Juin 2000

Une législation qui assure une meilleure protection des enfants et un nouveau rapport visant à répertorier et à prévenir l’inconduite sexuelle dans les écoles proposent des changements que les enseignantes et enseignants voudront connaître.


La réforme du bien-être de l’enfance et le Rapport Robins mettent en valeur les responsabilités des enseignants

 de Laurent Joncas

Une semaine après la proclamation par le gouvernement de l’Ontario des premières modifications significatives à la législation visant la protection de l’enfance depuis dix ans, une enquête judiciaire entourant le manque flagrant de responsabilités de la part d’éducateurs envers des élèves vulnérables recommandait d’autres modifications tout aussi importantes pour assurer la sécurité des enfants.

Depuis longtemps, les enseignantes et enseignants doivent signaler s’ils soupçonnent des cas d’agression des enfants. Les modifications à la Loi sur les services à l’enfance et à la famille exigent des enseignantes et enseignants de signaler d’après des motifs raisonnables toute situation qui porte à croire qu’un enfant a besoin ou pourrait avoir besoin de la protection de la Société d’aide à l’enfance (SAE).

Ces modifications élargissent les motifs qui déterminent si un enfant a besoin de protection, y compris l’ajout du concept de négligence et l’abaissement du seuil de risque de maux ou de maux affectifs. Elles permettent aussi que soit admise en preuve la conduite antérieure d’une personne à l’égard d’un enfant dans une instance portant sur la protection d’un enfant.

La loi modifiée crée le devoir de faire rapport pour tous professionnels et membres du public. Malgré les dispositions de toute autre loi, une personne doit signaler, d’après des motifs raisonnables, tout soupçon qu’un enfant a ou pourrait avoir besoin de protection. Cela élargit l’obligation professionnelle de faire rapport et tient responsable toute personne qui soupçonne qu’un enfant a besoin de protection. Auparavant, les dispositions limitaient l’obligation de faire rapport aux cas d’agressions possibles.

13 MOTIFS
L’enseignante ou l’enseignant doit signaler ses soupçons à la SAE si l’enfant :

  • a subi des maux physiques infligés par la personne qui en est responsable, ou causés par le défaut de cette personne de lui fournir des soins, de subvenir à ses besoins, de le surveiller ou de le protéger, ou encore causés par la négligence
  • risque vraisemblablement de subir des maux physiques
  • a subi une atteinte aux mœurs ou a été exploité sexuellement
  • risque vraisemblablement de subir une atteinte aux mœurs ou d’être exploité sexuellement
  • a besoin d’un traitement médical qu’il ne reçoit pas
  • a subi des maux affectifs et qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’ils résultent des actes, du défaut d’agir ou de la négligence d’une personne en charge de cet enfant
  • a subi des maux affectifs et qu’il ne reçoit pas les traitements appropriés
  • risque vraisemblablement de subir des maux affectifs et dont les parents ou la personne responsable ne fournissent pas le traitement ou les services pour remédier à ces maux
  • souffre d’un trouble qui, s’il n’est pas remédié, peut gravement porter atteinte à son développement et dont les parents ou la personne en charge ne fournissent pas le traitement
  • a été abandonné
  • est âgé de moins de 12 ans, a tué ou grièvement blessé une autre personne ou causé des dommages importants aux biens d’une autre personne et dont les parents ou la personne en charge ne fournissent pas les services ou le traitement nécessaire pour éviter la répétition de ces actes
  • est âgé de moins de 12 ans et a, à plusieurs reprises, blessé une autre personne ou causé une perte ou des dommages aux biens d’une autre personne avec l’encouragement de la personne qui en est responsable ou en raison du défaut ou de l’incapacité de cette personne de surveiller l’enfant convenablement.

Le devoir de signaler constitue une obligation constante. Si une personne a déjà signalé le cas d’un enfant et qu’elle a d’autres motifs raisonnables de croire qu’un enfant a ou pourrait avoir besoin de protection, elle doit de nouveau en faire rapport à la société d’aide à l’enfance.

INTERDICTION DE DÉLÉGUER
Les modifications précisent aussi qu’un professionnel ne peut déléguer l’obligation de signaler à une autre personne. En d’autres termes, une enseignante ou un enseignant ne peut pas compter sur la direction de l’école pour signaler ses inquiétudes à la SAE, ou vice versa.

À la lumière de ces modifications et de l’élargissement des responsabilités, les enseignantes et enseignants en Ontario devront bien connaître la Loi sur les services à l’enfance et à la famille s’ils veulent se conformer à leurs obligations en vertu de la loi modifiée. Les membres de l’Ordre doivent aussi se rappeler que le paragraphe 1(27) du Règlement 437/97 pris en application de la Loi sur l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario stipule que «le défaut de se conformer aux obligations qui lui incombent aux termes de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille» constitue une faute professionnelle.

