de Rosemarie Bahr
Un projet national sur la participation des élèves montre
que ce sont les enseignants et les écoles qui les incitent à participer.
«Les élèves répondent au téléphone de lécole pas parce quils
doivent le faire, mais parce quils sont à côté quand il sonne. Les élèves
tiennent pour acquis quils sont responsables de linstallation dune salle
et des affiches pour une journée sur les professions et effectuent les tâches sans
supervision. Les enfants font souvent "lerreur" dappeler le
concierge "papa". Ils nettoient la classe darts "tout simplement
parce quelle est désordonnée" et rappellent aux autres de ne rien laisser
traîner dans la cour décole. Leurs commentaires les plus fréquents sur
lécole portent sur le fait que "lécole est très sécuritaire" et
"quici, on fait attention aux autres". Bien quil ne soit pas
inhabituel pour des enfants daider les autres à lécole, il nest pas
dans leurs habitudes de voir ce qui doit être fait et de décider de le faire. Cest
là une expression éloquente de leur sentiment que lécole leur appartient.»
- extrait dune étude de cas de NS1
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Murale peinte par les élèves dune école secondaire présentée
dans létude. Véritable source de fierté pour les élèves, elle nest jamais
couverte de graffitis. |
Enseignants, parents, élèves et administrateurs scolaires sont daccord :
ils veulent que les élèves quittent lécole avec lamour dapprendre,
avec de solides amitiés avec leurs pairs et les enseignants, ainsi quavec les
compétences et connaissances dont ils auront besoin pour obtenir un emploi ou suivre des
études postsecondaires.
Certaines écoles réussissent mieux que dautres à créer un milieu où les
élèves apprennent, participent et réussissent. En novembre 1998, un groupe de
chercheurs de lOffice of Research on Educational Policy de lUniversité McGill
a mené un projet sur quatre ans qui leur a permis détudier en détail dix écoles
pas nécessairement les meilleures de cinq provinces pour déterminer quels
facteurs incitaient les élèves à vouloir apprendre et à participer à la vie scolaire.
Le rapport garantissait lanonymat des écoles, des éducateurs et des élèves.
Le facteur le plus surprenant relevé par les chercheurs est limportance de la
participation des élèves au processus décisionnel de lécole. «Limportance
accordée à la perspective de lélève», voilà comment Lynn Butler-Kisber décrit
ce qui est nouveau dans cette recherche. Butler-Kisber, professeure agrégée à la
faculté déducation de McGill, est lune des auteurs de Student Engagement in
Learning and School: National Project Report.
Limportance des relations entre le personnel enseignant et les élèves
représente une autre conclusion, moins surprenante celle-là. Dautres relations
sont essentielles, nommément celles entre membres du personnel enseignant, entre élèves
et celles avec les parents et la communauté.
Le rapport indique aussi que plus lapprentissage est pratique, plus
lélève travaille sur des projets avec les autres, plus lélève a le goût
de participer, moins lapprentissage se fait du haut vers le bas et plus les élèves
veulent participer.
LENSEIGNANT FAIT LANNÉE
«Pour les enseignantes et enseignants, ce qui a réellement surpris, dit Marianna McVey,
ancienne chef du Service central au Conseil de léducation dOttawa-Carleton,
cest que la personne, davantage que lenseignant, semble avoir une influence
beaucoup plus grande sur les élèves que ce que vous essayez de leur enseigner.» McVey a
participé au projet national.
Pendant létude, les élèves ont parlé de leur enseignante ou de leur
enseignant, non du cours de géographie. Ils ont dressé une liste des caractéristiques
dun enseignant intéressant : nous traite comme une personne, nous connaît
comme une personne, est attentionné, nous respecte comme une personne, a un sens de
lhumour.
Voici un exemple donné par un des chercheurs. «Jaimerais que lon arrête
pendant un moment et que lon réfléchisse parce que jai entendu des choses
que je naime pas», dit une enseignante pendant une activité sportive.
Daprès le rapport, lenseignante, tout en faisant preuve dautorité,
sest exprimée dune manière respectueuse envers les élèves et les a
invités à régler le problème. Les chercheurs signalent quun dialogue respectueux
constitue la norme dans cette école. Les élèves nhésitent pas à prendre la
parole. Ils lèvent la main sils ont besoin de plus de temps pour finir quelque
chose, indiquant ainsi quils décident, en partie, du rythme des activités en
classe. Le rapport souligne un autre avantage : les élèves sentent davantage que
leur environnement leur appartient.
