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Pour John B. Lee, poète et enseignant, cela
se traduit par écrire sur le hockey, lhistoire, les Beatles, le travail acharné et
un amour inébranlable de la terre.
de Julie Mason
«La poésie ayant le sport pour thème traite dun état de grâce et du
sentiment de vivre intensément le moment présent du match», déclare John B. Lee,
poète de Brantford, au sujet des nombreux poèmes quil a écrits sur le hockey.
«On sentraîne pour atteindre un état de grâce naturelle, mais ce nest que
de temps en temps que lon réussit à accéder à cet état. Il va de soi que plus
lathlète est doué, plus il atteindra souvent la perfection. En écriture,
cest la même chose. Plus on a de talent, plus on travaille dur et plus on a de
chances de vivre des instants de béatitude.»
Lee a connu de nombreux moments de ce genre. Il a publié 22 recueils de poésie, la
publication de deux autres recueils étant prévue pour 1998. Son uvre lui a valu
deux prix Milton Acorn Peoples Poetry et en 1995, il sest vu décerner le
prestigieux prix Tilden/CBC pour ses poèmes racontant lhistoire dune
communauté noire qui sest établie dans le sud de lOntario.
Luvre de Lee témoigne de la diversité de ses intérêts : le hockey, la
musique, les Beatles, les petites villes de lOntario, le travail pénible, mais
empreint de dignité, les agriculteurs et les complexités dune enfance passée à
la campagne.
Bon nombre de ses poèmes rendent hommage aux hommes qui travaillent la terre comme
Tom, louvrier agricole de Hired Hands, ou Herb Lee, son grand-père,
personnage principal de Variations on Herb. «Mon grand-père était un berger de
renommée internationale. Il était respecté et connu pour tout ce qui touchait de près
ou de loin à lélevage des moutons. Mais cétait aussi un grippe-sou, un
personnage haut en couleur, difficile à cerner.»
LA POÉSIE À LA MAISON
Même si le «vrai travail» venait toujours en premier, Lee se souvient que pendant
son enfance, la poésie occupait une place privilégiée chez lui. «Mon grand-père
possédait les uvres complètes de Tennyson, Browning et Longfellow dans la
bibliothèque; elles étaient rangées dans le couloir, à létage, tout près de ma
chambre. Mon oncle John, qui vivait aussi chez nous, disons plutôt que nous habitions
tous sous le même toit, aimait beaucoup les poèmes de Robert Service. Il ma
récemment confié la tâche de retrouver la traduction de Georgics par Dryden, un
long poème sur lagriculture mon père et mon oncle sont tous deux bergers et
loncle John avait mémorisé un passage sur lélevage des moutons.»
Bien des poèmes de Lee parlent de la terre : «Lune des choses les plus
importantes que jai apprises grâce à la terre, cest la valeur du travail. La
discipline que lon ma ainsi inculquée fait de moi un écrivain acharné.
Sincèrement, jaime beaucoup le travail. La deuxième chose que jai apprise,
et que je considère comme une précieuse leçon, cest le respect de la continuité.
Nous ne sommes que de simples gardiens de cette terre. Elle nous a été confiée et nous
nous devons dy apporter des améliorations.»
Dans Tongues of the Children, son uvre la plus ambitieuse à ce jour, Lee
se penche sur lhistoire des premières communautés du sud de lOntario. Y
figurent notamment le récit de la Rébellion de lOuest qui a eu lieu en 1837 dans
la région de London dans le Haut-Canada, lhistoire des immigrants irlandais et le
récit de la vie des Noirs dans le Haut-Canada, des années desclavage aux années
1850.
Lee sest inspiré de Harriett Beecher Stowe, auquel il est uni par des liens de
sang, pour «creuser dans les premières années dexistence de lOntario afin
de mettre au jour les histoires rarement contées des opprimés». Il considère ce
recueil comme son uvre à la fois la plus autobiographique et la moins
autobiographique : «La moins autobiographique, car elle ne traite pas de ma vie. La plus
autobiographique en ce sens quelle naît dune conviction profonde et intime
que chaque vie mérite dêtre gardée en mémoire, honorée et immortalisée.»
