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Septembre 1999

Participer à l’apprentissage


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de Rosemarie Bahr

Un projet national sur la participation des élèves montre que ce sont les enseignants et les écoles qui les incitent à participer.

«Les élèves répondent au téléphone de l’école pas parce qu’ils doivent le faire, mais parce qu’ils sont à côté quand il sonne. Les élèves tiennent pour acquis qu’ils sont responsables de l’installation d’une salle et des affiches pour une journée sur les professions et effectuent les tâches sans supervision. Les enfants font souvent "l’erreur" d’appeler le concierge "papa". Ils nettoient la classe d’arts "tout simplement parce qu’elle est désordonnée" et rappellent aux autres de ne rien laisser traîner dans la cour d’école. Leurs commentaires les plus fréquents sur l’école portent sur le fait que "l’école est très sécuritaire" et "qu’ici, on fait attention aux autres". Bien qu’il ne soit pas inhabituel pour des enfants d’aider les autres à l’école, il n’est pas dans leurs habitudes de voir ce qui doit être fait et de décider de le faire. C’est là une expression éloquente de leur sentiment que l’école leur appartient.»

- extrait d’une étude de cas de NS1

engagi15.jpg (10438 bytes) Murale peinte par les élèves d’une école secondaire présentée dans l’étude. Véritable source de fierté pour les élèves, elle n’est jamais couverte de graffitis.

Enseignants, parents, élèves et administrateurs scolaires sont d’accord : ils veulent que les élèves quittent l’école avec l’amour d’apprendre, avec de solides amitiés avec leurs pairs et les enseignants, ainsi qu’avec les compétences et connaissances dont ils auront besoin pour obtenir un emploi ou suivre des études postsecondaires.

Certaines écoles réussissent mieux que d’autres à créer un milieu où les élèves apprennent, participent et réussissent. En novembre 1998, un groupe de chercheurs de l’Office of Research on Educational Policy de l’Université McGill a mené un projet sur quatre ans qui leur a permis d’étudier en détail dix écoles – pas nécessairement les meilleures – de cinq provinces pour déterminer quels facteurs incitaient les élèves à vouloir apprendre et à participer à la vie scolaire. Le rapport garantissait l’anonymat des écoles, des éducateurs et des élèves.

Le facteur le plus surprenant relevé par les chercheurs est l’importance de la participation des élèves au processus décisionnel de l’école. «L’importance accordée à la perspective de l’élève», voilà comment Lynn Butler-Kisber décrit ce qui est nouveau dans cette recherche. Butler-Kisber, professeure agrégée à la faculté d’éducation de McGill, est l’une des auteurs de Student Engagement in Learning and School: National Project Report.

L’importance des relations entre le personnel enseignant et les élèves représente une autre conclusion, moins surprenante celle-là. D’autres relations sont essentielles, nommément celles entre membres du personnel enseignant, entre élèves et celles avec les parents et la communauté.

Le rapport indique aussi que plus l’apprentissage est pratique, plus l’élève travaille sur des projets avec les autres, plus l’élève a le goût de participer, moins l’apprentissage se fait du haut vers le bas et plus les élèves veulent participer.

L’ENSEIGNANT FAIT L’ANNÉE
«Pour les enseignantes et enseignants, ce qui a réellement surpris, dit Marianna McVey, ancienne chef du Service central au Conseil de l’éducation d’Ottawa-Carleton, c’est que la personne, davantage que l’enseignant, semble avoir une influence beaucoup plus grande sur les élèves que ce que vous essayez de leur enseigner.» McVey a participé au projet national.

Pendant l’étude, les élèves ont parlé de leur enseignante ou de leur enseignant, non du cours de géographie. Ils ont dressé une liste des caractéristiques d’un enseignant intéressant : nous traite comme une personne, nous connaît comme une personne, est attentionné, nous respecte comme une personne, a un sens de l’humour.

Voici un exemple donné par un des chercheurs. «J’aimerais que l’on arrête pendant un moment et que l’on réfléchisse parce que j’ai entendu des choses que je n’aime pas», dit une enseignante pendant une activité sportive. D’après le rapport, l’enseignante, tout en faisant preuve d’autorité, s’est exprimée d’une manière respectueuse envers les élèves et les a invités à régler le problème. Les chercheurs signalent qu’un dialogue respectueux constitue la norme dans cette école. Les élèves n’hésitent pas à prendre la parole. Ils lèvent la main s’ils ont besoin de plus de temps pour finir quelque chose, indiquant ainsi qu’ils décident, en partie, du rythme des activités en classe. Le rapport souligne un autre avantage : les élèves sentent davantage que leur environnement leur appartient.

