Les modes allaient et venaient. Les administrations, directions décole ou chefs
      de secteur armés de nouveaux plans ou de nouvelles directives, en règle générale, ne
      faisaient pas long feu. Les innovations provenaient ou voyaient le jour aux échelons
      supérieurs et leffet dentraînement était minimal.
      Les enseignantes et enseignants continuaient de tenir fermée la porte de leur classe
      pour continuer de faire ce quils avaient toujours fait. Jusquà tout
      récemment, ne pas tenir compte des changements navait que peu de conséquences.
      Comme Michael Fullan et Andy Hargreaves de lInstitut des études pédagogiques de
      lOntario de lUniversité de Toronto (IEPO/UT) lont indiqué dans Whats
      Worth Fighting for Out There?, les enseignantes et enseignants nont
      plus le luxe ni la liberté dignorer les changements, car ils sont là pour durer.
      Ce qui se passait «ailleurs» auparavant se passe maintenant «ici».
      Les décideurs de politiques gouvernementales ont imposé leurs idées au système
      dune manière jamais vue auparavant. Les parents sont mieux informés et plus actifs
      que jamais dans léducation de leurs enfants. Léducation reste rarement dans
      lombre, et parents, journalistes et décideurs posent aux enseignantes et
      enseignants et aux administrateurs des questions difficiles sur ce quils font et
      pourquoi ils le font de cette façon.
      ANXIÉTÉ ET STRESS
      Tout cela, bien entendu, a entraîné une hausse de lanxiété et du stress chez
      le personnel enseignant, ce qui a incité certains à réfléchir à une retraite hâtive
      ou un changement de carrière. Dautres ont perdu le moral, sont devenus en colère
      voire cyniques. En fait, comme Fullan la dit, étant donné la façon dont les
      changements ont été mis en uvre en Ontario, bon nombre denseignantes et
      denseignants croient quils ont obtenu le droit dêtre cyniques.
      Otto Neurath, philosophe et scientifique du XXe siècle, envisageait les scientifiques
      comme des «marins en haute mer qui doivent reconstruire leur navire mais qui semblent
      incapables de commencer à zéro
 Ils doivent se servir de bois de lancienne
      structure flottant à la surface, mais demeurent incapables damarrer le bateau au
      port pour commencer à neuf. Pendant le travail, ils restent sur lancienne structure
      et doivent affronter des tempêtes violentes et des vagues monstres.»
      Comme métaphore de la situation actuelle en éducation, celle de Neurath convient tout
      à fait. Le rythme du changement va en saccélérant, et il ny a que peu de
      temps pour prendre du recul ou simplement sarrêter pour évaluer là où on en est
      rendu et savoir quelle est la prochaine étape. Il faut sadapter à toute vitesse et
      sassurer que le système continue de fonctionner.
      Deux conférences qui ont eu lieu au printemps dernier portaient sur la force du
      changement du point de vue de la communauté scolaire et dun système scolaire. 
      Un atelier de deux jours, («Breaking Through Change Barriers») avec Michael Fullan et
      Carol Rolheiser, doyen et vice-doyenne de lIEPO/UT, a présenté des exemples de
      changements tirés de leur recherche et de leur participation à des exercices de
      changements en milieu scolaire; ils ont par la suite mis en commun les observations des
      communautés scolaires, des directions décole et des enseignantes et enseignants
      participants.
      «Partners in Facilitating Whole System Change», colloque de quatre jours à
      lintention de leaders en éducation et de facilitateurs de changements de la Banque
      de Montréal, sest tenu à lInstitute for Learning de la Banque de Montréal,
      au nord de Toronto. Lévénement était parrainé par The Learning Partnership,
      groupe de partenaires des secteurs privé, culturel, gouvernemental et scolaire, le Staff
      Development Council of Ontario et la Banque de Montréal. Suzanne Bailey, de Bailey
      Alliance en Californie, a coordonné le colloque.
      DES AUDITOIRES DIFFÉRENTS
      Fait intéressant à noter, la conférence à lIEPO/UT a attiré un auditoire
      principalement américain denseignants, de directeurs décole et
      dadministrateurs qui sont venus voir et entendre deux des principales sommités en
      éducation en Ontario. Le colloque organisé par The Learning Partnership et la Banque de
      Montréal réunissait un auditoire composé principalement de conseillers pédagogiques et
      de surintendants ontariens qui voulaient en apprendre davantage dune spécialiste
      américaine dans le processus du changement.
      Malgré la différence entre les auditoires, Fullan, Rolheiser et Bailey ont abordé
      les mêmes questions sur le changement qui laissent les enseignants et administrateurs
      sans réponse.
      Michael Fullan a dit que les écoles doivent devenir des organismes
      dapprentissage qui doivent sadapter à la surcharge, la fragmentation,
      lincohérence et la confusion qui accompagnent le changement. Comportement,
      méthodes et compétences demeurent au cur du changement. Souvent, une personne
      changera son comportement avant de changer ses croyances; en dautres termes,
      certains sont prêts à amorcer le processus du changement sans pour autant y croire. La
      croyance vient plus tard au fur et à mesure que les résultats positifs se font sentir
      grâce au changement.
