La compétence linguistique du personnel enseignant : il est
temps dagir
Dans toute la province, un nombre croissant de postes en enseignement se libèrent. Bon
nombre de conseils scolaires proposent maintenant des contrats aux enseignantes et
enseignants près de huit mois plus tôt quil y a deux ans.
Daprès les directions décole et les surintendants, certains candidats
formés à létranger seront déçus car leurs aptitudes en français ou en anglais
sont insuffisantes pour leur permettre denseigner en classe, malgré la pénurie.
Ils doivent non seulement parler la langue, mais également la lire, lécrire et la
comprendre.
«Pour être bon enseignant, il est essentiel davoir des aptitudes
linguistiques suffisantes, dautant plus que le nouveau curriculum
de lOntario impose aux élèves des tests de compétences linguistiques
et mathématiques, affirme Margaret Wilson, registrateure de lOrdre.
LOrdre a la responsabilité de sassurer que les enseignantes
et enseignants qui sont autorisés à enseigner en Ontario ont les compétences
linguistiques nécessaires pour être efficaces en classe. Or, nous
ne disposons pas de ce pouvoir. Si une enseignante ou un enseignant
a les qualifications nécessaires sur papier, nous devons lautoriser
à chercher un emploi en Ontario.»
Lan dernier, lOrdre a demandé au gouvernement de lui donner la compétence
de sassurer que les candidats ont des aptitudes suffisantes en français ou en
anglais. En outre, il a proposé de supprimer une étape du processus de certification des
enseignantes et enseignants formés à létranger en vue de simplifier et
daccélérer la délivrance de leur carte de compétence ontarienne.
En 1998, un directeur décole a fait parvenir à lOrdre une lettre qui
témoigne de ce problème. Il avait reçu une demande demploi de la part dun
enseignant formé à létranger. Pour être autorisé à chercher un emploi, cet
enseignant avait obtenu une attestation dadmissibilité, que lOrdre était
tenu de lui délivrer vu ses qualifications.
Dans sa lettre de présentation, lenseignante, qui demandait un poste pour
enseigner langlais, écrivait : «
je prends en main mon objectif dêtre
un enseignant assidu qui se concentrera sur la rationalisation de son cheminement de
carrière afin dobtenir une carte de compétence qui correspond précisément à mes
désirs», avant dajouter : «En évitant de circonscrire les intérêts que
jai dans ma carrière denseignante, je réalise des progrès avantageux
concernant la carte de compétence dans le cadre dun mécanisme efficace
dépanouissement personnel.»
SITUATION ALARMANTE
Richard Evans, directeur de lécole secondaire
I. E. Weldon de Lindsay, a écrit à lOrdre pour lui faire part
de son étonnement que cette enseignante ait reçu une attestation dadmissibilité.
Il dit sêtre demandé ce qui aurait pu se produire si cette enseignante
avait été embauchée. «Si elle avait eu assez de discernement pour
se rendre compte quelle écrivait mal, elle aurait pu demander
à quelquun de rédiger sa lettre de présentation à sa place.
Les conséquences auraient été plutôt alarmantes», affirme-t-il.
Dautres intervenants partagent ce point de vue. Trudy Griffiths,
du Conseil ontarien des parents, souligne que les compétences linguistiques
représentent désormais une composante obligatoire du nouveau curriculum.
«Il va de soi que les aptitudes en français ou en anglais devraient
compter parmi les critères de certification des enseignantes et enseignants»,
dit-elle.
LOntario Public Supervisory Officials Association (OPSOA)
préconise un test daptitudes linguistiques pour les enseignantes
et enseignants qui ont reçu leur formation dans une langue étrangère.
Frank Kelly, de lOPSOA, fait remarquer quil y a toujours
quelques enseignantes et enseignants dont les aptitudes linguistiques
laissent à désirer. «Je comprends leur situation. À mon avis, ils
font un excellent travail.» Cependant, à linstar dautres
intervenants du monde de léducation, il croit que la capacité
denseigner sans difficulté dans la langue denseignement
devrait constituer un critère dembauche prioritaire.
Depuis deux ans, lOrdre prépare une modification quil proposera
dapporter au règlement pour faire en sorte que les enseignantes et enseignants
formés dans une langue étrangère soient tenus de démontrer leurs compétences
linguistiques.
À lheure actuelle, lOrdre délivre une attestation dadmissibilité
à une enseignante ou à un enseignant formé à létranger sil juge ses
qualifications équivalentes à celles exigées dune personne formée en Ontario.
Cette attestation permet de chercher un emploi dans une école ontarienne. Lagente
ou lagent de supervision du conseil scolaire qui offre un emploi doit attester que
lenseignante ou lenseignant a les aptitudes linguistiques nécessaires en
apposant sa signature sur lattestation dadmissibilité. La démarche suivie
pour vérifier ces aptitudes varie selon le conseil, mais parfois, elle se réduit à une
brève conversation.
Evans ne remet pas ce régime en question. «Je nai jamais embauché une
enseignante ou un enseignant sans entrevue, dit-il, et lentrevue est une très bonne
méthode de sélection.»