À l’école secondaire ontarienne dont il est question dans l’étude, les élèves ont défini un «bon» enseignant comme quelqu’un dont le style comprend l’humour et la clarté des explications et des attentes pour les devoirs et les travaux.

À l’école secondaire de l’Alberta – école intermédiaire plutôt nouvelle où un groupe de 150 élèves demeurent ensemble avec la même équipe d’enseignantes et d’enseignants pendant trois ans – deux élèves de 8e année ont parlé des enseignantes et enseignants qui connaissent bien les élèves. L’un croyait que c’était utile : «Ils doivent bien me connaître. J’aime plutôt ça. Ils m’aident beaucoup sans vraiment me surveiller tout le temps.»

Son ami, qui s’est décrit au chercheur comme n’étant pas étranger aux ennuis, n’était pas du même avis. «Ils me surveillent sans arrêt. Si tu oublies un devoir, ils te font appeler à la maison… Ils ne me lâchent pas.»

Quand cette école a ouvert ses portes, bon nombre d’élèves ont admis ne pas faire preuve de simple courtoisie avec les autres ou le personnel enseignant. En fait, il y a eu une bagarre générale dans la cour d’école le premier jour. Le personnel a décidé de donner l’exemple en se comportant comme il voulait que les autres se comportent. Ils se sont tenus près des escaliers et des portes de classe chaque matin en souhaitant la bienvenue aux élèves. Petit à petit, les élèves ont répondu en les saluant aussi. Le personnel enseignant a collaboré avec les parents et la police pour aider les élèves à prendre conscience que les leçons apprises à l’école avaient aussi leur utilité à l’extérieur de l’école.

Pour Alan King, ancien directeur du Social Program Evaluation Group à l’Université Queen’s, «Être attentionné et sensible envers les enfants et reconnaître les moments difficiles revêt une importance extrême, car les enseignants font partie de ce processus d’exclusion qui crée un ensemble d’enfants malheureux à l’école.» King mène actuellement une recherche sur les comportements à risque des adolescents, étude traitée dans l’article-vedette du présent numéro du magazine.

«Il est impossible de n’enseigner qu’une matière, dit King. Les enfants répondent à une enseignante ou à un enseignant qui les traite comme des individus et pas seulement comme quelqu’un ayant une note dans une matière. C’est pourquoi la situation à l’école élémentaire est bien meilleure.»

PARTICIPATION PLUS FAIBLE AUX ANNÉES PLUS AVANCÉES
Au Canada, King note une baisse notable de la 6e à la 10e année du degré de satisfaction envers l’école chez les élèves. Les pays qui évitent le passage aux écoles axées sur les matières ne vivent pas les mêmes situations.

L’étude sur la participation est arrivée à la même conclusion. «La participation des élèves au secondaire survient presque davantage au-delà de la classe, précise Butler-Kisber. La classe n’est plus votre classe au secondaire. Les élèves ne restent plus ensemble tout le temps.»

On note la participation dans les corridors, à la cafétéria, au centre de ressources, dans les laboratoires d’informatique, dans les clubs, les activités parascolaires et l’éducation coopérative. Les chercheurs ont conclu que le sentiment d’identité et d’appartenance des élèves du secondaire était davantage susceptible d’être associé à un programme, comme l’immersion française, la préparation à la vie quotidienne, l’anglais langue seconde ou l’école dans l’école, plutôt qu’à l’école comme telle.

LES MÉTHODES PÉDAGOGIQUES IMPORTENT
En plus du respect des enseignants pour les élèves, des attentes élevées à leur égard et de l’attention qu’ils leur portent comme individus, les méthodes pédagogiques retenues ont une incidence sur la participation des élèves.

Des études internationales montrent une corrélation négative entre le degré de satisfaction avec l’école et la nature autoritaire de l’enseignement. D’après Alan King : «Plus l’enseignement vient du haut vers le bas, moins l’élève est susceptible de retirer quoi que ce soit de l’école.»

