de découvrir si les élèves peuvent développer une idée principale et fournir des détails et une structure à l’appui, organiser leurs idées, respecter les règles de la syntaxe, de l’orthographe, de la grammaire et de la ponctuation et utiliser des mots appropriés, définir leur public cible et adapter leur écriture à son intention.

«Ce test ne vise pas à faire échouer les jeunes, précise Carrier-Fraser. Nous voulons leur donner l’occasion de démontrer ce dont ils sont capables.»

Les enseignantes et enseignants peuvent aider les élèves à se préparer au test en accordant de l’importance à la lecture et à l’écriture dans toutes les matières, d’après Laing. «Par exemple, en sciences, au lieu de dire simplement "Lisez ceci et nous en parlerons ensuite", dites plutôt "Prenons le premier paragraphe. Y a-t-il une phrase qui semble décrire le sujet de ce paragraphe? Pouvez-vous relever trois mots qui semblent indiquer que l’auteur a trois points à développer?" Il s’agit d’insister sur les habiletés en lecture, quelle que soit la matière.»

«Il en va de même pour l’écriture, poursuit-elle. Ne mettez pas de côté la capacité d’organiser ses idées de façon logique et ne dites pas que les élèves n’ont pas à écrire car vous leur enseignez les mathématiques. Il existe bien des façons d’intégrer l’écriture dans toutes les matières. »

MISE À L’ESSAI DU TEST
L’équipe de l’OQRE, avec la collaboration des nombreux groupes du monde de l’éducation, s’est employée à distinguer les compétences qui devaient faire l’objet du test et à rechercher des documents à utiliser. Elle a également déterminé les types de questions à retenir et les formulations qui permettent d’obtenir les meilleures réponses possibles de la part des élèves.

L’élaboration des documents s’est fait avec la collaboration d’enseignantes et d’enseignants de toute la province. À l’étape du projet pilote, l’OQRE a diffusé des exemples de questions pour déterminer celles que les élèves comprenaient. Deux mille sept cents élèves francophones et anglophones ont participé à ce processus. L’OQRE a ensuite mené une analyse approfondie, avec l’aide d’experts de tout le pays, pour déterminer comment les élèves ont répondu à chaque question.

«La mise à l’essai nous a permis de déterminer quelles questions étaient trop faciles ou trop difficiles. Nous avons modifié certains textes qui ne semblaient pas adaptés aux capacités des jeunes, ajoute Carrier-Fraser. J’ai moi-même relu le tout et si nous ne comprenions pas une question, nous ne pouvions donc pas nous attendre à ce que les élèves la comprennent. Il a donc fallu la modifier.»

Des changements ont été apportés au cours des trois séries de tests pilotes. Vers la fin du processus, les changements étaient mineurs. Ce processus a également permis d’évaluer la logistique du test, c’est-à-dire la façon dont il est distribué, ramassé et noté.

La mise à l’essai de mars, qui a fait intervenir 6 000 élèves, a permis d’évaluer l’ensemble du processus. On a pu ainsi déterminer si les directives étaient claires, si l’on avait prévu assez de temps et si les enveloppes étaient faciles à sceller. Au bout du compte, selon Laing, c’est le processus que l’on soumet à une analyse. Ensuite, on commencera à donner de la formation aux responsables dans les écoles.

«J’ai rencontré des directrices et directeurs d’école francophones qui se sont dit satisfaits du processus retenu étant donné que des enseignantes et des enseignants travaillaient avec l’OQRE pour s’assurer que le matériel proposé correspondait aux besoins des écoles de langue française», affirme Carrier-Fraser.

La prochaine étape consiste à établir des normes et la note de passage. Cette tâche fera intervenir des éducatrices, des éducateurs et des intervenants d’autres secteurs qui sont disposés à se familiariser avec les caractéristiques et les résultats recherchés. L’OQRE recommandera les normes au ministère.

Laing précise que pendant la mise à l’essai, on procédera également à l’élaboration d’une politique concernant les élèves ayant des besoins particuliers.

TEST DE L’AN 2000 : PAS OBLIGATOIRE POUR L’OBTENTION DU DIPLÔME
À compter de 2001, le test de lecture et d’écriture de 10e année comptera parmi les 32 exigences auxquelles l’élève devra satisfaire pour obtenir son diplôme. Les élèves qui échoueront recevront une orientation claire pour les aider à s’améliorer, puis à reprendre le test. En mars, la ministre de l’Éducation a annoncé que les élèves qui suivent le premier test provincial d’octobre 2000 ne seront pas tenus de le réussir pour obtenir leur diplôme, et que s’ils échouent, ils n’auront pas à le reprendre.

Selon Laing, l’OQRE est satisfaite de cette décision. «Chacun aura la chance de faire l’expérience du test dans son école, et le personnel enseignant pourra se familiariser avec ce test», dit-elle. Le test d’octobre sera évalué et les résultats seront communiqués aux élèves.

L’OQRE est à la recherche d’environ 1 200 enseignantes et enseignants disposés à faire la notation des tests. Il semble que ce processus se déroulera sur une période de deux ou trois semaines; on tentera de le diviser en unités d’une semaine, de sorte que certains enseignants et enseignantes n’auront pas à s’absenter plus longtemps de leur salle de classe.

Gauthier rassure ceux qui s’inquiètent du contenu du test : «Il n’y a rien ici qui est lié à des apprentissages spécifiques. Il est question d’évaluer les habiletés et non les connaissances.»

L’OQRE recherche des enseignantes et enseignants au travail ou à la retraite pour faire la notation des tests. Pour participer, consulter le site web à www.eqao.com