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Septembre 1999

Le harcèlement entre
élèves pourrait donner lieu
à des poursuites contre les écoles


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Purpball.gif (183 bytes) Le harcèlement entre
élèves pourrait donner lieu
à des poursuites contre les écoles

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de Kelly Smith

Une décision récente de la Cour suprême des États-Unis pourrait être un présage pour les écoles ontariennes.

En mai dernier, la Cour suprême des États-Unis a fait savoir d’une manière non équivoque aux éducateurs et au public américains que les écoles financées par les fonds publics doivent lutter contre le harcèlement sexuel entre élèves.

L’arrêt de la Cour porte sur le cas d’une jeune élève connue sous le nom de LaShonda D. et d’un de ses camarades de classe de 5e année, G.F., qui fréquentaient une école publique du comté de Monroe, en Géorgie. Sur une période d’environ un an, G.F. a tenté de toucher les seins et la région génitale de LaShonda, lui a adressé des remarques vulgaires de nature sexuelle et s’est frotté contre elle de façon suggestive dans le couloir de l’école. LaShonda a fait part de chacun de ces incidents à sa mère, à plusieurs enseignantes et enseignants et au directeur de l’école.

Comme on pouvait s’y attendre, LaShonda a souffert de ce harcèlement constant de la part de G.F. Son rendement scolaire, auparavant très bon, s’est détérioré, car elle était devenue incapable de se concentrer sur ses études. Son père a découvert, vers la fin de la période de harcèlement, une note de suicide qu’elle avait écrite, et elle a même confié à son entourage qu’elle ne savait pas pendant encore combien de temps elle pourrait tenir le jeune homme à distance.

Bien que sa mauvaise conduite ait été signalée, le garçon n’a fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire, et rien n’a été fait pour le séparer de LaShonda. En outre, pendant la période en question, le conseil scolaire du comté de Monroe n’avait pas de politique claire sur le harcèlement sexuel entre élèves, et n’avait pas conseillé ses enseignantes et enseignants ni ses directrices et directeurs d’école à ce sujet. De toute évidence, le conseil scolaire, le directeur d’école et le personnel enseignant étaient indifférents au harcèlement que subissait la jeune fille.

Finalement, la mère de LaShonda a porté plainte auprès du shérif du comté; le garçon a été inculpé d’agression sexuelle et, plus tard, a plaidé coupable.

PASSIBLE DE DOMMAGES-INTÉRÊTS
La Cour suprême des États-Unis a conclu qu’aux termes d’une loi fédérale anti-discrimination appelée Title IX of the Education Amendments of 1972, le conseil scolaire peut être passible de dommages-intérêts en cas de harcèlement entre élèves dans les écoles financées par les fonds publics.

S’exprimant au nom de la majorité, la juge Sandra Day O’Connor a mentionné que le conseil peut être tenu de payer des dommages-intérêts s’il est «indifférent à un cas de harcèlement dont il a été informé et qui est si grave, intense et objectivement répréhensible qu’on peut considérer qu’il prive la victime de l’accès aux possibilités d’éducation qu’offre l’école».

Cependant, le conseil scolaire ne sera probablement pas tenu responsable s’il n’est pas du tout au courant de la situation, si son personnel n’en est pas informé ou s’il réagit d’une façon qui, de toute évidence, n’est pas déraisonnable. En effet, lorsque les administrateurs scolaires prennent des mesures disciplinaires, la Cour recommande explicitement aux tribunaux de ne les reconsidérer qu’avec prudence. Pour éviter que ne se présentent des situations absurdes, la juge O’Connor précise : «À l’école, les élèves s’insultent, plaisantent, s’agacent, se poussent et adoptent des comportements typiques de leur sexe qui dérangent les élèves qui en sont victimes. Cependant, se faire agacer et injurier par un autre élève, même lorsque les commentaires en question portent sur les différences entre les sexes, ne donne pas droit à des dommages-intérêts. Dans le contexte du harcèlement entre élèves, le comportement peut faire l’objet de tels dommages s’il est si grave, intense et objectivement répréhensible qu’on peut considérer qu’il prive la victime de l’accès égal à l’éducation, que le Title IX est censé protéger.»

POLITIQUES EN VIGUEUR
Le lendemain de cette décision, le Sun de Vancouver révélait que le personnel enseignant de la Colombie-Britannique disposera en septembre 1999 d’un guide provincial pour l’aider à composer avec les élèves de l’élémentaire qui victimisent leurs camarades de classe ou les harcèlent sexuellement. «Nous voulons montrer au personnel des écoles comment réagir à un éventail de comportements de nature sexuelle, qu’ils soient normaux ou problématiques», a souligné Diane Pollard, coordonnatrice de la direction des programmes spéciaux du ministère. D’après elle, cette initiative ne découle pas d’un incident particulier ou d’une hausse du nombre d’incidents. «C’est plutôt une démarche préventive, qui tient compte du fait que parfois les enfants réagissent au stress en ayant des comportements déplacés», a-t-elle précisé.

