Encourager la réussiteMarc Lalonde, de l’école à la piste de course de Jean-François DugasCréativité et innovation en éducation technologiquede Melodie McCulloughProject pilote fort prometteurde Michael SalvatoriUn programme pas comme les autresde Leanne Miller |
Par un beau jour de septembre, 22 élèves de la St. Peter Secondary School de Peterborough apprennent le théorème de Pythagore, sans manuels ni pupitres ni tableau. La classe de 12e année de technologie de la construction, sous
la houlette de son enseignant Bernie O’Brien, est plutôt
dans la cour d’école à mesurer le périmètre
d’un bâtiment selon la méthode du triplet pythagoricien
(3-4-5), couramment utilisée par les constructeurs pour établir
un angle droit au lieu de la formule classique a² + b² =
c². Pendant toute l’année scolaire, les élèves de floriculture de Mme Elsen-Churchill préparent et vendent des compositions florales au public à la boutique de l’école, prenant des commandes pour des mariages, des bals de fin d’année, des banquets et des réceptions. D’autres élèves apprennent l’aménagement paysager dans la cour d’école et ont récemment mis leurs compétences à profit pour refaire le jardin d’un centre pour enfants, situé à proximité. L’éducation technologique est bien vivante dans les écoles secondaires de l’Ontario. Les élèves tissent des liens avec le monde extérieur, découvrant souvent qu’on n’apprend pas que sur les bancs d’école. Ils construisent des robots, rédigent les annuaires de l’école ou font de celle-ci un lieu d’alimentation équilibrée grâce à des repas concoctés dans leurs propres bistros et cafés. Pratiquement tous les aspects de la vie sont touchés par le type de compétences et de connaissances relevant de la catégorie «technologie». Étant donné la pénurie d’ouvriers qualifiés, actuelle et prévue, il est évident que les programmes technologiques ont leur place au secondaire. De nombreux pédagogues en technologie estiment que le moment est venu de respecter ce domaine longtemps sous-évalué et forcé de combattre son image de parent pauvre. «Depuis des années, dans cette province, la technologie
tient lieu de décharge, affirme Ron Hansen, professeur agrégé en éducation
technologique à l’Université Western Ontario. Le
système secondaire prépare à l’université et
se fonde sur l’acquisition de connaissances. C’est une
façon de voir l’apprentissage, mais ce n’est pas
la seule. Travaux en coursAu milieu des années 1990, l’éducation technologique a connu une réforme complète lorsque le ministère de l’Éducation a introduit l’approche généralisée. Auparavant, les programmes étaient axés sur l’enseignement de compétences orientées vers des métiers spécialisés comme la plomberie, l’électronique et la fabrication. Mais à mesure que les descriptions de postes devenaient plus générales, le Ministère reconnaissait la nécessité d’acquérir des compétences transférables aux domaines des communications, de la recherche, de la conception, de la gestion personnelle et du travail d’équipe. Le nouveau modèle généralisé regroupait de nombreux cours, auparavant indépendants, en deux parties. La partie A regroupait les cours Accueil; Design technologique; Services personnels; Technologie de la construction; Technologie de la fabrication; Technologie des communications; et Technologie des transports. La partie B incluait Systèmes informatiques et Études informatiques.
«La grande force des pédagogues et des programmes de technologie, c’est de présenter aux jeunes une foule de possibilités auxquelles ils n’auraient jamais pensé», précise Art Niezen, ancien président de l’Ontario Council for Technology Education et consultant pour le programme d’études du York Region District School Board. Les cours sont axés sur les activités et inspirés par des projets. Le personnel enseignant fait appel à la résolution de problèmes pour favoriser l’acquisition de compétences et de connaissances. Les élèves qui souhaitent se spécialiser davantage peuvent se diriger vers l’enseignement coopératif, le programme d’apprentissage pour les jeunes de l’Ontario (PAJO) et les récentes majeures haute spécialisation. Si le Ministère précise les attentes essentielles, conseils scolaires et directions peuvent décider de l’ampleur des programmes et de la répartition des fonds selon la capacité et les besoins de la communauté. De nombreux cours sont élaborés de façon à répondre aux besoins locaux. PotpourriIl existe, dans toute la province, un potpourri de cours, ce qui entraîne des problèmes divers et variés. Pour Michael Scott, coordonnateur du PAJO et conseiller pour l’éducation technologique et les études commerciales auprès de l’Ottawa Catholic District School Board, la question épineuse reste celle du financement. Mme Elsen-Churchill et M. O’Brien seraient bien d’accord. L’un manque d’argent pour acheter du matériel pédagogique et a besoin du soutien de la collectivité pour poursuivre son programme. L’autre s’inquiète de la sécurité dans ses cours de menuiserie surchargés. Michael Scott aimerait voir des subventions officielles «régulières,