Toutefois, les directions décole et les conseils scolaires ne sont pas tous du
même avis, et il est à prévoir que loffre décroissante de personnel enseignant
en Ontario et presque partout ailleurs ne fera quaggraver ce problème.
MODIFICATIONS AU RÈGLEMENT 184
LOrdre a proposé des modifications au Règlement
184 sur les qualifications requises pour enseigner qui énonce
les exigences pour obtenir le droit denseigner en Ontario. En
vertu de ces modifications, une personne qui a reçu sa formation dans
une langue autre que le français ou langlais et qui veut obtenir
une carte de compétence serait soumise à un test visant à confirmer
ses aptitudes linguistiques dans lune ou lautre de ces
langues.
LOrdre a établi les modalités de ce test en consultation avec 18 groupes
dintervenants du monde de léducation qui, de même que le personnel du
ministère de lÉducation, ont été appelés à formuler des commentaires sur une
ébauche des changements proposés. Cette proposition a été très bien accueillie.
Certains intervenants ont soulevé des questions relatives à la mise en uvre;
selon eux, il faut sassurer que le test ne sera pas trop coûteux pour les
enseignantes et enseignants, quil ne représentera pas une forme de discrimination
à lendroit de certains groupes de personnes et que les enseignantes et enseignants
qui échouent pourront se perfectionner et refaire le test plus tard.
Pour Liz Sandals, de lOntario Public School Boards Association, le processus
dentrevue permet de déterminer si les aptitudes des candidats à la communication
orale sont suffisantes, mais ce nest pas là la seule aptitude linguistique à
vérifier.
«Il est également important de ne pas limiter les tests à la lecture, sur laquelle
se concentrent bien des tests dalphabétisation, car ce nest là quune
partie du problème. Lenseignante ou lenseignant doit savoir comment
communiquer oralement et par écrit avec les élèves et les parents.»
Il est prévu que de nombreux enseignants et enseignantes prendront leur retraite sous
peu; on peut donc sattendre à ce que loffre de personnel diminue, et que de
plus en plus denseignantes et denseignants de létranger viennent
travailler en Ontario.
DAUTRES INQUIÉTUDES
Susan Langley, secrétaire-trésorière de la Fédération des
enseignantes et des enseignants de lOntario, organisme ayant participé à la
consultation, juge quil sagit là dune question importante. «Lan
dernier, nous avons relevé une forte hausse des demandes dadmission aux facultés
déducation, mais je sais quil y a des domaines où la pénurie sera
particulièrement grave, comme en mathématiques et en sciences. Pour combler ces postes,
il faudra peut-être recruter des enseignantes et des enseignants de lextérieur de
la province. Cest là que ça devient plus inquiétant.»
La registrateure de lOrdre a également rencontré un certain nombre de groupes
représentant des communautés minoritaires. Ils sont en faveur de cette initiative, tout
en soulignant quelle doit être équitable pour les candidats, quil faut
appuyer les personnes qui sefforcent de perfectionner leurs aptitudes linguistiques
et que ces personnes devraient pouvoir sinscrire à des programmes de français ou
danglais langue seconde.
La proposition de lOrdre de supprimer létape de lattestation
dadmissibilité du processus de certification des enseignantes et enseignants
formés à létranger a reçu un appui général. À lheure actuelle,
lOrdre évalue chaque année les qualifications de 1 300 à 1 500 enseignantes et
enseignants formés à létranger. En vertu des modifications quil propose, on
estime que de 200 à 300 candidats devront suivre un test daptitudes linguistiques.
Le niveau de compétence dont devront faire preuve les enseignantes et enseignants sera
rendu public. Ceux qui ne répondent pas aux normes auront une idée précise des
compétences à approfondir pour avoir le droit denseigner en Ontario.
Les enseignantes et enseignants qui ont été formés dans certains pays francophones
ou anglophones ou qui peuvent fournir la preuve quils ont étudié au palier
primaire, secondaire ou postsecondaire en français ou en anglais seraient exemptés du
test.
En vertu des modifications proposées, lattestation dadmissibilité serait
remplacée par une carte de compétence provisoire. Les enseignantes et enseignants
qualifiés obtiendraient une carte permanente après avoir achevé avec succès un an
denseignement en Ontario, dans la mesure où ils répondent aux autres conditions
prévues par lOrdre.
RÉACTION ATTENDUE DU MINISTÈRE
En juin dernier, le conseil de lOrdre a présenté officiellement au
ministère de lÉducation une demande de modification du règlement. Dans ses
pourparlers avec les responsables du ministère, lOrdre a constaté que sa demande
était accueillie favorablement. Dans son allocution devant le conseil de lOrdre, en
novembre 1999, Janet Ecker, ministre de lÉducation, a promis de donner suite à
cette demande et à un certain nombre dautres questions en suspens, mais
lOrdre attend toujours.
«Compte tenu du fait quil semble très important pour le gouvernement que les
enseignantes et enseignants de lOntario possèdent les compétences nécessaires
pour bien enseigner, il est étonnant que cette initiative soit au point mort, alors
quelle vise des aptitudes fondamentales», déclare Wilson.