(Shantelle Browning-Morgan, EAO 
fait la lumière sur des passés ségrégationnistes 
de Leanne Miller, EA O)

«QUAND JE PARLE d’homme noir ou de femme noire, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit?»

C’est la question que Shantelle Browning-Morgan, EAO, pose au début de chaque cours d’études africaines. Les réponses les plus courantes incluent les armes, la violence, le rap, le hip-hop, baby daddy, le bruit, welfare queen; et, comme Mme Browning-Morgan s’y attend, le mot n… revient souvent. C’est peut-être difficile à entendre, mais c’est la meilleure façon de commencer un cours que les élèves décriront plus tard comme étant transformateur.

Récipiendaire du Prix d’histoire du Gouverneur général pour l’excellence en enseignement 2011, Mme Browning-Morgan serait probablement d’accord pour dire que ce cours, élaboré localement, a le pouvoir de changer une vie. Elle a lancé le cours pilote (connu officiellement sous le nom d’Histoire de l’Afrique et des personnes d’origine africaine) à l’école de Windsor, après s’être inspirée d’un cours similaire offert par le Toronto District School Board (TDSB).

Dave Watkins, EAO, natif de Windsor et récipiendaire d’un Prix du Gouverneur général pour l’excellence en enseignement 2007, faisait partie de l’équipe de Toronto au Weston Collegiate Institute, qui a élaboré le cours pilote sur les études africaines. Dix ans plus tard, plus de 20 écoles du TDSB offrent ce programme. Avec un tel succès, on pourrait penser qu’il est improbable que M. Watkins ait remarqué les efforts de Mme Browning-Morgan, mais ce n’est pas le cas.

«Personne ne mérite autant ce prix que Shantelle, affirme M. Watkins. Elle est une pionnière visionnaire qui a apporté les études africaines à Windsor. Ce cours ne s’adresse pas seulement aux enfants noirs, mais à tout le monde.»

Mme Browning-Morgan a grandi dans la contradiction, écoutant les histoires que racontait son père sur la richesse de l’héritage africain, sans toutefois en entendre parler à l’école. Mal dans sa peau, elle a lutté avec son identité à l’adolescence. Cela a changé quand elle a fréquenté l’Université de Windsor et qu’elle s’est jointe à la Black Historical Research Society du comté d’Essex.

C’est ma responsabilité, mon but, de raconter leur histoire aux enfants de toutes les origines.

«Quand je pense à ce que mes ancêtres africains ont enduré, je ne devrais pas être ici, dit-elle. C’est ma responsabilité, mon but, de raconter leur histoire aux enfants de toutes les origines. En tant que membres de la famille humaine, nous profitons tous d’en apprendre plus les uns sur les autres. C’est la meilleure façon de lutter contre le racisme.»

Le cours de Mme Browning-Morgan est un examen de l’histoire culturelle et sociale, pas seulement des guerres et des dirigeants politiques. D’ailleurs, le cours commence en explorant combien la culture populaire et les médias renforcent les stéréotypes : le sensationnalisme dans la violence, l’irresponsabilité et la misogynie. Elle explique à quel point ces messages blessants peuvent décourager les adolescents noirs de faire des études, de poursuivre une carrière, et d’avoir d’autres objectifs dans la vie.

Les élèves sont étonnés et intrigués par ce qu’ils apprennent, surtout quand ils analysent les paroles des chansons hip-hop (que l’enseignante trouve dégradantes et dépourvues de conscience sociale) et qu’ils se penchent sur le langage codé des spirituals. Ils comparent même le hip-hop avec la musique des minstrels, plus tard au cours du semestre.

Shantelle Browning-Morgan, EAO, et ses élèves de 11e année participent à une activite de la traite transatlantique des esclaves afin de meix comprendre les horreurs vécues par ces Africans pendent la traversée

Forts de leurs nouvelles connaissances, les élèves de l’année dernière ont organisé une campagne à l’échelle de l’école pour qu’on arrête d’utiliser le mot n… à l’aide d’affiches et de pétitions, et en distribuant des cartes d’information.

