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Juin 1999

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Enseigner à  Singapour : difficile et enrichissant

En décembre 1997, après avoir fait de la suppléance pendant trois ans à Ottawa, ma ville natale, j’ai accepté un poste à temps plein à Singapour. Je viens de terminer ma deuxième année à l’école secondaire Ahmad Ibrahim où j’enseigne l’anglais, la littérature et la morale. 

de John Patrick Mascoe

Enseigner à Singapour est une activité des plus stressantes. La pénurie d’enseignantes et d’enseignants du pays est due, entre autres, au taux élevé de personnes qui quittent la profession dans les cinq premières années de leur carrière.

Environ 70 pour cent des enseignantes et enseignants de l’étranger arrivés à Singapour en même temps que moi sont déjà repartis. L’enseignant étranger que j’ai remplacé comptait plus de 20 ans d’expérience, mais n’a duré que six mois. Cette situation ne se vit pas seulement chez les étrangers. L’an dernier, ma classe a eu cinq enseignants différents pour les mathématiques; aucun n’a duré plus de deux mois.

Le système scolaire de Singapour est extrêmement concurrentiel et classe les enfants dès leur tout jeune âge. Des examens placent les élèves dans des cours devant correspondre à leurs besoins. Les élèves de l’élémentaire sont d’abord classés à la fin de la quatrième année puis à nouveau à la fin de la sixième année au moment des examens nationaux permettant de passer à un autre palier. Les résultats à ces examens placent les élèves dans un niveau qui convient à leurs habiletés intellectuelles et scolaires au secondaire.

Les élèves les plus doués sont placés dans des cours spéciaux de quatre ans ou cours express. Les autres sont placés dans un programme scolaire normal de cinq ans. Récemment, le ministère de l’Éducation a introduit un cours technique normal destiné aux élèves de bas niveau. Bon nombre de ces élèves ont des troubles d’apprentissage, sont hyperactifs ou ont des problèmes de comportement.

À Singapour, les élèves du programme technique normal sont très semblables aux élèves en difficulté au Canada. Pourtant, peu importe le niveau où se trouve un élève, on s’attend à ce qu’il maîtrise l’anglais et une autre langue (leur langue maternelle est le chinois, le malais ou le tamoul). À Singapour, la majorité des élèves quittent l’école secondaire en étant capable de parler, de lire et d’écrire deux langues.

Étant donné que j’ai eu une formation et de l’expérience pour travailler auprès d’élèves en difficulté au Canada, je me suis porté volontaire pour enseigner aux classes techniques normales qui comptent environ 40 élèves chacune.

En règle générale, les élèves ici se comportent bien mieux qu’au Canada. Le système scolaire a adopté un code disciplinaire strict où des règles contrôlent chaque aspect de la vie scolaire. La vérification des cheveux, des ongles et des uniformes se fait religieusement. Un élève trouvé coupable d’une infraction plus sérieuse, comme fumer, peut recevoir des coups de canes, même si l’infraction a eu lieu hors de la cour d’école ou en dehors des heures de cours.

Les écoles de Singapour ont une grande confiance dans leur système disciplinaire et laissent souvent les élèves sans surveillance. Quand un enseignant du programme normal, express ou spécial doit s’absenter, on ne fait pas appel à de la suppléance. Plutôt, les élèves sont laissés à eux-mêmes pour faire leur travail. Chaque classe compte son propre comité dont les élèves sont responsables à la place de l’enseignant. Les membres du comité de la classe sont aussi responsables de recueillir des fonds, d’organiser des sorties et d’acheter les fournitures scolaires.

Une classe normale technique a aussi un comité, mais ces élèves ne sont jamais laissés sans surveillance. Bien que Singapour ait la réputation d’être sécuritaire, il existe un élément criminel. On compte plus d’une centaine de gangs à Singapour, et un bon nombre d’élèves des classes normales techniques deviendront associés à l’un de ces gangs avant d’avoir terminé leur première année d’études secondaires.

Les enseignants qui restent dans la profession sont sans aucun doute les meilleurs atouts du ministère de l’Éducation. Ils sont extrêmement dévoués et travaillent fort. À Singapour, la semaine dure six jours, souvent 12 heures par jour; il faut aussi consacrer obligatoirement six heures par semaine aux activités parascolaires.

À mon école, j’ai été assigné au Club exercice et santé, programme national qui aide les élèves qui ont un poids excessif à devenir en forme. Les enseignants sont aussi responsables de recueillir les droits de scolarité et de participer à au moins 100 heures par année de perfectionnement professionnel. Il n’est pas rare qu’on leur demande de travailler pendant les vacances scolaires.

TOUT EST CLASSÉ

Les enseignants sont évalués à chaque semestre et classés par rapport aux autres enseignants de l’école. D’après les lignes directrices du ministère, le classement de chaque personne se fonde sur le potentiel et pas nécessairement sur le rendement tel qu’il est jugé par le directeur, le directeur adjoint et les chefs de secteur. Toutefois, les rapports demeurent confidentiels et un enseignant ne peut jamais lire son rapport. Ce secret ne favorise pas toujours la cohésion au travail.

Ce ne sont pas seulement les enseignants qui sont classés à Singapour. On classe à peu près tout en éducation, élèves, classes, écoles et directeurs compris. Parfois, l’apparence et les classements nuisent à ce qui importe vraiment.

Une bonne partie du stress tient à ce milieu concurrentiel. Cette année, l’un de mes élèves a été battu par son père et hospitalisé pendant trois jours. L’école n’a pas voulu intenter de poursuites contre ce parent; j’ai donc appelé la police pour qu’elle fasse enquête. Plus tard, l’enseignant responsable du bien-être des élèves m’a dit que je n’aurais pas dû appeler la police, car cela pourrait influencer l’apparence de notre école.

L’apparence compte énormément dans la culture asiatique. Ainsi, les changements s’effectuent lentement. Cependant, le ministère de l’Éducation essaie de s’éloigner de l’apprentissage par cœur afin de susciter la réflexion créatrice. La plupart des enseignants croient qu’il s’agit là d’une bonne idée, car cela leur donnera la possibilité d’essayer de corriger une faiblesse chez les élèves de Singapour. Pourtant, tout le monde n’est pas content de cette tendance. Certaines écoles laissent tomber le programme de littérature quand elles découvrent que les notes aux examens ne sont pas aussi élevées que celles en mathématiques ou en sciences. Après tout, une école se classe en fonction du résultat de ses élèves.

La demande d’enseignants de l’étranger a considérablement diminué depuis mon arrivée. Depuis le début de la crise économique, de nombreux habitants de Singapour ont fait des démarches pour devenir enseignants. Cette année, le gouvernement embauchera des milliers d’enseignants non formés. Cependant, si vous êtes l’un des étrangers embauchés pour enseigner à Singapour, je peux vous garantir que vous travaillerez dur et que vous accumulerez une expérience inestimable qui fera de vous un bien meilleur enseignant à votre départ.

On peut joindre John Patrick Mascoe à pmascoe@hotmail.com.