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Juin 1999

De la craie à la souris

 


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Les nouvelles technologies sont plus qu’un simple jouet pour internautes, une bibliothèque virtuelle ou une occasion de travailler ou de jouer avec des logiciels. L’ordinateur, c’est bien plus qu’un outil pour mieux enseigner, pour faire de beaux transparents ou encore, pour rédiger les bulletins scolaires. L’Université d’Ottawa change les habitudes grâce à un programme de formation à l’enseignement où la technologie devient un outil d’apprentissage.

 de Louise Bélair

Être enseignante ou enseignant aujourd’hui demande des compétences qui n’existaient pas voilà dix ans. Les élèves viennent souvent de milieux ethniques, culturels et sociaux différents, si bien que leur vision de l’apprentissage comme de son importance peut être fort différente.

En outre, avec l’arrivée de l’Internet, l’information est plus accessible que jamais. Tout est accessible, partout, et les enseignantes et enseignants peuvent aider leurs élèves à avoir accès à de nouveaux savoirs à l’échelle mondiale. En même temps, dans la classe, un dilemme se pose aux enseignantes et enseignants qui doivent naviguer entre les besoins et les attentes de leurs élèves et leurs obligations relatives aux programmes et aux curriculums.

Beaucoup se reconnaîtront dans les propos de Nicole, une enseignante de 7e année : «Il y a tellement de contenu d’apprentissage et je n’ai jamais le temps de tout couvrir, alors moi l’informatique, je n’ai pas le temps. Les ordinateurs servent surtout lors des périodes d’enrichissement ou pour récompenser les élèves.»

Penser apprentissage

Les nouveaux enseignants et enseignantes qui passent par le programme De la craie à la souris, offert par le programme de langue française de la faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, auront une opinion en tous points différente du rôle de la technologie en éducation. Ce programme propose une nouvelle façon de relever le défi de l’apprentissage et par conséquent, de l’enseignement.

François Desjardins, un des initiateurs du projet, en collaboration avec les conseils scolaires francophones de l’est ontarien et grâce à un fonds du ministère de l’Éducation et de la Formation, a réussi à faire équiper plusieurs classes d’ordinateurs et de E-mate, ordinateurs pour enfants conçus par Apple. Par contre, on ne pouvait installer ces ordinateurs sans donner une formation adéquate, autant aux enseignantes et enseignants ainsi qu’à nos étudiantes et étudiants, d’où l’approche centrée sur l’apprentissage.

Ce n’est pas nouveau, mais cette fois, notre intention était de permettre un véritable transfert de connaissances entre les apprentissages à l’université et la profession enseignante et surtout d’assurer l’acquisition des compétences complexes qu’exige cette profession.

Pour ce faire, il fallait déconstruire les idées préconçues des étudiantes et des étudiantes, notamment :

  • si je transmets bien ma matière, les élèves vont comprendre;
  • les élèves qui ne comprennent pas ne font pas l’effort de comprendre;
  • si j’aime la matière que j’enseigne, je saurai la faire aimer des élèves;
  • un bon enseignant, c’est celui qui sait se faire écouter et qui a une bonne discipline.

Ainsi, le défi des professeures et professeurs est de permettre aux étudiantes et étudiants de comprendre comment ils apprennent, pourquoi ils ont des difficultés ou des blocages, pour ensuite décider des moyens à choisir pour construire leurs propres connaissances. Cette approche constructiviste guidée oblige donc les étudiantes et les étudiants à se pencher sur leurs propres limites et ressources, de partir d’eux-mêmes, de leur vécu et de leurs préoccupations. C’est le premier principe de la démarche : l’apprenant est au cœur du processus d’apprentissage.

Nous leur avons ensuite permis de construire de nouveaux apprentissages en adaptant notre méthode. Michelle Bourassa, professeure en apprentissage et enseignement : «Auparavant, selon le mode constructiviste, je couvrais tout ce que je voulais couvrir en seulement 40 heures en parlant très vite pour en dire le plus possible. Je comptais alors essentiellement sur leurs travaux de réflexion pour permettre à chacun de s’approprier le contenu du cours.»

