Tom Boone a enseigné l’anglais à Elwy Yost pendant quatre ans à la
Weston Collegiate, qui fait maintenant partie de Toronto. Boone avait demandé à la
classe de rédiger une composition.
«J’ai intitulé la mienne Suspense. C’était l’histoire
d’une femme qui marchait dans la rue portant sous le bras un paquet. Elle remarque un
homme qui la suit et accélère le pas. Elle emprunte les escaliers pour se rendre à une
gare de train souterraine; l’homme aussi. Elle est inquiète, mais continue de
s’approcher du bord de la plate-forme d’embarquement où le train
s’arrête. Elle croit qu’il va la pousser sous le train. Un train passe et il la
retient. Il avait peur qu’elle se jette sous le train. Il la retient et lui sauve la
vie.»
Boone a donné au travail un 60, à peine la note de passage, signale
Yost. «J’avais consacré beaucoup d’énergie à ce travail; je suis donc allé
le voir pour lui dire “Honnêtement, M. Boone, j’ai travaillé fort sur ce
travail”. Il a répondu “Mais tu ne m’as jamais dit ce qu’il y avait
dans le paquet”. Je lui ai dit que je n’ai jamais voulu lui dire, que je voulais
le laisser deviner tout au long de l’histoire, puis, il semble qu’elle
s’apprête à se jeter sous le train et lui s’avance pour la retenir.»
«M. Boone m’a demandé quel était l’objet de cette technique.
Je lui ai répondu que je voulais garder le suspense. Il m’a dit qu’il la lirait
à nouveau, ce qu’il a fait, puis m’a donné une belle note.»
Boone avait une patience d’ange, dit Yost. «Il ne nous jugeait pas
trop sévèrement, il essayait d’être raisonnable.»
Yost est allé à l’université, a travaillé comme acteur, puis a
passé six ans chez A.V. Roe comme conseiller du personnel. Yost se rappelle encore de
l‘odeur des torches d’acétylène découpant les Avro Arrows en morceaux sur les
ordres du gouvernement. Il se cherchait du travail quand un vieil ami, maintenant un
enseignant, lui a dit qu’il avait un don naturel pour l’enseignement. Yost
s’est montré intéressé et a téléphoné Tom Boone, maintenant directeur de
l’éducation à Etobicoke.
Boone a aidé Yost à s’inscrire à l’école normale pendant
l’été puis l’a embauché pour enseigner l’anglais à l’école
Burnhamthorpe Collegiate.
«Pendant ma première semaine d’enseignement, se remémore Yost, je
me suis mis très en colère contre un garçon; je voulais qu’il écrive quelque
chose un million de fois. Ensuite, j’ai été malade d’inquiétude craignant
d’avoir fait quelque chose de vraiment stupide.»
«Je me suis donc rendu chez le directeur. M. McNab, un homme remarquable,
m’a dit “C’est tout à fait humain, Elwy, de faire ce que tu as fait. Je me
permets de te suggérer que l’une des principales caractéristiques d’un
enseignant est sa capacité d’être raisonnable. Tu as peur de te contredire. Tu
crois que ce sera mal vu et qu’il ne faut pas se montrer indécis, ce qui pourrait
être perçu comme une faille. Si j’étais toi, j’irais lui parler et lui dire
que c’était un peu stupide et émotif. Fais-lui rédiger une dissertation ou quelque
chose d’autre à remettre dans une semaine ou deux.”»
«J’ai donc suivi ses conseils, dit Yost en terminant, et cet élève
est devenu l’un de mes préférés.» C’est ainsi que Yost a appris la
caractéristique qui a fait de Tom Boone un professeur remarquable : être
raisonnable.
Elwy Yost a enseigné l’anglais pendant cinq ans, souvent en se
servant de films en classe. Il a aussi été, à l’occasion, panéliste à diverses
émissions sur CBC-TV.
Ses intérêts pour le cinéma et l’enseignement ont été fusionnés
quand il a commencé à travailler pour le Metropolitan Education Television Association
(META). Ensuite, TVOntario est venu le chercher. Environ trente ans et un Ordre du Canada
plus tard, Elwy Yost, sur le point de prendre sa retraite de TVO, est prêt à amorcer sa
prochaine carrière, peu importe ce qu’elle sera.