Depuis 1994, en vertu de la politique du ministère de l’Éducation énoncée dans le document Pour des écoles sans violence : une politique, les conseils scolaires de l’Ontario doivent adopter des politiques visant à créer un milieu scolaire sûr, accueillant et sans violence. Les mauvais traitements d’ordre sexuel, physique, verbal ou psychologique, l’intimidation et la discrimination ne sont pas tolérés.

L’expérience américaine pourrait-elle cependant se reproduire au Canada? Devrait-on s’attendre à des poursuites semblables en Ontario? Sans aucun doute.

Comme la société canadienne fait appel de plus en plus aux tribunaux, il ne serait pas étonnant que les conseils scolaires de l’Ontario se retrouvent un jour dans la même situation que le comté de Monroe.

Il est vrai que notre législation est différente. Ensemble, cependant, le Code des droits de la personne de l’Ontario et la Loi sur l’éducation ont le même effet que la loi américaine. Le Code des droits de la personne interdit la discrimination dans les services; or, l’éducation publique est un service que rend le conseil scolaire.

Lorsqu’une action est introduite pour un cas de harcèlement sexuel entre élèves, le conseil scolaire peut être désigné comme partie à l’instance. Le Code prévoit qu’un conseil scolaire peut être désigné comme partie à une instance concernant les actes commis par des personnes qui sont sous son contrôle. La Loi sur l’éducation, quant à elle, précise que le personnel enseignant et les directions d’école ont le devoir et l’obligation de maintenir l’ordre et la discipline dans la salle de classe, dans les bâtiments et sur les terrains de l’école.

UN RÔLE PASSIF NE SUFFIT PAS
En outre, la Cour suprême du Canada a déclaré récemment qu’«un conseil scolaire a l'obligation de maintenir un climat positif pour toutes les personnes qu'il sert et il doit toujours veiller à écarter tout ce qui pourrait nuire à cette obligation. Il ne lui suffit pas d'assumer un rôle passif» [1996] S.C.J. n° 40 (Q.L.), inf. (1993).

Il serait facile de soutenir que les conseils scolaires canadiens pourraient être tenus responsables du harcèlement commis par des élèves à l’endroit de leurs camarades. Ainsi, selon un article de Chantal Richard paru récemment dans le Dalhousie Law Journal, «au Canada, la jurisprudence en matière de droits de la personne touchant la responsabilité de l’employeur à l’égard du harcèlement sexuel entre collègues de travail semble indiquer que les écoles pourraient fort bien être tenues responsables du harcèlement sexuel entre élèves. Il existe une analogie entre le harcèlement sexuel entre élèves et entre collègues de travail, car les administrateurs scolaires exercent au moins autant de contrôle sur les élèves que les employeurs sur leur personnel.»

«On peut prétendre que les écoles exercent même plus d’influence sur leurs élèves, car elles ont l’obligation légale de les discipliner et de contrôler leur présence jusqu’à l’âge de 16 ans», poursuit Richard dans son article intitulé «Surviving Student-to-Student Sexual Harassment: Legal Remedies and Prevention Programmes».

Si les tribunaux canadiens doivent effectivement emboîter le pas à la jurisprudence américaine, que doit-on faire? En bout de ligne, les sociétés contentieuses profitent rarement de la multiplication de poursuites qui touchent tous les aspects de la vie. Il est sans doute préférable d’adopter une démarche proactive et préventive, de déceler les comportements destructeurs dès leur apparition et de les rectifier le plus tôt possible.

L’IRRESPECT N’A RIEN D’ÉTONNANT
Cependant, les politiques et directives ne suffisent pas. Les lois ne mettent pas un frein au comportement criminel; elles permettent uniquement à la société de le sanctionner après coup. De même, il ne suffit pas d’adopter des protocoles et des politiques pour éliminer le harcèlement.

Il n’est pas étonnant que les enfants négligés ou maltraités au foyer adoptent le comportement de leurs parents. Comment peut-on s’attendre à ce que des enfants qui ont faim ou dont on ne répond pas aux besoins de base fassent preuve de compassion et de tolérance?

Tous les médias exposent nos enfants à un torrent de violence sans précédent. Comment donc s’étonner que les comportements irrespectueux soient si répandus? Les compressions budgétaires imposées à l’éducation publique et la disparition des programmes parascolaires qui s’en est suivie engendrent de l’ennui et une perte de motivation, deux facteurs qui peuvent donner lieu à des comportements destructeurs et répréhensibles.

Rien ne sert de perdre notre temps à esquiver des poursuites éventuelles. Nous devrions plutôt nous concentrer sur l’éducation d’une nouvelle génération d’enfants qui, dès leur plus jeune âge, feront preuve de compassion et de tolérance, pour que ces poursuites deviennent le vestige d’un passé révolu.

Le document Pour des écoles sans violence : une politique du ministère de l’Éducation est accessible à www.edu.gov.on.ca/fre/document/policy/vfreefr.html.

Kelly Smith, qui travaille dans l’Est de Toronto, est procureure adjointe de la Couronne pour le ministère du Procureur général depuis dix ans.