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Septembre 1998

Pour mettre
fin à la violence


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Des programmes qui aident les enfants violents

Les programmes universels dans les écoles ont des effets modérés mais qui touchent un grand nombre d’élèves. Les parents et le personnel enseignant ont remarqué une réduction des comportements perturbateurs.

de Johanna Brand

Aider les enfants à mieux lire contribuera à les tenir à l’écart des bandes de jeunes.

Une recherche parrainée par l’Institut canadien des recherches avancées, qui a fait l’objet d’un article dans le dernier numéro de Pour parler profession, a montré que c’est de la maternelle à la 4e année que l’on a les meilleures chances de contrôler la violence chez les adolescents. Voici les résultats d’une étude menée pendant six ans par une équipe de recherche de l’Université McMaster, Aider les enfants à s’adapter, qui propose quelques réponses concernant le programme ou la combinaison de programmes les plus susceptibles d’aider les jeunes enfants ayant des troubles de comportement manifestes.

L’étude portait sur deux groupes d’enfants, ceux qui ont des comportements asociaux et trop agressifs et ceux qui sont trop complaisants et soumis, ce qui fait d’eux des victimes en puissance.

Des deux groupes, les enfants extrêmement agressifs ont été davantage étudiés. La recherche a démontré que les lacunes au plan de la socialisation peuvent masquer d’autres talents et transformer en décrocheurs des élèves qui pourraient briller. Les enfants incapables de contrôler leurs pulsions agressives risquent fort d’avoir de piètres résultats scolaires. Ils seront rejetés par les autres enfants et se retrouveront sur la pente descendante du manque d’estime de soi, du rendement scolaire médiocre et de la solitude.

QUI SE RESSEMBLE S’ASSEMBLE

Pour combattre leur isolement, les enfants agressifs cherchent souvent la compagnie de leurs semblables et commencent à former des bandes. Ces bandes existent dès la maternelle ou le jardin d’enfants et persistent jusqu’au secondaire où elles peuvent poser un problème social réel.

On en sait moins sur les enfants trop soumis, mais on estime généralement qu’eux aussi souffrent de lacunes au plan de la socialisation et des effets négatifs du rejet par leurs camarades.

Selon les chercheurs, il faut intervenir dès la petite enfance, car c’est à ce moment qu’on a les meilleures chances de mettre fin à ce cercle vicieux. Ils estiment en outre qu’une intervention portant à la fois sur la socialisation et les matières scolaires donnera les meilleurs résultats.

Aussi appelée étude triministérielle, Aider les enfants à s’adapter est subventionnée par le ministère de l’Éducation et de la Formation, le ministère de la Santé et le ministère des Services sociaux et communautaires. L’équipe de recherche travaillait au Centre d’études des enfants à risque Chedoke-McMaster. Les dix conseils scolaires ontariens qui ont pris part à la recherche ont également fourni des fonds. En tout, cinquante écoles situées dans diverses régions de la province ont participé à l’étude.

Aider les enfants à s’adapter proposait aux écoles un programme visant à enseigner aux enfants de la maternelle, du jardin d’enfants et des premières années du palier élémentaire certaines aptitudes sociales, ainsi qu’un autre programme axé surtout sur la lecture, mais ayant une composante visant la socialisation. Un troisième volet du programme, s’adressant aux parents, a été abandonné en cours de route en raison de la difficulté d’assurer la participation des parents.

LE MILIEU IDÉAL : L’ÉCOLE

«Il n’y a pas de meilleur endroit que l’école pour joindre tous les enfants», a déclaré Joel Hundert, psychologue et directeur du service de consultation sur les thérapies du comportement de l’hôpital Chedoke-McMaster. Hundert enseigne également à l’Université McMaster et était l’un des principaux chercheurs de l’étude.

Les budgets étant réduits dans de nombreux secteurs d’activités, il est difficile d’obtenir une aide individuelle pour les enfants mésadaptés. Les cliniques ont de longues listes d’attente et dans les classes, le personnel enseignant dispose de moins de ressources pour le seconder, a expliqué Hundert. En outre, les programmes individuels ne peuvent agir sur la dynamique des interactions au sein du groupe, ce qui est un élément important dans le développement du comportement de l’enfant.

