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Mars 1999


En quête de cohérence


En quête de cohérence, de passion et d’espoir

Le congrès du Conseil scolaire de district de la région de York met en valeur les liens entre le personnel enseignant, les élèves et la communauté.

de Rick Chambers

Purpball.gif (183 bytes) L'éducation autochtone selon Ovide Mercredi

Rarement a-t-on vu tous les conférenciers d’un congrès se pencher sur un même thème. Mais c’est ce qui s’est produit lors du congrès sur la création de milieux d’apprentissage propices au palier secondaire, tenu en novembre à Richmond Hill. Tour à tour, les conférenciers ont parlé de l’incohérence des changements incessants et ont réitéré que la réussite scolaire dépend, dans une large mesure, de l’attention manifestée par les enseignantes et enseignants.

Les conférenciers principaux, Michael Fullan et Andy Hargreaves, ont donné le ton au congrès lorsqu’ils ont parlé de ce qu’une enseignante ou un enseignant sait d’instinct et de ce que les décisionnaires n’ont toujours pas compris, à savoir que l’éducation est un exercice qui se déroule au plan affectif et qui exige un degré important d’interaction humaine.

Fullan est doyen de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario à l’Université de Toronto (IEPO/UT) et Hargreaves est directeur du International Centre for Educational Change à l’IEPO/UT. D’après eux, pour que le système d’éducation survive aux changements incessants et rapides, le personnel enseignant et les directions d’école doivent choisir judicieusement les thèmes à aborder et ainsi, faire la lutte à l’incohérence de ces changements incessants.

Mais il faut que chacun y mette du sien. Directrices et directeurs d’école, administratrices et administrateurs ne peuvent agir en vase clos. Fullan et Hargreaves croient que les décisions des administrateurs ne portent pas directement sur l’enseignement et l’apprentissage, mais qu’elles sont souvent prises selon les besoins. Le processus exige que toutes les personnes intéressées participent à l’amélioration de l’apprentissage des élèves.

Devant tous ces problèmes, ces défis à relever et ces préoccupations de tous les instants, les enseignantes et enseignants doivent choisir leurs luttes. Et Fullan indique qu’il est plus facile de relever les thèmes à aborder à l’échelle de l’école qu’à l’échelle du district.

Fullan avoue qu’il n’y a pas de réponse facile, mais que la restructuration externe passe après la réappropriation d’une culture interne. Les enseignantes et enseignants doivent répondre aux questions suivantes dans leur propre école. Quelle est la culture de l’école? Quelle culture veut-elle? Comment passer de ce qu’elle a à ce qu’elle veut?

TECHNOLOGIE ET ÉVALUATION

Certains enseignantes et enseignants trouvent la technologie dangereuse et déconcertante. Fullan et Hargreaves leur recommandent d’apprivoiser la bête, car plus la technologie devient importante en éducation, plus l’enseignante ou l’enseignant peut aider les élèves à l’utiliser correctement. À cette fin, tous les programmes de formation à l’enseignement, tant la formation initiale que le perfectionnement professionnel, devraient traiter de l’introduction de la technologie dans l’enseignement et l’apprentissage.

Confronter le danger veut aussi dire apprendre à connaître les pratiques d’évaluation. Fullan estime que les enseignantes et enseignants doivent devenir des as de l’évaluation : ils doivent comprendre les données, être capables d’élaborer des plans en conséquence et expliquer leurs stratégies d’évaluation.

Et pour cause. Fullan et Hargreaves affirment qu’un organisme comme l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE) n’est pas à la veille de disparaître. L’évaluation externe des élèves est une réalité de plus en plus pressante en éducation, peu importe ce que les enseignantes et enseignants peuvent penser de la qualité ou du but des tests administrés. De fait, en élaborant le nouveau test de compétences de base en 10e année, l’OQRE modifie son propre rôle. Organisme d’évaluation et de responsabilisation impartial, il devient un organisme d’agrément, étant donné que la réussite du test de compétences de base deviendra une condition préalable à la réussite des études secondaires.

Fullan et Hargreaves enjoignent les enseignantes et enseignants à en apprendre plus sur les structures comme l’OQRE : ils doivent être bien renseignés sur le fonctionnement des tests, leur genèse, l’utilisation qui sera faite des résultats et leur effet sur le curriculum et l’apprentissage.

