En quête de cohérence, de passion et
despoir
Le congrès du Conseil scolaire
de district de la région de York met en valeur les liens entre le personnel enseignant,
les élèves et la communauté.
de Rick Chambers
L'éducation autochtone selon Ovide
Mercredi
Rarement a-t-on vu tous les conférenciers dun congrès
se pencher sur un même thème. Mais cest ce qui sest produit lors du congrès
sur la création de milieux dapprentissage propices au palier secondaire, tenu en
novembre à Richmond Hill. Tour à tour, les conférenciers ont parlé de
lincohérence des changements incessants et ont réitéré que la réussite scolaire
dépend, dans une large mesure, de lattention manifestée par les enseignantes et
enseignants.
Les conférenciers principaux, Michael Fullan et Andy Hargreaves, ont donné le ton au
congrès lorsquils ont parlé de ce quune enseignante ou un enseignant sait
dinstinct et de ce que les décisionnaires nont toujours pas compris, à
savoir que léducation est un exercice qui se déroule au plan affectif et qui exige
un degré important dinteraction humaine.
Fullan est doyen de lInstitut détudes pédagogiques de lOntario à
lUniversité de Toronto (IEPO/UT) et Hargreaves est directeur du International
Centre for Educational Change à lIEPO/UT. Daprès eux, pour que le système
déducation survive aux changements incessants et rapides, le personnel enseignant
et les directions décole doivent choisir judicieusement les thèmes à aborder et
ainsi, faire la lutte à lincohérence de ces changements incessants.
Mais il faut que chacun y mette du sien. Directrices et directeurs décole,
administratrices et administrateurs ne peuvent agir en vase clos. Fullan et Hargreaves
croient que les décisions des administrateurs ne portent pas directement sur
lenseignement et lapprentissage, mais quelles sont souvent prises selon
les besoins. Le processus exige que toutes les personnes intéressées participent à
lamélioration de lapprentissage des élèves.
Devant tous ces problèmes, ces défis à relever et ces préoccupations de tous les
instants, les enseignantes et enseignants doivent choisir leurs luttes. Et Fullan indique
quil est plus facile de relever les thèmes à aborder à léchelle de
lécole quà léchelle du district.
Fullan avoue quil ny a pas de réponse facile, mais que la restructuration
externe passe après la réappropriation dune culture interne. Les enseignantes et
enseignants doivent répondre aux questions suivantes dans leur propre école. Quelle est
la culture de lécole? Quelle culture veut-elle? Comment passer de ce quelle a
à ce quelle veut?
TECHNOLOGIE ET ÉVALUATION
Certains enseignantes et enseignants trouvent la technologie dangereuse et
déconcertante. Fullan et Hargreaves leur recommandent dapprivoiser la bête, car
plus la technologie devient importante en éducation, plus lenseignante ou
lenseignant peut aider les élèves à lutiliser correctement. À cette fin,
tous les programmes de formation à lenseignement, tant la formation initiale que le
perfectionnement professionnel, devraient traiter de lintroduction de la technologie
dans lenseignement et lapprentissage.
Confronter le danger veut aussi dire apprendre à connaître les pratiques
dévaluation. Fullan estime que les enseignantes et enseignants doivent devenir des
as de lévaluation : ils doivent comprendre les données, être capables
délaborer des plans en conséquence et expliquer leurs stratégies
dévaluation.
Et pour cause. Fullan et Hargreaves affirment quun organisme comme lOffice
de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE) nest pas à la veille
de disparaître. Lévaluation externe des élèves est une réalité de plus en plus
pressante en éducation, peu importe ce que les enseignantes et enseignants peuvent penser
de la qualité ou du but des tests administrés. De fait, en élaborant le nouveau test de
compétences de base en 10e année, lOQRE modifie son propre rôle. Organisme
dévaluation et de responsabilisation impartial, il devient un organisme
dagrément, étant donné que la réussite du test de compétences de base deviendra
une condition préalable à la réussite des études secondaires.
Fullan et Hargreaves enjoignent les enseignantes et enseignants à en apprendre plus
sur les structures comme lOQRE : ils doivent être bien renseignés sur le
fonctionnement des tests, leur genèse, lutilisation qui sera faite des résultats
et leur effet sur le curriculum et lapprentissage.