À lécole secondaire ontarienne dont il est question dans létude, les
élèves ont défini un «bon» enseignant comme quelquun dont le style comprend
lhumour et la clarté des explications et des attentes pour les devoirs et les
travaux.
À lécole secondaire de lAlberta école intermédiaire plutôt
nouvelle où un groupe de 150 élèves demeurent ensemble avec la même équipe
denseignantes et denseignants pendant trois ans deux élèves de 8e année ont parlé des enseignantes et enseignants qui connaissent bien les élèves.
Lun croyait que cétait utile : «Ils doivent bien me connaître.
Jaime plutôt ça. Ils maident beaucoup sans vraiment me surveiller tout le
temps.»
Son ami, qui sest décrit au chercheur comme nétant pas étranger aux
ennuis, nétait pas du même avis. «Ils me surveillent sans arrêt. Si tu oublies
un devoir, ils te font appeler à la maison
Ils ne me lâchent pas.»
Quand cette école a ouvert ses portes, bon nombre délèves ont admis ne pas
faire preuve de simple courtoisie avec les autres ou le personnel enseignant. En fait, il
y a eu une bagarre générale dans la cour décole le premier jour. Le personnel a
décidé de donner lexemple en se comportant comme il voulait que les autres se
comportent. Ils se sont tenus près des escaliers et des portes de classe chaque matin en
souhaitant la bienvenue aux élèves. Petit à petit, les élèves ont répondu en les
saluant aussi. Le personnel enseignant a collaboré avec les parents et la police pour
aider les élèves à prendre conscience que les leçons apprises à lécole avaient
aussi leur utilité à lextérieur de lécole.
Pour Alan King, ancien directeur du Social Program Evaluation Group à
lUniversité Queens, «Être attentionné et sensible envers les enfants et
reconnaître les moments difficiles revêt une importance extrême, car les enseignants
font partie de ce processus dexclusion qui crée un ensemble denfants
malheureux à lécole.» King mène actuellement une recherche sur les comportements
à risque des adolescents, étude traitée dans larticle-vedette du présent numéro
du magazine.
«Il est impossible de nenseigner quune matière, dit King. Les enfants
répondent à une enseignante ou à un enseignant qui les traite comme des individus et
pas seulement comme quelquun ayant une note dans une matière. Cest pourquoi
la situation à lécole élémentaire est bien meilleure.»
PARTICIPATION PLUS FAIBLE AUX ANNÉES PLUS AVANCÉES
Au Canada, King note une baisse notable de la 6e à la 10e année du degré de
satisfaction envers lécole chez les élèves. Les pays qui évitent le passage aux
écoles axées sur les matières ne vivent pas les mêmes situations.
Létude sur la participation est arrivée à la même conclusion. «La
participation des élèves au secondaire survient presque davantage au-delà de la classe,
précise Butler-Kisber. La classe nest plus votre classe au secondaire. Les élèves
ne restent plus ensemble tout le temps.»
On note la participation dans les corridors, à la cafétéria, au centre de
ressources, dans les laboratoires dinformatique, dans les clubs, les activités
parascolaires et léducation coopérative. Les chercheurs ont conclu que le
sentiment didentité et dappartenance des élèves du secondaire était
davantage susceptible dêtre associé à un programme, comme limmersion
française, la préparation à la vie quotidienne, langlais langue seconde ou
lécole dans lécole, plutôt quà lécole comme telle.
LES MÉTHODES PÉDAGOGIQUES IMPORTENT
En plus du respect des enseignants pour les élèves, des attentes élevées à
leur égard et de lattention quils leur portent comme individus, les méthodes
pédagogiques retenues ont une incidence sur la participation des élèves.
Des études internationales montrent une corrélation négative entre le degré de
satisfaction avec lécole et la nature autoritaire de lenseignement.
Daprès Alan King : «Plus lenseignement vient du haut vers le bas, moins
lélève est susceptible de retirer quoi que ce soit de lécole.»