UN BUT, UNE PASSION, UN ESPOIR

Hargreaves qualifie les années 90 de période de compressions affectives chez les parents. Ces derniers passent de moins en moins de temps avec leurs enfants; tous deux brûlent la chandelle par les deux bouts en raison d’exigences professionnelles et sociales. Les parents ont confié la responsabilité de l’affection pour leurs enfants à des sources extérieures, comme des garderies, des programmes de garde après l’école, et des activités scolaires ou communautaires, ce qui leur permet de vaquer à d’autres activités.

Hargreaves estime que le projet de système consultatif au secondaire est un exemple d’intelligence affective. Un système consultatif dont le but serait d’aider à établir des liens affectifs doit faire partie d’un programme d’apprentissage intégré et par conséquent, des tâches et responsabilités de l’enseignante et de l’enseignant.

Malheureusement, explique Hargreaves, la politique gouvernementale se fonde rarement sur la recherche. Si elle l’était, l’Ontario serait doté de programmes de maternelle entièrement subventionnés et les groupes consultatifs d’enseignantes et d’enseignants feraient partie d’une activité pédagogique intégrée.

Dans l’atelier portant sur le programme d’amélioration des écoles manitobaines, la coordonnatrice du programme, Maxine Zimmerman, et la directrice de la Mulvey School à Winnipeg, Lori Wilcosh, ont expliqué leur méthode qui consiste à rendre les changements plus cohérents. On demande aux équipes scolaires de se pencher sur l’apprentissage des élèves. Un examen interne révèle les difficultés, à savoir l’alphabétisation, la technologie de l’information, l’intégration du curriculum ou d’autres problèmes. La prochaine étape consiste à faire appel à la participation des enseignantes et enseignants, des élèves, des parents et de la communauté servie par l’école.

LA CLÉ, CE SONT LES GENS

L’élément clé, ce sont les gens : des groupes d’action composés d’enseignantes et d’enseignants, de parents et d’élèves détermineront le succès des changements. Il importe que l’école effectue un auto-examen pour recueillir les données empiriques nécessaires à la réappropriation de sa culture. Les enseignantes et enseignants doivent entamer une réflexion permanente et utiliser leur école comme un laboratoire où l’on cherche à savoir si le processus de changement porte fruit. La participation de la communauté assure la cohérence et l’intégration qui accroît la capacité de l’école à subir d’autres changements.

L’évaluation fait partie de tout changement et les enseignantes et enseignants doivent apprendre comment elle fonctionne. Pour aider les éducateurs à relever le défi de l’évaluation, Joan Green, directrice générale de l’OQRE, a expliqué le rôle et le fonctionnement de l’évaluation.

Elle affirme que tout ce qui compte ne peut pas être compté et que la transparence va bien au-delà des chiffres. Elle explique que l’OQRE a comme priorité le bien-être des élèves, ce qui explique la raison d’être, par exemple, des politiques relatives aux élèves en difficulté. L’OQRE ne tient compte que des informations qui peuvent apporter des changements constructifs et des améliorations. Son mandat n’est donc pas de faire des comparaisons destructrices ou démoralisantes entre les écoles, même si les médias utilisent parfois à tort les résultats de ses recherches. Au contraire, son rôle est de donner aux enseignantes et enseignants des données sur l’évaluation qui leur permettront d’améliorer l’apprentissage des élèves.

L’ATTITUDE DES ÉLÈVES

Alan King, directeur du Groupe d’évaluation des programmes sociaux de l’Université Queen’s, a montré un autre côté de l’évaluation. Dans le cadre d’une comparaison internationale des attitudes des élèves envers l’école, des chercheurs ont constaté que les élèves canadiens estiment qu’ils réussissent mieux qu’ils ne le font en réalité. King a indiqué que les résultats aux tests internationaux montrent que les élèves canadiens réussissent aussi bien que d’autres élèves de pays industrialisés, mais pas nécessairement mieux.