complètes et responsables» pour la modernisation de l’équipement
et le perfectionnement professionnel, afin que les enseignants puissent
suivre la rapide évolution technologique, plutôt que des
subventions «ponctuelles» comme celles remises par le passé. Rappelons que la cause de nombreux problèmes, de l’avis des personnes concernées, est la mauvaise réputation des cours technologiques. «Car c’est bien cela qui est dans tous les esprits, qu’il s’agisse des enfants, des parents, des responsables pédagogiques, des décideurs ou même des politiciens, ajoute Ron Hansen. Il y a une énorme déconnexion. Nous n’avons pas reconnu la valeur de l’apprentissage, de l’enseignement et de la pensée technologiques. Nous en payons maintenant le prix avec une pénurie d’ouvriers qualifiés.» Gail Smyth, directrice générale de la branche ontarienne de Compétences Canada, association sans but lucratif encourageant les technologies et les métiers spécialisés en tant qu’options de carrière, rappelle que le Conference Board du Canada, qui organise chaque année pour les élèves des concours de compétences au niveau régional, provincial et national, estime que d’ici 2025, il y aura une pénurie de 360 000 ouvriers qualifiés. «C’est alarmant. Qui va combler ces postes si nous n’encourageons pas nos jeunes? Il faut absolument qu’on leur propose davantage de cours technologiques au secondaire, mais aussi à l’élémentaire, ajoute-t-elle. Les salaires et les possibilités d’avancement sont concurrentiels. Le gouvernement investit beaucoup dans les collèges, mais j’aimerais qu’il en donne davantage au secondaire. Si nous n’offrons pas aux élèves des expériences pratiques, nous les privons d’une occasion d’apprendre.» M. Hansen aimerait voir une réforme du curriculum de base pour que, dans les horaires, une plus grande place soit faite aux cours technologiques qui concurrencent actuellement d’autres matières facultatives ou orientées vers l’université. M. O’Brien, président du programme d’études en technologie, commerce et informatique dans son école et fort de ses 25 années d’enseignement, constate les effets de l’image du parent pauvre dans la classe. Comme M. Hanson, il estime que le déséquilibre entre les cours technologiques et généraux trouve son origine dans la formation même des décideurs. «La grande majorité de ces personnes, depuis notre ministre jusqu’aux administrateurs des conseils scolaires et des écoles, n’ont jamais suivi de cours technologiques au secondaire, pas plus qu’ils n’en ont enseigné. «Comment expliquer que nous ayons d’un côté un cours pré-universitaire avec très peu d’élèves parce que seulement quelques-uns d’entre eux ont besoin de ce cours pour entrer à l’université et de l’autre, un cours technologique surchargé avec une proportion élèves-enseignant bien plus importante?»
«À l’heure actuelle, le rôle de l’éducation
technologique est de rattraper les élèves qui ne sont à l’aise
nulle part ailleurs, poursuit-il. Ce sont souvent des élèves
qui ont des difficultés d’apprentissage, des problèmes
de comportement ou qui sont peu doués pour les études.
On parle maintenant de pédagogie différenciée.
C’est tout ce que nous avons fait jusqu’à présent.
On a ici 24 enfants, c’est-à-dire 24 programmes individualisés
en même temps. Cela nous demande de passer plus de temps avec
chacun d’entre eux.» De la conception à la mise en œuvreMario Blouin enseigne depuis 21 ans à l’école secondaire catholique de Hearst, où il a obtenu son diplôme d’études secondaires. Pour lui, l’établissement illustre parfaitement ce qu’on peut réaliser quand on soutient les programmes technologiques. «Notre réussite, nous la devons en grande partie à la direction, qui a toujours cru fermement à l’éducation technologique, et à notre conseil, toujours prêt à nous appuyer, ajoute M. Blouin. Vous entendez rarement dire cela de l’administration, mais la nôtre a toujours entièrement soutenu nos programmes techniques ainsi que notre perspective sur l’avenir de la technologie.» Dans son école, le cours de conception technique de 9e année est obligatoire. Sept ateliers sont tout équipés, des conseillers d’orientation sont disponibles, et les horaires autorisent des options technologiques supplémentaires. Une fois qu’ils terminent l’école, les élèves peuvent suivre une formation professionnelle, s’inscrire à des cours collégiaux ou faire des études en génie. Les jeunes filles inscrites au cours de décoration et de rénovation dessinent un projet d’appartement grâce au logiciel Architectural Desktop et proposent une promenade virtuelle avec un programme 3ds Max. Elles iront ensuite au cours de construction où elles verront leurs plans se concrétiser : placoplâtre, galon sur joint, peinture, installation du plancher et décoration de l’appartement. «Nos programmes sont axés sur l’intérêt des élèves et la confiance de la collectivité, souligne M. Blouin, qui enseigne la conception et robotique, la soudure, l’ingénierie et fabrication, l’informatique, les communications