Les programmes universels dans les
écoles ont des effets modérés mais qui touchent un grand nombre délèves. Les
parents et le personnel enseignant ont remarqué une réduction des comportements
perturbateurs.
de Johanna Brand
Aider les enfants à mieux lire contribuera à les tenir à lécart des
bandes de jeunes.
Une recherche parrainée par lInstitut canadien des recherches avancées, qui a
fait lobjet dun article dans le dernier numéro de Pour parler profession,
a montré que cest de la maternelle à la 4e année que lon a les
meilleures chances de contrôler la violence chez les adolescents. Voici les résultats
dune étude menée pendant six ans par une équipe de recherche de
lUniversité McMaster, Aider les enfants à sadapter, qui propose
quelques réponses concernant le programme ou la combinaison de programmes les plus
susceptibles daider les jeunes enfants ayant des troubles de comportement
manifestes.
Létude portait sur deux groupes denfants, ceux qui ont des comportements
asociaux et trop agressifs et ceux qui sont trop complaisants et soumis, ce qui fait
deux des victimes en puissance.
Des deux groupes, les enfants extrêmement agressifs ont été davantage étudiés. La
recherche a démontré que les lacunes au plan de la socialisation peuvent masquer
dautres talents et transformer en décrocheurs des élèves qui pourraient briller.
Les enfants incapables de contrôler leurs pulsions agressives risquent fort davoir
de piètres résultats scolaires. Ils seront rejetés par les autres enfants et se
retrouveront sur la pente descendante du manque destime de soi, du rendement
scolaire médiocre et de la solitude.
QUI SE RESSEMBLE SASSEMBLE
Pour combattre leur isolement, les enfants agressifs cherchent souvent la compagnie de
leurs semblables et commencent à former des bandes. Ces bandes existent dès la
maternelle ou le jardin denfants et persistent jusquau secondaire où elles
peuvent poser un problème social réel.
On en sait moins sur les enfants trop soumis, mais on estime généralement queux
aussi souffrent de lacunes au plan de la socialisation et des effets négatifs du rejet
par leurs camarades.
Selon les chercheurs, il faut intervenir dès la petite enfance, car cest à ce
moment quon a les meilleures chances de mettre fin à ce cercle vicieux. Ils
estiment en outre quune intervention portant à la fois sur la socialisation et les
matières scolaires donnera les meilleurs résultats.
Aussi appelée étude triministérielle, Aider les enfants à sadapter est
subventionnée par le ministère de lÉducation et de la Formation, le ministère de
la Santé et le ministère des Services sociaux et communautaires. Léquipe de
recherche travaillait au Centre détudes des enfants à risque Chedoke-McMaster. Les
dix conseils scolaires ontariens qui ont pris part à la recherche ont également fourni
des fonds. En tout, cinquante écoles situées dans diverses régions de la province ont
participé à létude.
Aider les enfants à sadapter proposait aux écoles un programme visant à
enseigner aux enfants de la maternelle, du jardin denfants et des premières années
du palier élémentaire certaines aptitudes sociales, ainsi quun autre programme
axé surtout sur la lecture, mais ayant une composante visant la socialisation. Un
troisième volet du programme, sadressant aux parents, a été abandonné en cours
de route en raison de la difficulté dassurer la participation des parents.
LE MILIEU IDÉAL : LÉCOLE
«Il ny a pas de meilleur endroit que lécole pour joindre tous les
enfants», a déclaré Joel Hundert, psychologue et directeur du service de consultation
sur les thérapies du comportement de lhôpital Chedoke-McMaster. Hundert enseigne
également à lUniversité McMaster et était lun des principaux chercheurs de
létude.
Les budgets étant réduits dans de nombreux secteurs dactivités, il est
difficile dobtenir une aide individuelle pour les enfants mésadaptés. Les
cliniques ont de longues listes dattente et dans les classes, le personnel
enseignant dispose de moins de ressources pour le seconder, a expliqué Hundert. En outre,
les programmes individuels ne peuvent agir sur la dynamique des interactions au sein du
groupe, ce qui est un élément important dans le développement du comportement de
lenfant.
Les programmes mis à lessai étaient intégrés à la routine quotidienne de la
classe et prévoyaient la participation de tous les enfants, de sorte quils puissent
profiter non seulement aux enfants gravement mésadaptés mais aussi à ceux qui, ayant
des troubles moins graves, nauraient droit à aucune forme daide.