      Suzanne Bailey a mis laccent sur le fait que, traditionnellement, le
      perfectionnement professionnel sest concentré sur les compétences, les activités
      et les comportements alors que, de nos jours, bon nombre de réformes nécessitent un
      transfert de croyances et de valeurs. Ce type de transfert requiert diverses interventions
      comme le dialogue, un rappel des pratiques exemplaires et une interaction auprès de
      divers groupes et individus intéressés.
      Pour Chris Hurst, surintendant du Conseil scolaire de district catholique de Durham et
      participant au colloque, croire au changement représente la première étape à franchir
      vers une solution possible. Il est essentiel dinclure dans le dialogue les groupes
      et individus intéressés pour établir des croyances avant de mettre en uvre des
      solutions ou des changements.
      Dans le roman de Harper Lee, Alouette, je te plumerai, Atticus Finch dit à sa
      jeune fille, Scout : «On ne comprend vraiment quelquun quaprès avoir
      considéré son point de vue
 quaprès avoir enfilé ses souliers et avoir
      marché dans ces souliers» [trad. libre]. Pour mettre en uvre le changement, Fullan
      et Rolheiser ont dit quil faut faire preuve dempathie et créer des liens. Il
      est essentiel de créer des liens avec des personnes que lon ne connaît pas et
      même que lon naime pas.
      INVITER CEUX QUI RÉSISTENT
      Ils ont recommandé que les agents du changement évitent de ne sassocier
      quavec des gens qui pensent comme eux. Ce comportement entraîne la création de
      cliques et nuit au changement. Plutôt, il est recommandé dinviter ceux qui
      résistent au changement à participer et, tant que lon ne perd pas de vue
      lobjectif dorigine, dincorporer leurs idées si possible. Persistance,
      patience et «enfiler les souliers des autres», voilà ce qui importe.
      Dans la même veine, Suzanne Bailey a suggéré un transfert de points de vue
      multiples. Au fur et à mesure que les groupes de chaque conseil scolaire commençaient à
      relever un problème devant faire lobjet dune étude au colloque, les
      facilitateurs de la Banque de Montréal devaient les aider à étudier ce problème de
      perspectives diverses. Après avoir écouté le problème, ils tentaient de découvrir de
      quel angle on décrivait le problème.
      En dautres mots, dans quels souliers les représentants des conseils scolaires se
      trouvaient-ils pour décrire leur problème? Léquipe du Conseil scolaire de
      district de la région de York a étudié la question de linclusion des élèves
      ayant des besoins particuliers, directive que le conseil a décidé de mettre en
      uvre.
      Pour les représentants de York, la question était de savoir comment y parvenir.
      Lun des principaux avantages de cette rencontre, daprès Diane Finley,
      surintendante au conseil, tenait dans la présence de personnes de lextérieur du
      monde de léducation qui les ont poussés à aller au-delà des limites établies
      par leur équipe. Au départ, les questions ont mis léquipe du conseil sur la
      défensive, mais éventuellement, il sest dégagé une image plus large, clarifiant
      ainsi lorientation à prendre par léquipe.
      «Breaking Through Change Barriers» et «Facilitating Whole System Change» ont
      encouragé les participants à trouver un certain équilibre dans leur travail. Michael
      Fullan a parlé de limportance de faire le point sur son intelligence émotive pour
      favoriser la compréhension des personnes avec lesquelles nous travaillons, de prendre de
      soi, de son habileté à gérer son humeur, à se motiver et à motiver les autres, ainsi
      que de raffiner son habileté à sidentifier aux autres et à mieux travailler avec
      les autres.
      Tant Fullan que Bailey ont incité les participants aux deux événements à se servir
      de ce que Bailey appelle la «perspective hélicoptère», à garder lil sur
      lensemble de ce qui soffre à nous.
      Fullan a fait une mise en garde  il ne faut pas devenir un organisme du type
      arbre de Noël où il faut saccrocher à toutes les décorations que lon nous
      tend pour que les innovations en viennent à reléguer à larrière-plan le
      caractère même de lorganisme.
      Dans le même ordre didée, Bailey a incité les participants à apprendre à
      faire la différence entre «bruit» et «signal». Le bruit est cacophonique, un signal,
      rythmique. Apprendre à filtrer la différence aide à gérer le changement.
      En dernière analyse, le point de vue de Suzanne Bailey était pratique et axé sur le
      processus où lon cherche des lieux communs plutôt que le consensus. Ses tableaux
      et icônes ont encouragé les participant à remettre en question leurs hypothèses et à
      les mettre dans un contexte renouvelé.
      Michael Fullan et Carol Rolheiser ont tracé la voie de plus en plus familière des
      séries de publications Change Forces et Whats Worth Fighting For
      et ce, dune manière invitante et stimulante. Si, comme le dit ladage grec,
      «La seule constante, cest le changement», les deux événements ont permis de
      mieux préparer les participants à relever les obstacles du changement et à mettre en
      uvre le changement à léchelon du système. 
      Pour avoir plus de renseignements sur le programme de Suzanne Bailey, visitez le
          www.baileyalliance.com. Les ouvrages de Michael Fullan, Change Forces et Sequel
      sont disponibles auprès de Irwin Publishing à Toronto au 1-800-263-7824; la série Whats
      Worth Fighting For est disponible auprès de lElementary Teachers
      Federation of Ontario Teachers au (416) 962-3836 ou au 1-888-838-3836.