et l’animation, GPS/SIG et la production vidéo. En 2006, il a reçu un certificat d’honneur remis dans le cadre des prix du Premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement pour la qualité de son leadership et l’innovation dans les programmes, y compris la construction d’un aéronef et de robots téléguidés, et pour la réussite de ses élèves aux concours d’aptitudes. Au cours des 16 dernières années, l’école a remporté plus de 50 médailles, notamment, trois médailles d’or et une de bronze en robotique, une médaille d’or et une d’argent en conception mécanique assistée par ordinateur, trois médailles d’or en conception assistée par ordinateur, fabrication assistée par ordinateur et commande numérique par ordinateur, ainsi qu’une médaille d’argent et deux de bronze en soudure – tout cela pour un effectif de 400 élèves. «On ne s’ennuie jamais : on s’amuse, on conçoit, on invente et on construit des choses tous les jours. C’est super!», ajoute-t-il. Priorités, planification, aptitudesSelon M. Niezen, le York Region District School Board est un autre conseil scolaire pour qui l’éducation technologique est devenue une priorité. Il y a quelques années, York a réalisé que ses programmes de technologie, qui fonctionnaient à plein rendement, étaient mal répartis dans l’ensemble de la région. Le conseil a donc investi dans un projet pluriannuel de plusieurs millions de dollars visant à augmenter les installations technologiques, en optant pour la planification régionale et non pour des établissements individuels. Les trois écoles toutes neuves, construites depuis 2005, sont mieux aménagées que les écoles construites il y a cinq ans, et les installations de deux écoles plus anciennes ont été agrandies et inaugurées en septembre. Patricia MacNeil, porte-parole du ministère de l’Éducation, explique que, à l’automne prochain, le Ministère réajustera légèrement le curriculum de l’éducation technologique, mais le gardera axé sur l’apprentissage par l’expérience. (Voir «Changements apportés au curriculum», page 34.) Pendant l’année scolaire 2006-2007, le Ministère a également introduit cinq majeures haute spécialisation (MHS) pour les élèves qui savent quelle carrière ils veulent poursuivre. Les élèves disposent donc de 14 MHS et peuvent s’inscrire à des cours (de six à douze) qui les aident à se préparer pour des secteurs précis de l’emploi, tels que l’hôtellerie et le tourisme, la construction et la fabrication. Dans le nouveau cours MHS en hôtellerie et tourisme à la Patrick Fogarty Catholic Secondary School d’Orillia, les élèves apprennent à cuisiner et à servir des mets dans une cuisine flambant neuve, sous la direction d’Andrew Fruchter, chef agréé qui enseigne pour la première fois. L’objectif de fin de semestre est de planifier trois repas-bénéfice ouverts au public, préparés et servis par les élèves les plus âgés. Les fonds recueillis sont ainsi un sous-produit du cours.
Chaque vendredi, les élèves planifient et préparent le menu de la cafétéria pour le personnel et les élèves. Ils vendent aussi chaque semaine des repas préparés pour deux. Le programme reçoit les profits des ventes. La classe de 11e année prépare, pour le personnel, un souper officiel qui se déroulera après les heures de classe. Tous les profits et les surplus seront remis à l’Armée du Salut. L’objectif de fin d’année, en 12e année, est de préparer un banquet complet, y compris les entrées, pour leurs familles et amis. Les profits seront remis au programme et les surplus seront offerts à une banque d’alimentation ou à l’Armée du Salut. Mme MacNeil précise que le Ministère reconnaît
la valeur des programmes technologiques proposés dans les écoles
ontariennes et a récemment créé l’Ordre
des métiers pour attirer l’attention du public sur l’importance
des métiers spécialisés. Sara McKitrick, conférencière et coordonnatrice des études technologiques dans le cadre de la formation des enseignants à l’IEPO de l’Université de Toronto, connaît bien les problèmes auxquels ses élèves devront faire face quand ils auront obtenu leur diplôme et seront prêts à travailler dans une classe. Elle ajoute que le problème crucial est, ces dix dernières années, le manque de leaders en éducation technologique, depuis que le gouvernement a modifié la structure de la direction des sections. «S’il y a un chef de section, les écoles se portent beaucoup mieux que s’il n’y en a pas. Dans nombre de conseils scolaires, il n’y a pas de coordonnateur. Il n’y a personne pour faire des recommandations sur les bâtiments et installations. «J’ai parcouru tout l’Ontario, poursuit-elle, et il est difficile de trouver une école sans idées ni initiatives intéressantes. Je vois d’excellentes choses, parce qu’il y a d’excellents pédagogues et d’excellents programmes. Mais il faut que le gouvernement change de perspective et prenne un nouvel engagement. Il faut protéger l’investissement et décider de la place qu’occupera l’éducation technologique dans nos écoles élémentaires et secondaires au XXIe siècle.»