Selon Hundert, les enseignants peuvent jouer un rôle important dans la modification du
comportement des enfants mésadaptés. Il ajoute cependant quils sont peu conscients
de leur influence.
LES ENSEIGNANTS SONT DÉBORDÉS
«Jai limpression que les enseignantes et enseignants sont débordés par
la gestion du comportement des enfants. Ils disent passer le tiers de leur temps à gérer
la classe. Cest une tâche pour laquelle ils nont pas nécessairement la
formation voulue et ils se sentent souvent frustrés et dépassés.»
Les deux programmes utilisés à lécole avaient beaucoup en commun. Dans les
deux cas, les enseignantes et enseignants participant à létude ont reçu une
solide formation avant le début du programme. Ils ont également reçu lappui
dun animateur durant toute létude. Ils avaient également des réunions
régulières pour discuter de la mise en uvre du programme et des stratégies de
résolution de problèmes.
Les programmes favorisaient le travail déquipe et léchange didées,
non seulement entre les enseignantes et enseignants, mais aussi entre les écoles et les
conseils scolaires. Dans le cadre du programme, le personnel des écoles participantes
devait examiner et évaluer sa façon daborder la socialisation des enfants et
lenseignement de la lecture dans leur école.
Les programmes étaient structurés de façon à ce que les enfants acquièrent les
aptitudes sociales et les compétences en lecture de la même façon quils
apprennent un sport. Ils apprenaient les étapes du développement de chaque compétence
et recevaient récompenses et félicitations sils utilisaient les compétences
acquises.
LIAISON AVEC LES PARENTS
De plus, les deux programmes prévoyaient des liens avec les parents. La recherche
démontre que la participation des parents est essentielle. Si lon veut modifier le
comportement dun enfant, il faut que le message soit le même à la maison
quà lécole. On a expliqué le programme aux parents par des rencontres
dinformation ou par une documentation écrite expliquant ce qui se passait à
lécole. On leur demandait aussi dobserver le comportement de leur enfant et
de récompenser les compétences acquises.
Le programme de socialisation visait principalement à enseigner aux enfants comment
écouter les autres, comment éviter les querelles et comment partager. On mettait
laccent sur chacune des compétences pendant une période de deux à quatre
semaines.
La journée commençait par une leçon sur une aptitude sociale. Il pouvait sagir
dun jeu de rôle et dune discussion sur les étapes dune aptitude
particulière, sur le partage, par exemple. Les jeux de rôle étaient dabord
animés par lenseignante ou lenseignant et une personne-ressource, mais plus
tard les enfants étaient invités à y participer pour illustrer laptitude en
vedette. À la maternelle et au jardin denfants, un spectacle de marionnettes
remplaçait les jeux de rôle.
La journée se terminait aussi par une période consacrée aux aptitudes sociales.
Lenseignante ou lenseignant et les enfants discutaient de quand et comment ils
avaient utilisé les aptitudes et si ça avait fonctionné.
Lenseignante ou lenseignant disposait dun certain nombre daides
visuelles, comme des cartes portant des mots et des images et un insigne dhonneur
arborant un soleil. Chaque jour, cinq enfants recevaient linsigne et, ce jour-là,
lenseignant ou lenseignante leur portait une attention spéciale, les
félicitait chaque fois quils mettaient la compétence en pratique. De cette façon,
chaque enfant devenait à son tour le centre dattention de lenseignant ou de
lenseignante.
APPROCHE STRUCTURÉE
Le programme de lecture, Contacts, reposait sur une approche structurée très
semblable. Le programme encourageait une attitude positive chez les élèves. «Avant
tout, on aidait les élèves à résoudre des problèmes, à prendre des décisions et à
assumer la responsabilité des décisions prises», a ajouté McDonald. À linstar
du programme de socialisation, les compétences étaient divisées en composantes et
démontrées de bien des façons; dans ce cas, les enfants apprenaient les stratégies
retenues par les lecteurs avisés. On encourageait les enfants à se demander «Que
puis-je faire pour bien lire?»
Les parents étaient invités à participer de diverses manières. On leur a donné des
notions théoriques sur la lecture et on leur a appris à travailler avec leurs enfants.