UN BUT, UNE PASSION, UN ESPOIR
Hargreaves qualifie les années 90 de période de compressions affectives chez les
parents. Ces derniers passent de moins en moins de temps avec leurs enfants; tous deux
brûlent la chandelle par les deux bouts en raison dexigences professionnelles et
sociales. Les parents ont confié la responsabilité de laffection pour leurs
enfants à des sources extérieures, comme des garderies, des programmes de garde après
lécole, et des activités scolaires ou communautaires, ce qui leur permet de vaquer
à dautres activités.
Hargreaves estime que le projet de système consultatif au secondaire est un exemple
dintelligence affective. Un système consultatif dont le but serait daider à
établir des liens affectifs doit faire partie dun programme dapprentissage
intégré et par conséquent, des tâches et responsabilités de lenseignante et de
lenseignant.
Malheureusement, explique Hargreaves, la politique gouvernementale se fonde rarement
sur la recherche. Si elle létait, lOntario serait doté de programmes de
maternelle entièrement subventionnés et les groupes consultatifs denseignantes et
denseignants feraient partie dune activité pédagogique intégrée.
Dans latelier portant sur le programme damélioration des écoles
manitobaines, la coordonnatrice du programme, Maxine Zimmerman, et la directrice de la
Mulvey School à Winnipeg, Lori Wilcosh, ont expliqué leur méthode qui consiste à
rendre les changements plus cohérents. On demande aux équipes scolaires de se pencher
sur lapprentissage des élèves. Un examen interne révèle les difficultés, à
savoir lalphabétisation, la technologie de linformation, lintégration
du curriculum ou dautres problèmes. La prochaine étape consiste à faire appel à
la participation des enseignantes et enseignants, des élèves, des parents et de la
communauté servie par lécole.
LA CLÉ, CE SONT LES GENS
Lélément clé, ce sont les gens : des groupes daction composés
denseignantes et denseignants, de parents et délèves détermineront le
succès des changements. Il importe que lécole effectue un auto-examen pour
recueillir les données empiriques nécessaires à la réappropriation de sa culture. Les
enseignantes et enseignants doivent entamer une réflexion permanente et utiliser leur
école comme un laboratoire où lon cherche à savoir si le processus de changement
porte fruit. La participation de la communauté assure la cohérence et
lintégration qui accroît la capacité de lécole à subir dautres
changements.
Lévaluation fait partie de tout changement et les enseignantes et enseignants doivent apprendre comment elle fonctionne. Pour
aider les éducateurs à relever le défi de lévaluation, Joan Green, directrice générale de lOQRE, a expliqué le
rôle et le fonctionnement de lévaluation.
Elle affirme que tout ce qui compte ne peut pas être compté et que la transparence va
bien au-delà des chiffres. Elle explique que lOQRE a comme priorité le bien-être
des élèves, ce qui explique la raison dêtre, par exemple, des politiques
relatives aux élèves en difficulté. LOQRE ne tient compte que des informations
qui peuvent apporter des changements constructifs et des améliorations. Son mandat
nest donc pas de faire des comparaisons destructrices ou démoralisantes entre les
écoles, même si les médias utilisent parfois à tort les résultats de ses recherches.
Au contraire, son rôle est de donner aux enseignantes et enseignants des données sur
lévaluation qui leur permettront daméliorer lapprentissage des
élèves.
LATTITUDE DES ÉLÈVES
Alan King, directeur du Groupe dévaluation des programmes sociaux de
lUniversité Queens, a montré un autre côté de lévaluation. Dans le
cadre dune comparaison internationale des attitudes des élèves envers
lécole, des chercheurs ont constaté que les élèves canadiens estiment
quils réussissent mieux quils ne le font en réalité. King a indiqué que
les résultats aux tests internationaux montrent que les élèves canadiens réussissent
aussi bien que dautres élèves de pays industrialisés, mais pas nécessairement
mieux.