L’une de ces bonnes idées est le programme Blended Bicycles du Waterloo Catholic District School Board, qui permet aux élèves d’apprendre certaines techniques, de recycler et d’aider la collectivité. Dans ses trois écoles secondaires (St. David à Waterloo, St. Benedict à Cambridge et St. Mary’s à Kitchener), les élèves de 10e année en technologie des transports récupèrent les bicyclettes mises à la décharge de la région de Waterloo pour les réparer. On donne ensuite ces vélos à des jeunes dans le besoin. «Ce sont des bicyclettes qui autrement finiraient à la ferraille. Donc, tout le monde y gagne», précise Val Millen, agente communautaire en milieu de travail auprès du conseil scolaire. Selon Mme McKitrick, c’est la créativité et la force des pédagogues qui inspirent les élèves et assurent le succès des programmes. Et ceux qui doivent enseigner plusieurs matières à divers élèves apportent à la classe une formation variée qui combine l’approche professionnelle et l’expérience réelle. C’est la conséquence directe d’avoir exigé que les enseignants de technologie aient au moins cinq années d’expérience dans l’industrie avant de suivre leur formation à l’enseignement. Cela veut aussi dire que ces enseignants ont, en moyenne, dix ans de plus que les généralistes à leur arrivée en classe, et sont, de ce fait, plus mûrs et plus motivés. «Ils apportent à la classe quelque chose de différent : attitude, caractère et personnalité, reconnaît Art Niezen. C’est pourquoi de nombreux élèves arrivent à établir avec eux une très bonne relation. Ils considèrent souvent leurs enseignants de technologie, plus que ceux des matières générales, comme des personnes à part entière. Ils apportent à l’école un sens de la réalité dont beaucoup d’entre eux ont éminemment besoin.» Andrew Fruchter en est un parfait exemple. Chef agréé Red Seal, il a reçu une formation collégiale et professionnelle, et compte 14 années d’expérience dans des restaurants de Barrie, de Toronto et d’Orillia. «J’ai tout à fait le sentiment d’apporter aux élèves une expérience vécue, dit-il. Je sais ce que les employeurs recherchent quand ils embauchent des élèves : des connaissances techniques en cuisine, mais aussi une certaine éthique et de bonnes habitudes.» «Il faut aussi que les qualités et les qualifications des enseignants de technologie soient reconnues, ajoute Michael Scott. Nombreux sont ceux qui voient leur salaire grandement diminué par rapport à ce qu’ils gagnaient dans l’industrie. «Il est ridicule de penser que quelqu’un qui a un certificat professionnel et de nombreuses années d’expérience ne soit pas sur un pied d’égalité avec quelqu’un qui a fait quatre ans d’études universitaires, soutient-il. Quel est alors le message que nous transmettons à nos enfants? Il va falloir faire pression auprès du gouvernement pour attirer des enseignants.» À Thames, Mme Elsen-Churchill est optimiste et pense que les choses évoluent. «L’an dernier, le gouvernement McGuinty a lancé une campagne de reconnaissance et d’incitation à choisir des métiers spécialisés. C’est un pas dans la bonne direction, dit-elle. Je pense que ce qu’on fait dans notre école est incroyable, et si la collectivité nous soutient, c’est qu’elle reconnaît la valeur de nos activités. Cela me donne énormément de travail, mais j’aime ce que je fais. J’aime les élèves. J’aime quand une petite lumière s’allume dans leur esprit; je peux alors faire le lien entre ce que je leur dis et la réalité. «En ce moment, on parle tout le temps de la “réussite des élèves”. Eh bien, si on veut en faire une priorité, il faut que l’éducation technologique en soit une aussi.» Encourager la réussite1re partie: Marc Lalonde, de l’école à la piste de course 2e partie: Créativité et innovation en éducation technologique Changements apportés au curriculumEn 2009, le ministère de l’Éducation apportera quelques modifications au curriculum d’éducation technologique, tout en continuant d’insister sur l’apprentissage par l’expérience. On a ajouté la catégorie qui comprend les matières suivantes : aménagement paysager, horticulture, foresterie et agriculture. Auparavant, les écoles devaient élaborer leurs propres cours pour répondre aux besoins locaux. La santé et les services à la personne seront répartis en deux catégories : Soins de santé d’une part, Coiffure et esthétique de l’autre. Systèmes informatiques deviendra Technologie de l’informatique. Le cours Études informatiques sera supprimé du curriculum de l’éducation technologique et intégré au curriculum général sous le nom Informatique. |