de
      Rosemarie Bahr
      
      
Une étude de Santé Canada établit un lien
      entre une attitude négative envers lécole et un large éventail de comportements
      qui posent des risques pour la santé. Pour parler profession présente un avant-goût de
      cette vaste étude faite auprès des élèves.
      
      
«Nos écoles ont bien des atouts et elles sont dans une situation
      plutôt bonne. Même chose du côté des relations avec le personnel enseignant», affirme
      Alan King, professeur, éducateur et chercheur, au sujet des résultats dune grande
      enquête menée en 1998 auprès délèves des 6e, 8e et 10e années de
      lensemble du pays. 
      «Cependant, poursuit-il, il y a un assez grand nombre
      délèves que nous narrivons pas à toucher. Ils voient la vie et
      lécole sous un jour plutôt négatif, ce qui les pousse à adopter des
      comportements néfastes pour eux et pour la société en général.»
      Létude intitulée Tendances dans la santé de la
      jeunesse canadienne relève des problèmes déjà connus, mais également de nouvelles
      difficultés : un grand nombre délèves sèchent des cours, lusage de drogues
      et de tabac est à la hausse, lintimidation est monnaie courante, et bon nombre
      délèves ne se sentent pas en sécurité à lécole. 
      Cette enquête dAlan King, William Boyce et Matthew
      King sera publiée ce mois-ci par Santé Canada. Elle fait partie dune étude
      transnationale de lOrganisation mondiale de la santé, et comprend donc des données
      comparatives avec dautres pays. Les données les plus récentes remontent à 1998 et
      sont comparées à celles de 1990 et 1994.
      Daprès cette étude, les élèves insatisfaits de leur
      vie scolaire en raison dun rendement inférieur aux attentes, de problèmes
      dadaptation et de conflits avec le personnel enseignant et les autres élèves ont
      tendance à se désengager de lécole. Ils fréquentent généralement des amis qui
      partagent cette attitude, et se livrent avec eux à des comportements qui présentent des
      risques pour la santé : ils sèchent des cours, fument, boivent et consomment de la
      drogue. 
      «On a constaté une hausse plutôt spectaculaire de
      lusage de marijuana chez les jeunes de 15 ans», précise Alan King, professeur
      émérite du Social Program Evaluation Group de la faculté déducation de
      lUniversité Queens et membre dun comité du gouvernement de
      lOntario sur la restructuration de léducation au secondaire. 
      Cest lusage du tabac qui a retenu le plus son
      attention. «Le nombre de filles qui fument tous les jours me renverse. Dans notre
      échantillon de 10e année, 23 pour 100 des filles ont pris cette habitude. Ces jeunes se
      sentent désengagées, marginalisées; elles ont le sentiment dêtre dans une
      impasse. Elles forment des clans parfois extrêmes qui, par exemple, aiment les vêtements
      noirs et les perçages. Dautres se contentent de se réunir pour fumer et faire la
      fête.»
      
