Apprendre en jouant
Le cours menant à la qualification additionnelle Art
dramatique offert par l'Institut d'études pédagogiques
de l'Ontario (IEPO) l'an dernier s'adressait à des enseignants
de tous les cycles. Les participants n'étaient pas seulement
des spécialistes de littérature et de théâtre,
mais ils souhaitaient apprendre à intégrer des techniques
d'art dramatique à leur enseignement.
de Gabrielle Barkany
|
 |
D'octobre à mars l'an dernier, je me suis rendue à l'IEPO
tous les mercredis en compa-gnie d'autres enseignants de divers conseils
scolaires pour suivre un cours menant à la qualification additionnelle
Art dramatique. Pour bien des gens, ce n'est probablement pas une façon
très amusante de passer un mercredi soir, mais mes condisciples
et moi-même avons trouvé ces soirées stimulantes
et enrichissantes.
Trina Wasilewski, conseillère en éducation à l'enfance
en difficulté à l'élémentaire pour le conseil
scolaire de Toronto, a trouvé ce cours fort agréable.
«Ce cours m'a permis de rencontrer d'autres enseignants et d'apprendre à les
connaître d'une façon intéressante», affirme-t-elle.
Sans oublier que le sens de l'humour de l'instructeur, Larry Swartz,
a contribué à cette impression.
«Même s'il était parfois difficile de se rendre
au cours après une journée éprouvante à l'école,
déclare Jill Kearns, spécialiste en troubles du comportement
qui enseigne la 7e et 8e année à l'école
publique Fern Avenue, c'était agréable de parler de nos
réussites et de nos échecs avec d'autres.»
«C'était enrichissant», confie Pascale Salvail,
enseignante à l'enfance en difficulté dans le programme
d'immersion française à l'école élémentaire
Lester B. Pearson. Le temps passé avec d'autres membres de la
profession en particulier était important : «Nous avons échangé des
idées et avons pu les essayer dès le lendemain.»
Mme Kearns affirme que les résultats ont été immédiats : «Chaque fois que j'essaie une nouvelle stratégie en classe,
je vois le visage des élèves se transformer par l'enthousiasme.»
L'apprentissage en action
Bob Stronach, enseignant de science, d'anglais et d'art dramatique
en 8e année depuis quatre ans, a trouvé que
l'art dramatique représentait un grand avantage dans sa classe,
surtout en raison de l'âge de ses élèves.
«Souvent, les élèves de 8e année
ne savent pas jouer ou ont oublié comment, confie-t-il. Mais l'art
dramatique permet de jouer de façon constructive. Nous devrions
utiliser les jeux de rôles aussi souvent que possible.»
M. Stronach donne en exemple la théorie des particules, partie
importante du programme de 7e année. Il a demandé à ses élèves
de se lever et de faire comme s'ils faisaient partie d'une particule.
 |
Bob Stronach, enseignant à l'école
publique Annette.
|
«S'ils jouent les particules d'un solide, ils restent proches
et bougent peu. S'ils sont des particules liquides, ils bougent un peu
plus au hasard et entrent légèrement en contact les uns
avec les autres. S'ils sont un gaz, ils bougent rapidement dans la pièce
et rebondissent légèrement les uns sur les autres.»
Dès qu'ils se sont levés de leur chaise, les élèves étaient énergiques
et devenaient ce que leur enseignant tentait d'expliquer. L'objectif était
de faire comprendre aux élèves un concept abstrait.
 |
Pascale Salvail, enseignante à l’école élémentaire
Lester B. Pearson.
|
«En rendant le concept tangible grâce à ce qu'ils
connaissent de plus réel (eux-mêmes), ils deviennent ce
concept. Ils l'apprennent et le comprennent parce qu'ils le sont.»
Apprendre une langue seconde
Pascale Salvail était à la recherche de nouvelles stratégies
pour s'adapter aux différents styles d'apprentissage et rendre
la langue vivante. Comme nombre d'élèves d'immersion, ses élèves
parlaient anglais dès qu'ils franchissaient le seuil de la classe.