Les programmes mis à l’essai étaient intégrés à la routine quotidienne de la classe et prévoyaient la participation de tous les enfants, de sorte qu’ils puissent profiter non seulement aux enfants gravement mésadaptés mais aussi à ceux qui, ayant des troubles moins graves, n’auraient droit à aucune forme d’aide.

Selon Hundert, les enseignants peuvent jouer un rôle important dans la modification du comportement des enfants mésadaptés. Il ajoute cependant qu’ils sont peu conscients de leur influence.

LES ENSEIGNANTS SONT DÉBORDÉS

«J’ai l’impression que les enseignantes et enseignants sont débordés par la gestion du comportement des enfants. Ils disent passer le tiers de leur temps à gérer la classe. C’est une tâche pour laquelle ils n’ont pas nécessairement la formation voulue et ils se sentent souvent frustrés et dépassés.»

Les deux programmes utilisés à l’école avaient beaucoup en commun. Dans les deux cas, les enseignantes et enseignants participant à l’étude ont reçu une solide formation avant le début du programme. Ils ont également reçu l’appui d’un animateur durant toute l’étude. Ils avaient également des réunions régulières pour discuter de la mise en œuvre du programme et des stratégies de résolution de problèmes.

Les programmes favorisaient le travail d’équipe et l’échange d’idées, non seulement entre les enseignantes et enseignants, mais aussi entre les écoles et les conseils scolaires. Dans le cadre du programme, le personnel des écoles participantes devait examiner et évaluer sa façon d’aborder la socialisation des enfants et l’enseignement de la lecture dans leur école.

Les programmes étaient structurés de façon à ce que les enfants acquièrent les aptitudes sociales et les compétences en lecture de la même façon qu’ils apprennent un sport. Ils apprenaient les étapes du développement de chaque compétence et recevaient récompenses et félicitations s’ils utilisaient les compétences acquises.

LIAISON AVEC LES PARENTS

De plus, les deux programmes prévoyaient des liens avec les parents. La recherche démontre que la participation des parents est essentielle. Si l’on veut modifier le comportement d’un enfant, il faut que le message soit le même à la maison qu’à l’école. On a expliqué le programme aux parents par des rencontres d’information ou par une documentation écrite expliquant ce qui se passait à l’école. On leur demandait aussi d’observer le comportement de leur enfant et de récompenser les compétences acquises.

Le programme de socialisation visait principalement à enseigner aux enfants comment écouter les autres, comment éviter les querelles et comment partager. On mettait l’accent sur chacune des compétences pendant une période de deux à quatre semaines.

La journée commençait par une leçon sur une aptitude sociale. Il pouvait s’agir d’un jeu de rôle et d’une discussion sur les étapes d’une aptitude particulière, sur le partage, par exemple. Les jeux de rôle étaient d’abord animés par l’enseignante ou l’enseignant et une personne-ressource, mais plus tard les enfants étaient invités à y participer pour illustrer l’aptitude en vedette. À la maternelle et au jardin d’enfants, un spectacle de marionnettes remplaçait les jeux de rôle.

La journée se terminait aussi par une période consacrée aux aptitudes sociales. L’enseignante ou l’enseignant et les enfants discutaient de quand et comment ils avaient utilisé les aptitudes et si ça avait fonctionné.

L’enseignante ou l’enseignant disposait d’un certain nombre d’aides visuelles, comme des cartes portant des mots et des images et un insigne d’honneur arborant un soleil. Chaque jour, cinq enfants recevaient l’insigne et, ce jour-là, l’enseignant ou l’enseignante leur portait une attention spéciale, les félicitait chaque fois qu’ils mettaient la compétence en pratique. De cette façon, chaque enfant devenait à son tour le centre d’attention de l’enseignant ou de l’enseignante.

APPROCHE STRUCTURÉE

Le programme de lecture, Contacts, reposait sur une approche structurée très semblable. Le programme encourageait une attitude positive chez les élèves. «Avant tout, on aidait les élèves à résoudre des problèmes, à prendre des décisions et à assumer la responsabilité des décisions prises», a ajouté McDonald. À l’instar du programme de socialisation, les compétences étaient divisées en composantes et démontrées de bien des façons; dans ce cas, les enfants apprenaient les stratégies retenues par les lecteurs avisés. On encourageait les enfants à se demander «Que puis-je faire pour bien lire?»