Or, pour s’adapter à la filière De la Craie à la Souris, elle a dû changer ses méthodes… et apprendre à se taire.

Elle s’est aperçue qu’en se taisant, les étudiantes et étudiants n’avaient d’autres choix que de chercher les solutions aux problèmes posés, qu’ils devaient réfléchir et les résoudre. Enfin l’apprentissage était réel. Ils cherchaient, découvraient, analysaient et comparaient. «Je n’avais qu’à les guider dans leur démarche.» C’est le deuxième principe : l’enseignante ou l’enseignant est essentiellement un guide pour l’apprenant.

Apprendre grâce à la technologie

Pour permettre aux étudiantes et étudiants de bien comprendre que l’enseignement est au service de l’apprentissage, il n’a pas suffi de déconstruire certains préjugés ou de construire de nouveaux principes. Ils leur fallaient apprendre par l’expérience. Ainsi, grâce aux cours offerts dans cette filière, soit didactique des mathématiques par Jean-Claude Boyer; apprentissage et enseignement par François Desjardins et Michelle Bourassa, ainsi qu’évaluation par Marielle Simon et moi-même, nous avons créé un environnement intégré d’apprentissage qui avait comme noyau le cours en technologie offert par François Desjardins.

Les étudiantes et étudiants devaient préparer des guides pédagogiques multimédias sur des thèmes du type : élèves difficiles – planification et gestion de l’apprentissage; élèves en difficultés – apprentissage intégré en mathématiques et en langue.

Divers logiciels ont servi à la création de ces guides, notamment Hyperstudio qui permet d’incorporer vidéo, images, graphiques, tableaux et textes. Les guides permettent aux étudiantes et étudiants de naviguer en cochant des cases et de construire leur propre type d’apprentissage d’une matière donnée et ce, en faisant leurs propres choix.

Ce type de travail permet à l’étudiante ou à l’étudiant de trouver des liens multilinéaires entre les concepts qui favorisent l’aller-retour entre les cartes conceptuelles. Cette méthode aide tant les apprenants de type visuel (grâce à la vidéo et aux images) que ceux du type auditif (grâce au texte) et permet de varier les stratégies pour s’assurer que l’internaute conserve son intérêt pour trouver les connaissances essentielles.

À la fin de l’année scolaire, ces guides multimédias sont mis en commun pour constituer en quelque sorte de l’information susceptible de les aider dans le futur.

En quoi est-ce constructiviste? Voici le témoignage de Benoît, étudiant inscrit à la filière.

«On a surtout dû régler des problèmes techniques pour créer notre guide multimédia. Il a fallu reprendre notre plan de travail trois fois parce que le logiciel n’acceptait pas nos données. Mais supposons que l’ordinateur est un élève et que je planifie un cours, je dois m’assurer qu’il comprend ce que je lui demande, qu’il peut résoudre ce problème avec les directives que je lui donne et les ajuster en conséquence. C’était donc cela l’objectif du programme.»

Il est clair que Benoît n’envisagera jamais l’enseignement comme il le croyait au début. Il y a eu un véritable transfert de connaissances.

RÉSULTATS

Une surintendante du conseil de l’est ontarien nous a fait parvenir une lettre suite à des entrevues qu’elle a fait passer à des étudiantes et étudiants de la filière. Elle a noté une grande différence dans leur capacité d’expression, dans leur façon de s’approprier des compétences d’enseignement et surtout, dans leur manière de percevoir leur rôle auprès des élèves. Ce témoignage donne un sens à notre approche et à nos croyances en matière de formation à l’enseignement.

L’an prochain, personne ne sait si la filière se poursuivra. Le corps professoral, le corps étudiant, le personnel enseignant associé et le personnel de surintendance, tous sont convaincus du bien-fondé de cette approche. Il ne reste plus à espérer que les décideurs le seront tout autant.

Louise Bélair est professeure en évaluation au programme de langue française de formation à l’enseignement de la faculté d’éducation à l’Université d’Ottawa. Elle vient de publier un ouvrage intitulé L’évaluation dans l’école.