«Tout le monde devrait savoir combien ce mot est blessant», fait remarquer Petra dans sa rétroaction sur le cours.

Quant à Shanice, elle écrit : «Maintenant, mes deux objectifs sont d’arrêter d’utiliser le mot n… et d’informer mes amis pour qu’ils arrêtent aussi». Pour accomplir ce second objectif, Shanice et ses camarades de classe doivent remonter plusieurs milliers d’années pour comprendre exactement ce qui s’est passé.

«S’ils sont tout d’abord surpris d’apprendre que l’Afrique n’est pas un pays, de dire Mme Browning-Morgan en riant, ils sont sidérés de découvrir que les pays des sociétés noires ont été le berceau de l’humanité et que les Égyptiens n’ont pas la peau blanche.»

Le cours passe des premières civilisations à la traite transatlantique des esclaves. Le sujet de l’esclavage a tendance à troubler les élèves, mais ils se réjouissent finalement quand ils comprennent le miracle que représente la survivance à une telle brutalité. Ils réalisent vite combien les survivants étaient forts et combien la liberté était importante pour eux.

D’autres sections du cours portent sur l’impérialisme africain, la course aux colonies, l’oppression de l’Amérique du Nord et les droits civils.

«Le chemin de fer clandestin est un merveilleux exemple de cultures travaillant ensemble vers un même objectif, explique Mme Browning-Morgan. Les Premières Nations, et les hommes et femmes noirs et blancs des États-Unis et du Canada ont accompli quelque chose de miraculeux. Il faut que les enfants comprennent que ce genre de chose peut se produire quand les gens s’unissent dans un même but.»

Le regard se tourne de nouveau vers l’Afrique quand les élèves étudient la lutte pour l’indépendance (qui a culminé en Afrique du Sud) et qu’ils explorent des questions plus actuelles comme le génocide au Rwanda, la guerre civile au Darfour, les diamants de sang, la pauvreté, la famine et le VIH/SIDA. Le programme se poursuit ensuite par une étude du rôle des personnes noires au Canada, à la fois dans les deux guerres mondiales et dans l’histoire d’Africville, en Nouvelle-Écosse. À la fin du cours, les élèves ont une solide compréhension de l’esclavage et du colonialisme.

Avec Mme Browning-Morgan, l’apprentissage va au-delà des murs de la classe. Inspirés par la tradition ouest-africaine, les élèves fabriquent des masques qui reflètent leur héritage en incorporant des adinkras (symboles visuels) du Ghana. Ces masques ancestraux de couleurs vives sont exposés et portent des marques de l’héritage croate, ghanéen, américain, libyen, hondurien, euro-canadien, afro-canadien et de l’héritage des peuples des Premières Nations.

De plus, nombre d’élèves participent au Black Cultural Showcase de Walkerville où ils chantent, dansent, font de la poésie et des lectures de pièces de théâtre, et jouent du tambour africain, et ce, à guichet fermé.

Les élèves assistent aussi à l’African Diaspora Youth Conference de l’Université de Windsor (uwindsor.ca/diasporayouthconference) avec plusieurs centaines d’élèves de Toronto, de Windsor et de Détroit. Ils discutent de leur patrimoine commun, de leur vie et de leurs aspirations de carrière, et visitent des endroits comme l’Underground Railroad Museum.

De retour en classe, les élèves découvrent des pionniers canadiens comme Mary Ann Shadd, Abraham Doras Shadd, le 2e Bataillon de construction, Viola Desmond, Josiah Henson et, plus récemment, des héros tels que Rosemary Brown, Lincoln Alexander et Michaëlle Jean, ainsi qu’Oscar Peterson et K’naan.

«Ils en viennent à voir que les héros noirs ne sont pas que des athlètes et des rappeurs», explique Mme Browning-Morgan.