Bien que le Canada utilise moins l’enseignement du haut vers le bas que d’autres pays, le principe est encore visible. Le projet a confirmé que les élèves participent davantage quand le travail est collectif, sur des projets à long terme et sur des concepts liés à la vie quotidienne.

Voici un exemple de travail sur des concepts de la vie des élèves décrit dans l’étude de cas d’une école élémentaire de la Nouvelle-Écosse. Cette école, qui a pour réputation d’être violente, a un profil socio-économique très diversifié. Elle propose plusieurs programmes dont «14 jours en décembre». En 1996, on avait retenu le thème "des cadeaux qui ne s’achètent pas".

Au début du programme, le cadet de chaque famille ramène à la maison un paquet accompagné d’un calendrier, d’une chandelle et d’une invitation pour la famille à créer une affiche sur la paix. Pendant 14 jours, l’école présente des thèmes liés à la justice sociale et aux attentions particulières.

Il y a eu la Journée du ruban pourpre où l’on s’est rappelé le massacre de Montréal, la Journée de la courtoisie, marquée dans la classe par la lecture, l’écriture, l’art et une discussion, et dans l’école par de simples gestes de courtoisie. À la Journée «je pense aux autres», les élèves avaient fait des bons à remettre aux parents et amis pour des gestes d’entraide et échangeables par des cadeaux qui ne s’achètent pas. On a fait une collecte de dons à l’intention d’un abri pour femmes à la Journée du partage. À la Journée de la communauté, les élèves ont parlé de leur communauté, en ont fait des dessins et des récits. Les 14 jours se sont terminés par un concert de la paix qui mettaient, entre autres, en vedette les affiches des familles.

Le rapport souligne que les 14 jours ont favorisé la participation des élèves de diverses façons. Ils étaient amusants et partaient de situations locales. Ces activités servent aux communautés moins capables de répondre aux pressions commerciales de Noël. Au fil des années, la participation des familles est passée de 25 pour 100 à 75 pour 100.

Cette école incorpore aussi des incidents au curriculum. Le rapport présente l’un de ces incidents – un vol à l’étalage – comme ayant servi à l’intégration des mathématiques et d’autres matières. Des élèves ont été trouvés coupables du vol de verres fumés dans une pharmacie locale. L’école a téléphoné et écrit aux parents. Le groupe s’est aussi rendu, avec la directrice adjointe, au magasin pour négocier le remboursement de la perte. Ils ont étudié les conséquences du vol à l’étalage et trouvé quelle marchandise avait été volée et son prix.

ÉLÈVE, PARENT ET COMMUNAUTÉ
Chez certains élèves, la participation se limite à la salle de classe; ce qui se passe dans le reste de l’école ne les atteint pas; c’est ce que dit le rapport.

Le rapport cite en exemple un centre communautaire qui se développe à partir de la négociation de diverses normes, croyances et valeurs. Une école avait décidé d’organiser des danses après les cours d’après-midi plutôt qu’en soirée les week-ends. Cette idée a permis aux filles d’un important groupe ethnique d’y assister. Leurs parents les laissent participer aux activités de l’école, mais pendant les heures scolaires seulement. L’école a permis la participation de ces élèves.

D’après le rapport, plus l’école rattachait du sérieux à la notion que la participation des élèves n’arrive pas toute seule, moins les différences étaient marquées entre la maison et l’école. Dans les écoles où la participation est forte, la relation entre l’école, les parents et la communauté en général est forte.

LES ÉLÈVES PRENNENT LES DÉCISIONS
Marianna McVey s’attend à ce que des enseignants aient de la difficulté avec le rôle attribué aux élèves dans le processus décisionnel dont il est question dans le rapport. «Certains enseignants hésitent fortement à écouter ce que leurs élèves ont à dire. On perçoit encore l’enseignant comme cette personne qui transmet de l’information et des connaissances. Et beaucoup ont de la difficulté à reconnaître le fait que les élèves contribuent une somme colossale d’information.»

Les auteurs du rapport sont très clairs à cet égard : les élèves doivent être au cœur des décisions. «Nous en avons appris beaucoup, ont écrit les chercheurs, mais rien d’aussi convaincant que la réalisation que les élèves sont capables d’en faire bien plus et ce, si on leur en donne la possibilité. «Si vous voulez savoir à quoi ressemble vraiment une école, demandez-le aux enfants» est un adage qui s’est vérifié à maintes reprises.»