LE CHOIX DES ÉLÈVES
      
«Ce mode de vie, ajoute-t-il, est un choix. Avec tout ce quon connaît des
      effets du tabac, quest-ce qui peut bien pousser un jeune à fumer? Sans doute une
      insatisfaction profonde à légard de ses relations avec son entourage.»
      Daprès lenquête, plus de la moitié des
      élèves canadiens sont relativement satisfaits de lécole, bien que le degré de
      satisfaction baisse au fil des ans. Ainsi, les élèves plus âgés étaient davis
      que le personnel enseignant semblait leur accorder moins dintérêt en tant que
      personnes.
      Selon les auteurs, lorsque le personnel enseignant doit se
      concentrer sur les diverses matières et enseigner à un plus grand nombre délèves
      par jour, comme cest le cas à lécole secondaire, il est moins en mesure de
      donner aux élèves le temps et lattention dont ils ont besoin.
      Pourtant, la grande majorité des élèves, quelle que soit
      leur année détudes, affirment quils peuvent obtenir de laide
      supplémentaire de leur enseignante ou enseignant au besoin.
      Lenquête révèle que les élèves qui ont une
      attitude positive envers lécole sont susceptibles dentretenir de bons
      rapports avec leurs parents et déviter le tabac, lalcool et la drogue.
      Lenquête de 1998 a révélé que 23 pour 100 des
      filles de 10e année fumaient tous les jours. Deux tiers des filles et 61 pour 100 des
      garçons de cette année détudes avaient fumé au moins une cigarette.
      À partir des années 70, époque où la population a été
      sensibilisée aux dangers du tabac, le taux dusage du tabac a baissé
      progressivement jusquen 1990. Cependant, malgré la publicité et les programmes
      antitabac, il augmente depuis chez les adolescents.
      Les élèves qui se livrent à un comportement à risque sont
      plus susceptibles den adopter dautres. Parmi les fumeurs quotidiens de 10e      année, 90 pour 100 avaient également consommé de la marijuana. 
      Comme on consomme de lalcool dans la plupart des foyers
      canadiens, il nest pas étonnant de constater que daprès lenquête, 90
      pour 100 des élèves de 10e année en avaient déjà pris. Par contre, le nombre
      délèves qui boivent toutes les semaines est en baisse. Par exemple, en 1994, 30
      pour 100 des garçons de 10e année prenaient de la bière au moins une fois par semaine. 
      En 1998, cette proportion nétait plus que de 18 pour
      100. Pour les garçons de 6e année, ces pourcentages étaient de sept et deux pour cent. 
      Cependant, en 1998, 43 pour 100 des garçons et des filles de
      10e année avaient été «complètement ivres» au moins deux fois. Comme le soulignent
      les auteurs, ce comportement pourrait représenter un grave problème. Cest à cet
      âge que commencent à conduire ces jeunes qui, théoriquement, nont pas le droit de
      consommer de lalcool. En outre, labus dalcool peut donner lieu à des
      grossesses non désirées, à des maladies transmises sexuellement et à des accidents.
      La consommation de bière a peut-être baissé en raison de
      lusage accru de marijuana chez les jeunes. En effet, lenquête a révélé une
      augmentation considérable de lusage de hachisch et de marijuana de 1994 à 1998.
      En 1998, 44 pour 100 des garçons et 41 pour 100 des filles
      de 10e année avaient consommé de la marijuana au moins trois fois, par rapport à 30
      pour 100 et 27 pour 100 en 1994. 
      Lusage de solvants présente une légère hausse chez
      les élèves de 8e année et les garçons de 10e année. Lusage de cocaïne,
      damphétamines et de LSD augmente également.
      
SÉCHER DES COURS : UN SIGNE DE DÉSENGAGEMENT
      
Lenquête a permis de constater quun nombre étonnant
      délèves, filles et garçons, sèchent des cours, même les plus jeunes.
      Les enquêteurs ont ajouté la question sur le séchage de
      cours à lenquête de 1998 en supposant que sécher des cours permet aux amis de se
      rencontrer dans un milieu propice à la consommation de tabac, de drogues et
      dalcool. 
      En 6e année, 29 pour 100 des garçons avaient séché des
      cours, 11 pour 100 pendant trois jours ou plus et 18 pour 100 pendant un ou deux jours.
      Chez les filles, 17 pour 100 avaient séché des cours pendant un ou deux jours, et huit
      pour 100 pendant trois jours ou plus. En 10e année, 21 pour 100 des garçons avaient
      séché des cours pendant un ou deux jours et 22 pour 100 pendant trois jours ou plus.
      Vingt-quatre pour cent des filles avaient séché des cours pendant un ou deux jours et 20
      pour 100 pendant au moins trois jours.
      Daprès lenquête, plus les élèves séchaient
      des cours, plus ils étaient susceptibles de fréquenter des fumeurs, des buveurs et des
      usagers de drogue et davoir fumé, consommé de lalcool ou de la drogue
      eux-mêmes. Les élèves qui séchaient des cours étaient également plus susceptibles de
      mal sentendre avec leurs parents et leur entourage à lécole. En
      dautres mots, sécher des cours semble un indicateur de marginalisation et de
      désengagement.
      
LINSÉCURITÉ À LÉCOLE
      
La sécurité est un autre sujet mentionné pour la première fois dans
      lenquête de 1998. Onze pour cent des garçons de 6e année ne se sentaient pas en
      sécurité à lécole. Dix pour cent des garçons de 9e année ont dit que leurs
      amis portaient une arme. La plupart ont affirmé quils le faisaient pour se
      protéger. Ces pourcentages sont faibles, mais ils ne sont pas négligeables.
      Des questions sur lintimidation ont été posées en
      1994 et 1998, une augmentation ayant été constatée en 1998. Les garçons sont plus
      susceptibles dêtre victimes et auteurs dintimidation, bien quon relève
      une proportion semblable de victimes chez les filles de 10e année.
      Daprès lenquête, lintimidation demeure un
      problème sérieux. Les victimes sont plus susceptibles de se sentir rejetées et
      malheureuses et de présenter une baisse de lestime de soi. Elles sont également
      plus susceptibles de faire elles-mêmes de lintimidation. 
      Les élèves qui intimident leurs camarades sont
      généralement un peu plus vieux que ces derniers et ont des problèmes scolaires. Ils
      sont également plus susceptibles de fumer, de boire ou de prendre de la drogue, ainsi que
      davoir été eux-mêmes victimes dintimidation. 
      