King a parlé plus précisément des élèves désintéressés, de ceux qui se tiennent dans le coin des fumeurs. Dans une étude nationale qui vient d’être effectuée auprès de 2 468 élèves de 10e année, King a constaté que 20 pour cent des élèves fument tous les jours; 28 pour cent ont déjà été très ivres à au moins quatre reprises; 31 pour cent ont déjà fumé du haschisch ou de la marijuana; et 28 pour cent ont déjà fait ces trois choses. L’étude portait sur plus de filles que de garçons. King a constaté que 49 pour cent des élèves dont les résultats scolaires se situent dans la moyenne ou sous la moyenne fument et que 69 pour cent n’ont pas de bonnes relations avec leurs parents. Il souligne qu’il est très difficile de ramener ces élèves à l’ordre une fois qu’ils deviennent membres du groupe indifférent qui se tient dans le coin des fumeurs aux limites de la cour d’école.

L’importance d’assurer la participation des jeunes à leurs études secondaires va au-delà de raisons purement scolaires. Un adulte attentif peut faire toute la différence chez un adolescent. King affirme qu’en Ontario, le système perd les élèves vulnérables après la 10e année parce qu’il n’y a que très peu de programmes pour les jeunes de cet âge. Sans programmes ni activités parascolaires, l’instabilité sociale s’installe : les adolescents désintéressés forment des bandes et les bandes engendrent la violence. King explique que dans sa forme actuelle, le nouveau curriculum pour les études secondaires risque de perdre 25 pour cent des élèves ontariens. L’Ontario est le seul endroit parmi tous les pays développés où le taux d’abandon des élèves vulnérables est aussi élevé.

Les éducatrices et éducateurs savent que, souvent, les élèves indifférents quittent l’école avant la fin. Sans engagement de leur part, les élèves passent par l’école sans avoir établi de lien affectif avec l’école, ni avec leurs parents ni avec leur milieu communautaire.

L’HEURE EST À LA RÉFLEXION

Bernard Shapiro, principal et vice-chancelier de l’Université McGill, avait la tâche ingrate de résumer le congrès. S’efforçant de demeurer impartial, Shapiro a mis l’auditoire en garde contre ceux et celles qui prônent la passion, la foi et l’attention avec désinvolture. Mais il a néanmoins terminé la conférence sur une note d’espoir.

D’après Shapiro, la seule certitude est l’ambiguïté. La technologie aura toujours des conséquences indésirables, et les éducateurs et éducatrices devront se tirer d’affaire.

Shapiro a indiqué que l’expression «éducation à distance» est mal comprise, car plutôt que de s’inquiéter de l’éducation à distance, les écoles devraient concentrer leurs efforts sur l’éducation à proximité. Les enseignantes et enseignants indifférents ne sont pas mieux que les élèves désintéressés, et il craint que les écoles secondaires sont nombreuses à employer des enseignantes et enseignants qui font de l’éducation à distance avec des élèves assis devant eux. L’avenir est inévitable mais inconnu. Les élèves représentent une source sûre et la proximité de leur apprentissage est la question la plus importante qui touche l’éducation et les éducatrices et éducateurs. Shapiro a rappelé aux participants que l’éducation publique devrait être fière de ses réalisations et que l’enseignement est une profession morale parce qu’elle a un effet direct sur les gens. Enfin, Shapiro a affirmé que l’éducation est un mythe, quelque chose en lequel on croit quand on manque de données empiriques. La foi, dit-il, devrait être étalée au grand jour maintenant plus que jamais.

Le congrès a permis aux participants de constater qu’il vaut la peine de se battre pour la réaffirmation de l’importance de l’élément humain en éducation. La compétence doit accompagner la passion. Les connaissances doivent être atténuées par l’amour. Les stratégies doivent comprendre de l’attention personnelle. Le leadership doit être collaboratif. L’engagement envers les élèves et leur apprentissage doit être la priorité.

Les coprésidentes de ce congrès, Avis Glaze et Sylvia Terpstra, pensent que le prochain congrès placera l’éducation à l’avant-plan. En octobre 1999, on explorera de nouvelles options d’enseignement et d’apprentissage. L’accent sera placé sur ce que nous voulons accomplir ensemble.

Rick Chambers a enseigné l’anglais pendant 27 ans avant de devenir agent de programme de l’Unité d’agrément à l’Ordre.

Le congrès a été parrainé par le Conseil scolaire de district de la région de York en collaboration avec le Northern Centre for Instructional Leadership, le Conseil scolaire de district de Peel, le Conseil scolaire de district de Simcoe et le Toronto Principals’ Centre.