Dans le nord de lOntario, les
enseignantes et enseignants doivent relever de nombreux défis : grandes distances à
parcourir, rareté des ressources et des activités de perfectionnement professionnel,
préparations de cours nombreuses et, sils enseignent en français, la difficulté
de faire parler les élèves en français.
dAnne Sophie Leduc
Irène Clermont, enseignante originaire de Timmins, revient de Moosonee où elle a
enseigné pendant quatre mois à une classe regroupant des élèves de six années
détudes différentes.
Malgré lisolement et les longues heures de travail quotidiennes requises pour
compléter la préparation de tous les cours, elle dit navoir pas manqué de
ressources pédagogiques. Sa classe était équipée dun télécopieur, dun
téléphone et dun photocopieur, en plus de films et de musique en français.
Le plus grand obstacle, cest celui de lutilisation de la langue française
dans la classe. Plusieurs élèves ne parlent français quà lécole.
«Linfluence de langlais prédomine. Il faut vraiment créer des moyens de
mettre en valeur la culture de langue française. Il faut que les élèves plus vieux
interviennent auprès des plus jeunes.» Selon elle, les enseignantes et enseignants
doivent trouver des activités qui incitent les enfants à parler en français à
lextérieur de la salle de classe.
Cest aussi lavis de Lise Gadoury, directrice de léducation au
Conseil scolaire de district catholique Franco-Nord à North Bay. «Les enseignantes et
enseignants nont pas les mêmes défis à relever selon les régions», dit-elle.
Elle a commencé à enseigner à Kapuskasing avant de sinstaller à North Bay. Selon
elle, le défi linguistique est plus facile à relever dans une région où le français
est la langue dusage à la maison.
Daprès Lise Gadoury, le rôle dun directeur de léducation dun
conseil de langue française est aussi de sassurer de la qualité de
léducation et ce, malgré une relative pénurie de matériel scolaire en français.
«Il y a moins de choix en français, précise-t-elle. Parfois, les ouvrages proposés par
les maisons dédition ne correspondent pas aux exigences des programmes-cadres. Ce
marché nest pas rentable en Ontario.»
Marcelle Donnelly a passé cinq ans à North Bay à titre de conseillère pédagogique.
Elle aussi considère que la préservation de la langue constitue un défi de taille dans
la région et que les enseignantes et enseignants doivent travailler avec un minimum de
ressources. «Les élèves sont vraiment anglicisés dans la région. On essaie de
répondre aux exigences du curriculum avec des élèves qui ne parlent le français
quà lécole. Les élèves manquent de vocabulaire. Ils ont parfois peine à
comprendre ce quon dit.»
Donnelly affirme cependant que le manque de ressources en français est commun à toute
la province et que la situation géographique importe peu dans ce cas. «Laccès
limité aux ressources est généralisé, ajoute-t-elle, mais cest là la réalité
dune minorité.»
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL
Les enseignantes et enseignants du nord ontarien doivent relever un autre défi, tout
aussi difficile celui-là, soit celui du perfectionnement professionnel. Contrairement à
leurs collègues des grands centres du sud de la province, ils doivent franchir de grandes
distances pour suivre un cours.
Hélène Koscielniak, surintendante au Conseil scolaire de district catholique des
Grandes-Rivières, est responsable des Services consultatifs de langue française de la
région. Ce programme provincial destiné à aider les enseignantes et enseignants de
langue française à se perfectionner compte cinq conseillers pédagogiques dont le
travail est coordonné par le Réseau de formation et de programmation du Nord-Est. Ces
personnes appuient le travail des autres conseillers qui uvrent déjà dans les
conseils de langue française du nord-est de lOntario.
Les conseillers traversent la région de long en large pour tenir des séances de
formation. «Il faut sortir les enseignantes et enseignants de la salle de classe pour les
former, dit-elle. Il faut leur laisser le temps de lire un nouveau programme et de le
comparer avec lancien. Il est difficile de faire de la formation avec quatre
journées pédagogiques par année.»
Comme tant dautres de ses collègues de langue française du nord, elle craint
que cette aide devienne également victime des coupures budgétaires. «Les Services
consultatifs revêtent une importance capitale, dit Koscielniak. Nous profitons au maximum
de lexpertise de ces gens. Il ne faudrait pas quon perde cet outil!»
Lise Gadoury abonde dans le même sens. Elle se dit satisfaite que les conseils de
langue française puissent disposer de lappui des Services consultatifs lan
prochain. Elle admet quand même que la tâche qui incombe aux conseillers est ardue. «La
coordination de la formation demande énormément de travail dans une région si vaste.
Les gens sont continuellement sur la route. Cest épuisant. Il faut établir des
priorités en formation. Il y a tellement de nouveaux programmes et on na pas le
temps de les digérer.»
Daprès Nathalie Jacques, enseignante à Marathon, quand on enseigne à
lélémentaire dans une petite communauté, il faut bien connaître le curriculum
dannées détudes différentes. Le perfectionnement professionnel est
laborieux à organiser dans le nord de la province. «Il faut se déplacer chaque fois et
pour les cours dété, il ny a pas beaucoup de choix.»
MISE EN COMMUN DES RESSOURCES
Il y a cependant des avantages à travailler dans une vaste région parsemée de
petites ou moyennes communautés. À Marathon, le corps enseignant a organisé un système
demprunt afin de mettre en commun leurs ressources. À North Bay, Gadoury avoue que,
même si léloignement se fait parfois ressentir, cette situation rapproche beaucoup
les éducatrices et éducateurs. Entre conseils francophones de la province, la
coopération est grande. Les directrices et directeurs se rencontrent régulièrement pour
mettre en commun idées, projets, ressources et demandes de subvention.
Selon Donnelly, il y a heureusement un grand nombre de très bons enseignants et
enseignantes francophones dans la région. «On essaie de rehausser la qualité de la
langue, cest stimulant, il y a de lactivité. Ça donne un cachet spécial à
notre communauté. Ce nest pas difficile davoir du personnel de qualité qui
reste dans la région.»
Malheureusement, il nen est pas de même partout. Hélène Koscielniak, elle,
déplore le fait que les bons enseignants et enseignantes quittent la région de
Kapuskasing. «Nous devons constamment former les gens qui arrivent. Cest la même
chose pour la direction décole. Les gens sont à lâge de la retraite ou ils
trouvent des postes ailleurs. Cest un perpétuel recommencement.»