Bien que le Canada utilise moins lenseignement du haut vers le bas que
dautres pays, le principe est encore visible. Le projet a confirmé que les élèves
participent davantage quand le travail est collectif, sur des projets à long terme et sur
des concepts liés à la vie quotidienne.
Voici un exemple de travail sur des concepts de la vie des élèves décrit dans
létude de cas dune école élémentaire de la Nouvelle-Écosse. Cette école,
qui a pour réputation dêtre violente, a un profil socio-économique très
diversifié. Elle propose plusieurs programmes dont «14 jours en décembre». En 1996, on avait retenu le thème "des cadeaux
qui ne sachètent pas".
Au début du programme, le cadet de chaque famille ramène à la maison un paquet
accompagné dun calendrier, dune chandelle et dune invitation pour la
famille à créer une affiche sur la paix. Pendant 14 jours, lécole présente des
thèmes liés à la justice sociale et aux attentions particulières.
Il y a eu la Journée du ruban pourpre où lon sest rappelé le massacre de
Montréal, la Journée de la courtoisie, marquée dans la classe par la lecture,
lécriture, lart et une discussion, et dans lécole par de simples
gestes de courtoisie. À la Journée «je pense aux autres», les élèves avaient fait
des bons à remettre aux parents et amis pour des gestes dentraide et échangeables
par des cadeaux qui ne sachètent pas. On a fait une collecte de dons à
lintention dun abri pour femmes à la Journée du partage. À la Journée de
la communauté, les élèves ont parlé de leur communauté, en ont fait des dessins et
des récits. Les 14 jours se sont terminés par un concert de la paix qui mettaient, entre
autres, en vedette les affiches des familles.
Le rapport souligne que les 14 jours ont favorisé la participation des élèves de
diverses façons. Ils étaient amusants et partaient de situations locales. Ces activités
servent aux communautés moins capables de répondre aux pressions commerciales de Noël.
Au fil des années, la participation des familles est passée de 25 pour 100 à 75 pour
100.
Cette école incorpore aussi des incidents au curriculum. Le rapport présente
lun de ces incidents un vol à létalage comme ayant servi à
lintégration des mathématiques et dautres matières. Des élèves ont été
trouvés coupables du vol de verres fumés dans une pharmacie locale. Lécole a
téléphoné et écrit aux parents. Le groupe sest aussi rendu, avec la
directrice adjointe, au magasin pour négocier le remboursement de la perte. Ils ont
étudié les conséquences du vol à létalage et trouvé quelle marchandise avait
été volée et son prix.
ÉLÈVE, PARENT ET COMMUNAUTÉ
Chez certains élèves, la participation se limite à la salle de classe; ce qui
se passe dans le reste de lécole ne les atteint pas; cest ce que dit le
rapport.
Le rapport cite en exemple un centre communautaire qui se développe à partir de la
négociation de diverses normes, croyances et valeurs. Une école avait décidé
dorganiser des danses après les cours daprès-midi plutôt quen soirée
les week-ends. Cette idée a permis aux filles dun important groupe ethnique
dy assister. Leurs parents les laissent participer aux activités de lécole,
mais pendant les heures scolaires seulement. Lécole a permis la participation de
ces élèves.
Daprès le rapport, plus lécole rattachait du sérieux à la notion que la
participation des élèves narrive pas toute seule, moins les différences étaient
marquées entre la maison et lécole. Dans les écoles où la participation est
forte, la relation entre lécole, les parents et la communauté en général est
forte.
LES ÉLÈVES PRENNENT LES DÉCISIONS
Marianna McVey sattend à ce que des enseignants aient de la difficulté
avec le rôle attribué aux élèves dans le processus décisionnel dont il est question
dans le rapport. «Certains enseignants hésitent fortement à écouter ce que leurs
élèves ont à dire. On perçoit encore lenseignant comme cette personne qui
transmet de linformation et des connaissances. Et beaucoup ont de la difficulté à
reconnaître le fait que les élèves contribuent une somme colossale
dinformation.»
Les auteurs du rapport sont très clairs à cet égard : les élèves doivent
être au cur des décisions. «Nous en avons appris beaucoup, ont écrit les
chercheurs, mais rien daussi convaincant que la réalisation que les élèves sont
capables den faire bien plus et ce, si on leur en donne la possibilité. «Si vous
voulez savoir à quoi ressemble vraiment une école, demandez-le aux enfants» est un
adage qui sest vérifié à maintes reprises.»