Vous pourrez en apprendre plus sur ces modifications dans le site web du ministère des Services sociaux et communautaires à www.gov.on.ca/CSS/page/brochure/repchildabf.html ou communiquez avec le ministère pour obtenir une copie de la brochure intitulée Signalement des mauvais traitements et de la négligence à l’égard des enfants.

RAPPORT ROBINS
Une semaine seulement après la proclamation de ces modifications, le juge Sydney Robins a rendu public un rapport exhaustif intitulé Examen visant à identifier et à prévenir les cas d’inconduite sexuelle dans les écoles de l’Ontario qui compte plus de 100 recommandations. Robins a été nommé par le gouvernement provincial pour recommander des moyens d’identifier et de prévenir l’agression sexuelle, le harcèlement ou la violence dans les écoles de l’Ontario.

En tout, 39 recommandations du rapport Robins portent sur le travail de l’Ordre. Le personnel et les membres du conseil étudient le rapport en vue de déterminer les meilleurs moyens de mettre en œuvre ses propositions pour mieux protéger les élèves.

Les recommandations sont vastes. Elles couvrent l’obligation des enseignantes et enseignants, des représentants scolaires et des conseils, l’utilisation de preuve des enfants dans les instances disciplinaires, les programmes éducatifs à l’intention du personnel du SAE, des organismes d’enseignants et d’autres partenaires qui favoriseraient la compréhension des enjeux, la diffusion d’information sur l’inconduite sexuelle dans les programmes de formation initiale et de perfectionnement professionnel, le filtrage des personnes voulant s’inscrire à la faculté d’éducation, le signalement à l’Ordre d’inconduite sexuelle, l’enquête sur l’inconduite sexuelle et le besoin d’une divulgation complète.

SIGNALEMENT À L’ORDRE
Actuellement, un conseil scolaire est tenu de signaler sans délai à l’Ordre qu’un membre de son personnel enseignant a été trouvé coupable d’attentat aux mœurs sur des mineurs ou d’autres infractions qui pourraient mettre les élèves à risque et si, de l’avis du conseil, la conduite ou les actions d’une enseignante ou d’un enseignant devraient être étudiés par un comité de l’Ordre.

Il recommande aussi qu’un conseil soit tenu de signaler qu’un membre de l’Ordre est renvoyé, suspendu ou autrement discipliné pour des raisons d’inconduite sexuelle. Enfin, si un membre donne sa démission pendant une enquête entourant des allégations d’inconduite sexuelle, le conseil doit aussi être tenu de signaler à l’Ordre les circonstances entourant sa démission.

D’après Robins, ses recommandations visent à favoriser la sécurité de l’enfant, mais «non aux dépens des enseignantes et enseignants». Il concède que de fausses accusations ont été portées et il recommande une formation du personnel de la SAE, des fédérations d’enseignants et d’autres groupes sur les obligations de signaler afin de minimiser les erreurs.

VÉRIFICATION DES CANDIDATS
Pour Robins, la vérification du casier judiciaire ne représente qu’un aspect du filtrage de nouveaux employés. Il recommande, avant de faire une offre d’emploi, de vérifier le casier judiciaire, le dossier disciplinaire, les références auprès d’anciens employeurs et de mener des entrevues serrées. Cet aspect vise toute personne voulant occuper un poste en enseignement, un poste dans une école plaçant la personne dans une position de confiance ou d’autorité et tous bénévoles qui ont des contacts fréquents ou non supervisés avec les élèves.

En outre, Robins recommande que :

  • la compétence des tribunaux d’empêcher un contrevenant trouvé coupable d’entrer en contact avec des enfants âgés de moins de 14 ans soit élargie aux jeunes âgés de moins de 18 ans
  • l’on explique et illustre plus abondamment le comportement souhaitable d’un enseignant avec ses élèves et que l’on offre une meilleure formation aux personnes qui travaillent dans une école sur ce que l’on entend par inconduite sexuelle
  • le règlement sur la faute professionnelle pris en application de la Loi sur l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario soit modifié pour inclure l’inconduite sexuelle
  • le code de déontologie de l’Ordre soit modifié pour y inclure que ses membres ne participent pas à des actes d’inconduite sexuelle, y compris sans toutefois s’y limiter, l’agression sexuelle, le harcèlement ou une relation avec un élève ou un ancien élève âgé de moins de 18 ans ou encore toute conduite visant à établir ce type de relation
  • l’obligation pour l’enseignante ou l’enseignant d’informer un collègue qu’il existe un rapport défavorable sur lui ne s’applique pas à un rapport sur une inconduite sexuelle soupçonnée
  • tout membre de l’Ordre ait l’obligation de protéger les élèves en intervenant dans les cas d’inconduite sexuelle possible ou d’allégation d’inconduite sexuelle.

Vous pouvez vous procurer le rapport Robins à Publications Ontario au 880 rue Bay, Toronto ou en téléphonant au 416-326-5300 ou sans frais en Ontario au 1-800-668-9938.