Les parents étaient invités à participer de diverses manières. On leur a donné des notions théoriques sur la lecture et on leur a appris à travailler avec leurs enfants. On a utilisé des bandes vidéos pour enrichir les séances. Les familles recevaient des horaires mensuels afin de les aider à créer des routines susceptibles de favoriser des activités de lecture. À la maison, on encourageait les enfants à mettre en pratique les stratégies apprises à l’école.

Le programme prévoyait également, et c’est là un aspect important du programme, que les enfants travaillent avec des partenaires, afin qu’ils développent aussi des aptitudes sociales. On les invitait à se poser la question suivante «Que puis-je faire pour travailler avec mon partenaire?» et à appliquer leurs aptitudes à résoudre des problèmes à leurs interactions. Ce genre de jumelage permettait aussi aux enfants ayant des lacunes sur le plan de la socialisation d’apprendre de leurs camarades de classe mieux adaptés. Il y avait des programmes de lecture par jumelage depuis des années, mais le programme a donné à cette activité un cadre et une perspective autrefois absents.

Une étape distincte du programme mettait l’accent sur les techniques pour raconter des histoires. C’était là un élément particulièrement précieux pour les enfants d’autres cultures. Cette activité leur a permis d’apporter la richesse de leur culture dans la classe.

Dans l’évaluation du programme, les chercheurs n’examinaient pas uniquement les changements dans les compétences en lecture acquises par un enfant, mais aussi les changements dans son aisance à lire, son aptitude à faire des choix et ses sentiments quant à sa performance en tant que lecteur.

Les résultats de l’étude ont été communiqués aux conseils et aux écoles participantes vers la fin du printemps. Les chercheurs ont conclu que les programmes universels dans les écoles peuvent avoir des effets positifs sur le comportement des enfants. Pour eux, les programmes universels ont des résultats modérés mais qui touchent un grand nombre d’élèves. Ils ont également indiqué qu’il faut davantage d’études pour découvrir si on peut constater des avantages à long terme.

AMÉLIORATION GÉNÉRALE

Les chercheurs ont constaté que dans presque toutes les écoles, il s’est produit une amélioration générale pour tous les éléments étudiés durant les 18 à 24 premiers mois. Selon Hundert, «on a constaté une amélioration générale manifeste du comportement chez tous les enfants. Ils étaient plus enthousiastes et moins agressifs. Ce changement s’est manifesté dès le début du programme et a ensuite atteint un plateau, après quoi les comportements sont restés stables.»

Une amélioration significative d’un point de vue statistique s’est également manifestée dans le comportement des enfants dans la cour d’école et ce, dans toutes les écoles participantes, mais de façon encore plus prononcée dans les écoles qui ont utilisé le programme de socialisation ou le programme combiné de lecture et de socialisation.

On a également constaté une amélioration des compétences en lecture dans toutes les écoles. On a observé en outre une amélioration des aptitudes sociales et une diminution des comportements perturbateurs, dans une mesure qui n’est cependant pas significative d’un point de vue statistique.

Fait intéressant, les parents ont constaté de plus grandes améliorations chez les enfants que ne l’ont fait les enseignants. Les parents ont observé une plus grande diminution des comportements perturbateurs et une plus grande amélioration des aptitudes sociales. Ce fait souligne l’importance d’intégrer la maison et l’école dans les programmes et dans l’évaluation des résultats.

Pour les chercheurs, les réactions positives des enseignantes et enseignants participants sont un aspect important du programme. «Quatre-vingt-dix pour cent des enseignants ont dit qu’ils avaient apprécié le programme, qu’ils l’avaient trouvé très utile et qu’ils continueraient de s’en servir», a déclaré Hundert. Il a fait remarquer que le programme de socialisation constituait un ajout relativement mineur au programme d’enseignement.

Les chercheurs ont ajouté qu’ils analysaient encore l’incidence du programme sur les enfants particulièrement à risque.

Pour plus de renseignements sur les résultats de l’étude, communiquez avec Yvonne Racine, coordonnatrice de recherche au Centre d’études des enfants à risque de McMaster, édifice Patterson, Hôpital Chedoke-McMaster, C.P. 2000, succursale A, Hamilton ON L8N 3Z5; tél. : (905) 521-2100. Conseils participants : Durham, Halton, Lakehead, comté de Lambton, ville de York, ville de Toronto et les conseils des écoles séparées catholiques de Dufferin-Peel, du comté de Lambton, d’Ottawa-Carleton et de la région de Waterloo.