On a utilisé des bandes vidéos pour enrichir les séances. Les familles recevaient des
horaires mensuels afin de les aider à créer des routines susceptibles de favoriser des
activités de lecture. À la maison, on encourageait les enfants à mettre en pratique les
stratégies apprises à lécole.
Le programme prévoyait également, et cest là un aspect important du programme,
que les enfants travaillent avec des partenaires, afin quils développent aussi des
aptitudes sociales. On les invitait à se poser la question suivante «Que puis-je faire
pour travailler avec mon partenaire?» et à appliquer leurs aptitudes à résoudre des
problèmes à leurs interactions. Ce genre de jumelage permettait aussi aux enfants ayant
des lacunes sur le plan de la socialisation dapprendre de leurs camarades de classe
mieux adaptés. Il y avait des programmes de lecture par jumelage depuis des années, mais
le programme a donné à cette activité un cadre et une perspective autrefois absents.
Une étape distincte du programme mettait laccent sur les techniques pour
raconter des histoires. Cétait là un élément particulièrement précieux pour
les enfants dautres cultures. Cette activité leur a permis dapporter la
richesse de leur culture dans la classe.
Dans lévaluation du programme, les chercheurs nexaminaient pas uniquement
les changements dans les compétences en lecture acquises par un enfant, mais aussi les
changements dans son aisance à lire, son aptitude à faire des choix et ses sentiments
quant à sa performance en tant que lecteur.
Les résultats de létude ont été communiqués aux conseils et aux écoles
participantes vers la fin du printemps. Les chercheurs ont conclu que les programmes
universels dans les écoles peuvent avoir des effets positifs sur le comportement des
enfants. Pour eux, les programmes universels ont des résultats modérés mais qui
touchent un grand nombre délèves. Ils ont également indiqué quil faut
davantage détudes pour découvrir si on peut constater des avantages à long terme.
AMÉLIORATION GÉNÉRALE
Les chercheurs ont constaté que dans presque toutes les écoles, il sest produit
une amélioration générale pour tous les éléments étudiés durant les 18 à
24 premiers mois. Selon Hundert, «on a constaté une amélioration générale manifeste du
comportement chez tous les enfants. Ils étaient plus enthousiastes et moins agressifs. Ce
changement sest manifesté dès le début du programme et a ensuite atteint un
plateau, après quoi les comportements sont restés stables.»
Une amélioration significative dun point de vue statistique sest
également manifestée dans le comportement des enfants dans la cour décole et ce,
dans toutes les écoles participantes, mais de façon encore plus prononcée dans les
écoles qui ont utilisé le programme de socialisation ou le programme combiné de lecture
et de socialisation.
On a également constaté une amélioration des compétences en lecture dans toutes les
écoles. On a observé en outre une amélioration des aptitudes sociales et une diminution
des comportements perturbateurs, dans une mesure qui nest cependant pas
significative dun point de vue statistique.
Fait intéressant, les parents ont constaté de plus grandes améliorations chez les
enfants que ne lont fait les enseignants. Les parents ont observé une plus grande
diminution des comportements perturbateurs et une plus grande amélioration des aptitudes
sociales. Ce fait souligne limportance dintégrer la maison et lécole
dans les programmes et dans lévaluation des résultats.
Pour les chercheurs, les réactions positives des enseignantes et enseignants
participants sont un aspect important du programme. «Quatre-vingt-dix pour cent des
enseignants ont dit quils avaient apprécié le programme, quils
lavaient trouvé très utile et quils continueraient de sen servir», a
déclaré Hundert. Il a fait remarquer que le programme de socialisation constituait un
ajout relativement mineur au programme denseignement.
Les chercheurs ont ajouté quils analysaient encore lincidence du programme
sur les enfants particulièrement à risque.
Pour plus de renseignements sur les résultats de létude, communiquez avec
Yvonne Racine, coordonnatrice de recherche au Centre détudes des enfants à risque
de McMaster, édifice Patterson, Hôpital Chedoke-McMaster, C.P. 2000, succursale A,
Hamilton ON L8N 3Z5; tél. : (905) 521-2100. Conseils participants : Durham,
Halton, Lakehead, comté de Lambton, ville de York, ville de Toronto et les conseils des
écoles séparées catholiques de Dufferin-Peel, du comté de Lambton,
dOttawa-Carleton et de la région de Waterloo.