«Pour que les élèves parlent spontanément
en français, la langue doit faire partie de leur milieu social,
affirme-t-elle. L'art dramatique comporte un aspect social et favorise
le développement et l'intégration de la langue. L'activité est
vivante et interactive.»
Lorsqu'elle raconte une histoire, Mme Salvail s'arrête
et demande à ses élèves de faire comme s'ils étaient
l'un des personnages ou de décrire ce que le personnage ressent.
Ensuite, elle leur demande d'écrire ce que le personnage pourrait
dire ou faire.
«Je vois le visage des élèves
se transformer par l'enthousiasme.»
Un élève de 2e année parlait très
peu et hésitait à écrire. Ses yeux se sont éclairés
soudain et il a demandé : «Madame, voulez-vous dire que
nous pouvons écrire ce que nous voulons?» Il a fait comme
s'il était un vieux sage parlant à des voleurs et a écrit
un très long texte.
«Il était complètement absorbé par l'exercice,
se souvient Mme Salvail. Il se sentait libre. Il était
capable de se concentrer sur l'histoire plutôt que sur une leçon
de français dans laquelle il devait trouver la bonne réponse
ou le mot juste.»
Développement social
Mme Wasilewski est d'avis que l'art dramatique aide
beaucoup les élèves ayant de multiples anomalies et divers
problèmes sociaux, émotifs et comportementaux. L'art dramatique
s'applique directement à l'enseignement des aptitudes sociales,
comme établir un contact visuel, se joindre à un groupe,
communiquer clairement ou prendre de l'assurance.
«J'ai appris de nombreuses stratégies pour aborder l'intimidation,
dit Mme Wasilewski. Je peux aussi les adapter aux styles
d'apprentissage afin de répondre aux besoins des élèves.»
«Mon succès est attribuable à l'art
dramatique.»
Certains élèves de Mme Kearns ont des
problèmes d'apprentissage. Ils ont de la difficulté à s'exprimer
et à rester motivés.
«Ils ont peine à suivre le rythme d'apprentissage avec
un livre, dit-elle. L'art dramatique, les activités d'écriture
et les jeux de rôles me permettent d'améliorer leur apprentissage.
Ils créent des liens les uns avec les autres.»
Mme Kearns a utilisé les jeux de rôles
pour renverser une situation que ses élèves n'aimaient
pas. Auparavant, elle leur faisait lire des articles de journaux et écrire
un résumé, activité qu'ils redoutaient.
 |
Jill Kearns à l'école publique Fern
Avenue.
|
«C'était un effort énorme pour eux, se rappelle-t-elle.
Ils détestaient lire l'article et en faire rapport.»
Mais lorsqu'elle a proposé à ses élèves
de jouer un rôle dans un téléjournal (producteur,
présentateur et commentateur sportif), ils ont adoré. «J'ai
enregistré le téléjournal sur vidéo pour
rendre l'activité plus pertinente, dit-elle. Maintenant, ils sourient
quand ils font leur recherche. Ils ont aussi amélioré leurs
compétences en lecture et en écriture. Ils se sentent bien
quand ils font leur travail. Ils sont moins gênés de parler
devant un groupe. Se renseigner sur l'actualité les a aussi aidés à ressentir
de l'empathie.
«Mon succès est attribuable à l'art dramatique parce
qu'il m'a donné des idées et la motivation pour les mettre
en pratique. Avant, mes élèves disaient : "Ah! Non! Pas
encore l'actualité!" Maintenant, ils me demandent : "Est-ce qu'on
parle d'actualité aujourd'hui, Mme Kearns?"»
Apprentissage des enseignants
J'ai constaté que l'enthousiasme de mes condisciples n'était
pas limité à ce cours. Ils veulent apprendre la vie durant.
M. Stronach a aussi suivi la première partie d'Éducation à l'enfance
en difficulté et Sciences de l'environnement. Il dit que son but
n'était pas forcément d'obtenir une qualification dans
la matière.