LES BONS AMIS... ET LES MAUVAIS
      
Lenquête souligne que lintégration sociale, cest-à-dire le
      fait davoir des amis, est une arme à deux tranchants. Selon elle,
      lintégration sociale est essentielle à la bonne santé et au bonheur. Les élèves
      qui se classaient bien sur léchelle dintégration étaient moins susceptibles
      de se sentir déprimés, impuissants ou vulnérables à lintimidation. Ils étaient
      plus susceptibles davoir une bonne estime de soi et daimer lécole. 
      En outre, selon lenquête, certains élèves passent
      beaucoup de temps avec leurs amis en soirée. Un tiers des garçons de 13 ans passaient au
      moins cinq soirées par semaine avec leurs amis. 
      Ces élèves sont généralement bien intégrés socialement.
      Cependant, ils sont également susceptibles davoir des amis qui boivent, fument et
      prennent de la drogue, et de fumer, boire, consommer de la drogue et sécher des cours
      eux-mêmes. Enfin, ils ont tendance à avoir une attitude négative envers lécole
      et à intimider leurs camarades.
      Environ le quart des élèves passaient cinq soirées ou plus
      par semaine avec leurs amis, un peu plus quen 1994. Le plus souvent, ils
      nétaient pas supervisés. Cest pendant ces périodes, daprès le
      rapport, que «les comportements à risque pour la santé sont susceptibles de se
      produire». Donc, cest quand les jeunes sortent avec leurs amis quils risquent
      de fumer, de boire ou de prendre de la drogue.
      «Selon les données, les jeunes ne passent pas beaucoup de
      temps avec leurs parents, souligne King. Un nombre étonnamment élevé commencent à
      sortir avec leurs amis, sans supervision, à un très jeune âge. Nos enfants passent
      moins de temps avec leurs parents et sont légèrement moins susceptibles
      dentretenir des rapports ouverts avec eux que ceux dautres pays.»
      Lenquête révèle également que relativement peu
      délèves se livrent à des comportements à risque pour la santé lorsquils
      ne sont pas associés à un groupe de jeunes portés à prendre des risques.
      «Lune des principales constatations de cette étude,
      ajoute King, réside dans le fait que les jeunes nont pas tous le même statut dans
      les écoles. Certains sont appréciés, dautres le sont moins. Ces derniers sont
      plus susceptibles dadopter des comportements à risque pour la santé. Il y a donc
      un système social dont lécole est le reflet, peut-être de façon plus évidente
      que dans la société adulte. Aller à luniversité et obtenir un diplôme de
      médecine ou de droit, ça rapporte plus que de quitter lécole et de travailler
      dans un centre commercial.»
      King et ses collaborateurs concluent à léchec relatif
      de la plupart des programmes visant à enrayer lintimidation, le tabagisme et
      lusage dalcool et de drogue. Selon eux, il faut adopter une démarche
      intégrée et systémique qui fait intervenir le foyer, lécole, les camarades et la
      collectivité.
      Leur rapport suggère aux écoles demployer des
      méthodes denseignement et dapprentissage axées sur linteraction
      sociale et le perfectionnement. Un programme dactivités parascolaires variées
      établi en fonction des intérêts des élèves, la formation de classes titulaires
      stables et des programmes dencadrement aideraient bien des élèves du secondaire à
      échapper à lisolement social dans lequel ils se trouvent. Les auteurs suggèrent
      également aux parents dorganiser à la maison des activités amusantes et saines
      pour leurs enfants et leurs amis. 
      King souligne que les écoles devraient faire en sorte que
      tous les jeunes se sentent acceptés. «Il faut prévoir non seulement des programmes
      détudes, mais également des programmes parascolaires visant à répondre aux
      besoins de tous les jeunes.»
      «Il sagit pour lécole, surtout au palier
      secondaire, de savoir comment sy prendre, ajoute-t-il. Elle doit aider les jeunes à
      sorienter vers différents cheminements de carrière, et cest là un processus
      très délicat quil faut entreprendre de façon réfléchie. Il est non seulement
      irréaliste, mais néfaste dattendre de tous les jeunes quils aillent à
      luniversité. Parmi les changements que jaimerais voir adoptés, il faudrait
      assurer un soutien accru de la part du personnel enseignant et des conseillers, et une
      meilleure participation des parents.» 
      Pour obtenir un exemplaire de létude Tendances
      dans la santé de la jeunesse canadienne, adressez-vous à 
      www.hc-sc.gc.ca/hppb/enfance-jeunesse/index.html.