King a parlé plus précisément des élèves désintéressés, de ceux qui se tiennent
dans le coin des fumeurs. Dans une étude nationale qui vient dêtre effectuée
auprès de 2 468 élèves de 10e année, King a constaté que 20 pour cent des élèves
fument tous les jours; 28 pour cent ont déjà été très ivres à au moins quatre
reprises; 31 pour cent ont déjà fumé du haschisch ou de la marijuana; et 28 pour cent
ont déjà fait ces trois choses. Létude portait sur plus de filles que de
garçons. King a constaté que 49 pour cent des élèves dont les résultats scolaires se
situent dans la moyenne ou sous la moyenne fument et que 69 pour cent nont pas de
bonnes relations avec leurs parents. Il souligne quil est très difficile de ramener
ces élèves à lordre une fois quils deviennent membres du groupe
indifférent qui se tient dans le coin des fumeurs aux limites de la cour décole.
Limportance dassurer la participation des jeunes à leurs études
secondaires va au-delà de raisons purement scolaires. Un adulte attentif peut faire toute
la différence chez un adolescent. King affirme quen Ontario, le système perd les
élèves vulnérables après la 10e année parce quil ny a que très peu de
programmes pour les jeunes de cet âge. Sans programmes ni activités parascolaires,
linstabilité sociale sinstalle : les adolescents désintéressés forment des
bandes et les bandes engendrent la violence. King explique que dans sa forme actuelle, le
nouveau curriculum pour les études secondaires risque de perdre 25 pour cent des élèves
ontariens. LOntario est le seul endroit parmi tous les pays développés où le taux
dabandon des élèves vulnérables est aussi élevé.
Les éducatrices et éducateurs savent que, souvent, les élèves indifférents
quittent lécole avant la fin. Sans engagement de leur part, les élèves passent
par lécole sans avoir établi de lien affectif avec lécole, ni avec leurs
parents ni avec leur milieu communautaire.
LHEURE EST À LA RÉFLEXION
Bernard Shapiro, principal et vice-chancelier de lUniversité McGill, avait la
tâche ingrate de résumer le congrès. Sefforçant de demeurer impartial, Shapiro a
mis lauditoire en garde contre ceux et celles qui prônent la passion, la foi et
lattention avec désinvolture. Mais il a néanmoins terminé la conférence sur une
note despoir.
Daprès Shapiro, la seule certitude est lambiguïté. La technologie aura
toujours des conséquences indésirables, et les éducateurs et éducatrices devront se
tirer daffaire.
Shapiro a indiqué que lexpression «éducation à distance» est mal comprise,
car plutôt que de sinquiéter de léducation à distance, les écoles
devraient concentrer leurs efforts sur léducation à proximité. Les enseignantes
et enseignants indifférents ne sont pas mieux que les élèves désintéressés, et il
craint que les écoles secondaires sont nombreuses à employer des enseignantes et
enseignants qui font de léducation à distance avec des élèves assis devant eux.
Lavenir est inévitable mais inconnu. Les élèves représentent une source sûre et
la proximité de leur apprentissage est la question la plus importante qui touche
léducation et les éducatrices et éducateurs. Shapiro a rappelé aux participants
que léducation publique devrait être fière de ses réalisations et que
lenseignement est une profession morale parce quelle a un effet direct sur les
gens. Enfin, Shapiro a affirmé que léducation est un mythe, quelque chose en
lequel on croit quand on manque de données empiriques. La foi, dit-il, devrait être
étalée au grand jour maintenant plus que jamais.
Le congrès a permis aux participants de constater quil vaut la peine de se
battre pour la réaffirmation de limportance de lélément humain en
éducation. La compétence doit accompagner la passion. Les connaissances doivent être
atténuées par lamour. Les stratégies doivent comprendre de lattention
personnelle. Le leadership doit être collaboratif. Lengagement envers les élèves
et leur apprentissage doit être la priorité.
Les coprésidentes de ce congrès, Avis Glaze et Sylvia Terpstra, pensent que le
prochain congrès placera léducation à lavant-plan. En octobre 1999, on
explorera de nouvelles options denseignement et dapprentissage. Laccent
sera placé sur ce que nous voulons accomplir ensemble.
Rick Chambers a enseigné langlais pendant 27 ans avant de devenir agent de
programme de lUnité dagrément à lOrdre.
Le congrès a été parrainé par le Conseil scolaire de district de la région de
York en collaboration avec le Northern Centre for Instructional Leadership, le Conseil
scolaire de district de Peel, le Conseil scolaire de district de Simcoe et le Toronto
Principals Centre.