«Ils sont moins gênés de parler
devant un groupe.»
«J'apprends des stratégies d'enseignement et me familiarise
avec des points de vue différents que je peux intégrer
dans n'importe quel cours, dit-il. Ces cours me permettent de devenir
un enseignant plus comblé. Le prochain qui m'intéresse
est Design et technologie.»
Mme Salvail a suivi les trois parties de la qualification
Français (langue seconde), ainsi que la deuxième et la
partie spécialiste d'Éducation à l'enfance en difficulté,
qui l'ont aidée à répondre aux besoins divergents
des élèves. «Je veux aussi obtenir ma qualification
de directrice d'école.»
 |
Trina Wasilewski, conseillère en éducation à l'enfance
en difficulté.
|
En tant que conseillère scolaire à l'élémentaire,
Mme Wasilewski connaît l'importance de partager
ses connaissances avec les élèves et ses collègues. «La
question de base est toujours : "Comment puis-je améliorer l'apprentissage
des élèves?"»
Mme Kearns prévoit suivre la deuxième
et la troisième partie du cours menant à la qualification
additionnelle Art dramatique, ainsi que le cours menant à la qualification
additionnelle Éducation à l'enfance en difficulté. «On
ne finit jamais d'apprendre, confie-t-elle. À mesure que les enfants évoluent,
nous évoluons aussi. Si on n'apprend plus, on stagne, on ressent
de l'amertume pour la profession et les élèves en souffrent.
«J'ai besoin qu'on me communique des nouvelles
idées pour que mon enseignement demeure à jour et soit
réel.»
«J'ai besoin qu'on me communique des nouvelles idées pour
que mon enseignement demeure à jour et soit réel. Et puisque
je suis toujours étudiante moi-même, je comprends mieux
ce que mes élèves vivent. Il est primordial de ne jamais
cesser d'apprendre. Je pourrais établir un programme et enseigner
la même chose chaque année, mais j'empêcherais mes élèves
et moi-même de nous amuser.
«Apprendre est stimulant. Je veux que mes élèves
prennent conscience de ce qu'ils ont appris et accompli.»
QBA - Art dramatique - 1re partie
Membre de l'Ordre et agente de communication bilingue, Gabrielle Barkany
a suivi le cours menant à la qualification additionnelle Art dramatique à l'Institut
d'études pédagogiques de l'Ontario de l'Université de
Toronto (IEPO) en 2004-2005.
Le cours de 125 heures, échelonnées sur huit semaines,
comprend une foule d'activités portant sur l'art dramatique :
lectures à voix haute en classe et à la maison, séminaires,
discussions, représentations théâtrales, préparation
et présentation de travaux d'art dramatique et rédactions à faire à la
maison. Les sujets abordés comprennent les jeux et le jeu de rôle,
l'écriture de rôles, le mouvement, la narration, l'improvisation,
l'interprétation et la présentation. En outre, on planifie
des leçons et utilise des stratégies d'évaluation.
Le programme vise à aider les enfants et les adolescents à développer
leur potentiel en réagissant intellectuellement, physiquement
et émotionnellement à une variété de situations
imaginées. En tant qu'art et méthodologie d'intégration
des matières, l'art dramatique, par la parole, l'écriture,
l'art, le mouvement et le jeu de rôle, offre un cadre de travail
pédagogique.
On explore des stratégies d'enseignement qui encouragent tous
les élèves à imaginer, à explorer, à jouer, à communiquer
et à réfléchir sur des concepts et des émotions à leur
propre niveau de développement.
Le principal instructeur de Mme Barkany était
Larry Swartz, instructeur sur le curriculum et directeur du cours menant à la
qualification additionnelle Art dramatique à l'IEOP. Christine
Jackson, leader éducationnel en danse et en art dramatique, et
Deborah Nyman, enseignante d'art dramatique au secondaire pour le conseil
scolaire de Toronto, enseignaient aussi cette section.
|