Elle prête autant d’attention à la façon dont elle enseigne le programme qu’à son contenu. Quand elle commence l’unité sur l’esclavage, elle veut que les élèves fassent l’expérience de l’ennui de cueillir du coton toute la journée. Elle leur remet des pelotes de laine rouge et leur demande de se tenir debout sans bouger et sans parler en regardant droit devant eux. Ensuite, elle leur dit de faire des nœuds avec la laine sans s’arrêter.

Le semestre dernier, les élèves l’ont fait pendant 19 minutes avant d’arrêter, en colère. Un élève est même sorti en trombe. C’est alors que l’enseignante leur a expliqué la raison de l’exercice. «Les gens réduits à l’esclavage ont été forcés de travailler plus de 400 ans à des tâches bien plus difficiles, dans des conditions bien plus dures. Et vous ne pouvez même pas faire des nœuds pendant 20 minutes?» Cela a été une leçon d’humilité pour les adolescents.

«Si elle nous l’avait simplement raconté ou si on l’avait lu, ça n’aurait pas eu le même effet, de dire Shai. On se souviendra toujours des nœuds qu’on a faits avec de la laine rouge qui représentait le sang.»

Alyssa a demandé à Mme Browning-Morgan si elle pouvait accrocher ses nœuds à l’avant de la salle de classe, à titre de rappel. Le bout de laine y est toujours.

Mme Browning-Morgan veut humaniser les 30 millions d’Africains qui ont été arrachés de leur foyer. «On doit parler d’eux comme de gens réduits à l’esclavage, et non pas comme des esclaves», dit-elle.

Une façon pour Mme Browning-Morgan d’arriver à cette fin est l’activité qu’elle organise sur le sujet de la traite transatlantique des esclaves. Elle demande aux élèves de choisir cinq noms dans la base de données des noms africains (slavevoyages.org/tast/resources/slaves.faces) et de découper des silhouettes dans du carton afin de représenter la culture de chaque personne. Après avoir donné un nom et un lieu de naissance à chaque forme, les élèves doivent les attacher avec de petites chaînes à un navire négrier symbolique accroché au mur de la classe.

«Je le fais pour leur redonner un nom, un lieu de naissance, une culture et une humanité, explique l’enseignante. Même si les formes découpées sont très belles, l’activité n’enlève rien aux horreurs que les Africaines et Africains ont subies durant leur passage.

«Cela aide à restaurer la beauté des gens qui ont été dépouillés bien trop longtemps de leur humanité.»

Et c’est ainsi que le cadeau de Mme Browning-Morgan (la connaissance et l’autonomie) touche les élèves plus profondément que quiconque aurait pu imaginer.

«Je n’ai jamais été aussi heureuse, écrit Petra dans sa rétroaction du cours. Pour la première fois, je me sens belle. Mon histoire est riche et, un jour, c’est moi qui enseignerai ce cours.

Grace à vous, je me sens importante. Merci. Je ne voulais pas suivre ce cours à cause de ma propre honte, mais c’est le meilleur choix que j’aie jamais fait.»


4 façons d’attirer leur attention
  1. Utilisez des photos et des graphiques pour rendre les gens et les lieux plus vivants. Les présentations PowerPoint aident à renforcer les leçons magistrales et à accompagner les manuels et les photocopies.

  2. Demandez aux élèves d’écrire sur ce qu’ils ont appris. Vous pouvez demander aux élèves de dire comment les faits historiques dont on a parlé en classe ont affecté leurs ancêtres et, ultimement, changé leur propre vie. Ne pénalisez pas l’orthographe ni la grammaire, mais corrigez-les néanmoins.

  3. Asseyez-vous en cercle pour discuter en classe. Vous devez explorer un sujet épineux? Les élèves pourront mieux se parler s’ils se font face. Demandez-leur d’écouter attentivement, de garder l’esprit ouvert et de parler respectueusement, mais avec détermination.

  4. Donnez un choix de devoirs. Pour mieux démontrer leurs forces, les élèves pourraient choisir, par exemple, de rédiger des textes, de faire des présentations orales ou de diapositives, de réciter des poèmes.