Town Hall est un exemple d’activité qui prête une oreille attentive aux élèves. Town Hall est un programme dans une école élémentaire en Nouvelle-Écosse. Chaque mois, l’ensemble des élèves et des membres intéressés de la communauté se réunissent dans le gymnase de l’école. C’est là une occasion pour tous de présenter des travaux et de poser des questions.

Chaque année, les premières séances sont organisées et animées par une enseignante ou un enseignant. Plus tard dans l’année, cette responsabilité passe graduellement aux élèves. Pour participer, les élèves doivent s’inscrire et un comité composé d’élèves et d’enseignants fait la sélection.

Le rapport signale que la participation des élèves au Town Hall est évidente quand on note «l’enthousiasme avec lequel les élèves en apprennent la tenue et l’attention que même les plus jeunes portent au programme. En effet, les enfants restent aussi calmes pendant les séances que les adultes.»

D’après le rapport, les enseignants n’abandonnent pas leur autorité. Quand un groupe de filles a voulu chanter une chanson des Spice Girls, l’enseignante a refusé en leur demandant de «lire les paroles, car elles vont à l’encontre de tout ce que nous représentons ici.» Les filles ont commencé à écouter les chansons avec un esprit plus critique pour finalement en trouver une qui convenait.

PARTICIPER OU NON
Le rapport relève quatre conditions qui permettent à une école de susciter la participation :

  • Le personnel enseignant et de soutien voit les élèves comme étant dignes, responsables capables et respectueux des normes et valeurs.
  • Les élèves ont une image positive d’eux-mêmes.
  • Les méthodes pédagogiques doivent se fonder dans les intérêts locaux et permettre l’expression des élèves.
  • L’école met en valeur des principes démocratiques – universalité, égalité et réduction de différence évidentes dans le pouvoir.

POUR PARTICIPER
D’après le rapport, une école qui suscite la participation n’a rien à voir avec des ressources plus importantes que ce qui est requis pour offrir une bonne éducation. Mais il doit y avoir un appui financier suffisant pour que le personnel enseignant et l’administration ne soient pas contraints à organiser des collectes de fonds.

Si les élèves doivent être au cœur de l’école, et les écoles au cœur du système scolaire, alors, les décideurs et administrateurs doivent devenir des services d’appui au personnel de première ligne, tout spécialement pour les enseignantes et enseignants qui, en retour, doivent devenir des fournisseurs de services aux élèves. Le rapport signale que c’est – cela devrait être – l’essence du mouvement de restructuration des écoles.

Ce qui ressort du rapport, tout particulièrement dans les études de cas, c’est qu’il existe des écoles qui suscitent la participation. Et il semble y avoir une notion de comportement sous-jacente à cette réussite. Certaines écoles sont dans des communautés marginalisées, suggérant ainsi que ce sont les gens, y compris les élèves, et le comportement et non les ressources supplémentaires, qui font la différence.

À PROPOS DU PROJET
Student Engagement in Learning and School Life a commencé quand la J.W. McConnell Family Foundation a rencontré les chercheurs de l’Office of Research on Educational Policy de l’Université McGill. La conversation s’est transformée en un projet de quatre ans qui, avec l’aide de la Vancouver Foundation, a étudié en profondeur dix écoles dans cinq provinces.

Le rapport, rendu public en novembre 1998, compte trois volumes : Student Engagement in Learning and School Life: National Project Report, 149 pages), de William J. Smith, Lynn Butler-Kisber, Linda J. LaRocque, John P. Portelli, Carolyn Shields, Carolyn Sturge Sparkes et Ann B. Vibert, et deux volumes d’études de cas.

Les enseignantes et enseignants qui ont peu de temps à leur disposition voudront commencer par les études de cas. Les écoles AB2 (école secondaire en Alberta) et NS1 (école élémentaire en Nouvelle-Écosse) ainsi que deux écoles de l‘Ontario représentent de bons points de départ. Vous pouvez télécharger le rapport du site web de l’OREP (www.cel.mcgill.ca/orep/) ou l’emprunter de la bibliothèque de l’Ordre.