Town Hall est un exemple dactivité qui prête une oreille attentive aux
élèves. Town Hall est un programme dans une école élémentaire en Nouvelle-Écosse.
Chaque mois, lensemble des élèves et des membres intéressés de la communauté se
réunissent dans le gymnase de lécole. Cest là une occasion pour tous de
présenter des travaux et de poser des questions.
Chaque année, les premières séances sont organisées et animées par une enseignante
ou un enseignant. Plus tard dans lannée, cette responsabilité passe graduellement
aux élèves. Pour participer, les élèves doivent sinscrire et un comité composé
délèves et denseignants fait la sélection.
Le rapport signale que la participation des élèves au Town Hall est évidente quand
on note «lenthousiasme avec lequel les élèves en apprennent la tenue et
lattention que même les plus jeunes portent au programme. En effet, les enfants
restent aussi calmes pendant les séances que les adultes.»
Daprès le rapport, les enseignants nabandonnent pas leur autorité. Quand
un groupe de filles a voulu chanter une chanson des Spice Girls, lenseignante a
refusé en leur demandant de «lire les paroles, car elles vont à lencontre de tout
ce que nous représentons ici.» Les filles ont commencé à écouter les chansons avec un
esprit plus critique pour finalement en trouver une qui convenait.
PARTICIPER OU NON
Le rapport relève quatre conditions qui permettent à une école de susciter la
participation :
- Le personnel enseignant et de soutien voit les élèves comme étant dignes,
responsables capables et respectueux des normes et valeurs.
- Les élèves ont une image positive deux-mêmes.
- Les méthodes pédagogiques doivent se fonder dans les intérêts locaux et
permettre lexpression des élèves.
- Lécole met en valeur des principes démocratiques universalité,
égalité et réduction de différence évidentes dans le pouvoir.
POUR PARTICIPER
Daprès le rapport, une école qui suscite la participation na rien
à voir avec des ressources plus importantes que ce qui est requis pour offrir une bonne
éducation. Mais il doit y avoir un appui financier suffisant pour que le personnel
enseignant et ladministration ne soient pas contraints à organiser des collectes de
fonds.
Si les élèves doivent être au cur de lécole, et les écoles au
cur du système scolaire, alors, les décideurs et administrateurs doivent devenir
des services dappui au personnel de première ligne, tout spécialement pour les
enseignantes et enseignants qui, en retour, doivent devenir des fournisseurs de services
aux élèves. Le rapport signale que cest cela devrait être
lessence du mouvement de restructuration des écoles.
Ce qui ressort du rapport, tout particulièrement dans les études de cas, cest
quil existe des écoles qui suscitent la participation. Et il semble y avoir une
notion de comportement sous-jacente à cette réussite. Certaines écoles sont dans des communautés marginalisées, suggérant ainsi que ce sont les gens, y compris
les élèves, et le comportement et non les ressources supplémentaires, qui font la
différence.
À PROPOS DU PROJET
Student Engagement in Learning and School Life a commencé quand la J.W.
McConnell Family Foundation a rencontré les chercheurs de lOffice of Research on
Educational Policy de lUniversité McGill. La conversation sest transformée
en un projet de quatre ans qui, avec laide de la Vancouver Foundation, a étudié en
profondeur dix écoles dans cinq provinces.
Le rapport, rendu public en novembre 1998,
compte trois volumes : Student Engagement in Learning and School Life: National
Project Report, 149 pages), de William J. Smith, Lynn Butler-Kisber, Linda J. LaRocque,
John P. Portelli, Carolyn Shields, Carolyn Sturge Sparkes et Ann B. Vibert, et
deux volumes détudes de cas.
Les enseignantes et enseignants qui ont peu de temps à leur disposition voudront
commencer par les études de cas. Les écoles AB2 (école secondaire en Alberta) et NS1
(école élémentaire en Nouvelle-Écosse) ainsi que deux écoles de lOntario
représentent de bons points de départ. Vous pouvez télécharger le rapport du site web
de lOREP (www.cel.mcgill.ca/orep/) ou lemprunter de la bibliothèque de
lOrdre.
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