LINFLUENCE MARQUANTE DE SES PROFESSEURS
Lee sest mis à écrire des poèmes en 11e année. «Mon inspiration première
est venue dune anthologie de la poésie que jétudiais à lécole. En la
lisant au hasard, jai découvert des poèmes sublimes de Dylan Thomas, Alfred Lord
Tennyson et John Keats. Jaimais tout particulièrement Coleridge.» Lannée
suivante, ce fut le tour des poètes canadiens, notamment Irving Layton, qui ont continué
à exercer une influence importante sur lui pendant de nombreuses années.
Au secondaire, ses enseignants ont joué un rôle significatif dans sa vie. «M.
Cooper, un enseignant que jai eu en 12e année, nous a remis une liste
douvrages à lire et je men suis imprégné dans le plus grand secret.» Mon
enseignant de 13e année «a vanté le talent de Leonard Cohen en disant que sa grande
force résidait dans loriginalité et la fraîcheur de ses métaphores. Je me
souviens davoir perçu cela comme un défi et davoir délibérément introduit
pendant un certain temps un genre dexotisme dans ma propre recherche de la
métaphore.»
Les premiers poèmes de Lee traitaient des Beatles. «Mon premier recueil était
vraiment mauvais, mais je ne le renie pas. Cest comme de vieilles photos
denfance; mieux vaut en rire pour oublier plus vite. Jaime bien le garçon
sérieux qui faisait des vers avec Ringo-Pingo. Cétait un bon gars. Il adorait les
quatre garçons de Liverpool.»
À lUniversité Western Ontario, Lee a eu Stan Dragland comme professeur de
littérature canadienne. «Cétait non seulement un excellent professeur de
littérature, mais encore un remarquable éditeur, précise Lee. Il ma encouragé à
écrire, et jai été impressionné par sa générosité et ses manières affables.
Ce nest pas un hasard sil est par la suite devenu éditeur en poésie chez
McClelland and Steward. Il a également eu la chance de rencontrer Margaret Avison
lorsquelle était écrivaine résidante à Western. Ses encouragements pleins
denthousiasme mont beaucoup aidé quand jétais jeune, impressionnable
et sans doute sensible à la critique.»
PROFESSEUR ET ÉCRIVAIN
Pendant de nombreuses années, Lee sest partagé entre lenseignement à
temps plein et lécriture. «Jai enseigné langlais et les arts
dramatiques au secondaire de 1976 à 1989, dans une petite école de campagne à
Waterford... Depuis que je nenseigne plus à temps plein, je donne des cours de
création littéraire à des élèves de tous âges, de la maternelle à la 13e année.»
«Jadapte mes méthodes à lâge, aux intérêts et aux capacités de mes
élèves, explique Lee. Le seul fil conducteur de mon enseignement consiste à lire avant
décrire. Je mappuie sur le principe quun poème a trois composantes :
une forme, un style et un fond. Par forme, jentends le genre du poème. Le style
fait allusion aux éléments dexpression personnelle. Le fond concerne
lexpérience du poète reprise dans le poème.»
«Je fais très rarement des suggestions en ce qui a trait au fond, sauf pour dire
écrivez sur ce que vous aimez. Si vous nêtes pas spécialement fasciné par le
ciel, ne le choisissez pas comme thème.»
Linspiration propre à Lee se manifeste
dès le début du poème : «Même si je veux écrire sur une expérience particulière,
aussi impératif que soit le besoin, jattends de recevoir la première ligne comme
une manne céleste... La métaphore revêt toujours de limportance pour moi. Lorsque
je trouve une métaphore spécialement belle pour un poème, cela enrichit mon expérience
décrivain.»
Lee est un ardent défenseur de lécriture canadienne.
«Jaime beaucoup, entre autres, Neruda, Heaney, Rilke, Milosz, Szymborska, Hugues,
Berry, Brodsky, Yevtushenko. Je nen oublie pas pour autant Layton, Purdy, Acorn et
Birney.»
Comme il le fait si souvent dans ses poèmes, Lee se sert de la terre comme métaphore
: «À mon avis, les tomates produites chaque été dans les champs de Chatham sont les
meilleures que jai jamais goûtées. Pourquoi alors douter que lon puisse
produire aussi quelques-uns des écrivains les plus talentueux au monde?» |
Theres No Such Thing as a Good Master He
may have manumitted his favourite slaves.
He may have treated his field hands well.
Bought them baubles in New Orleans.
Spared the taws and the hanging tree.
Let his children love them like cousins.
Suckled his babes at mammys breasts.
Allowed them to marry
whomever they wished.
Released the chains that bound them in coffles.
Purchased a few
to save them from the whip
of Simon Legree.
Schooled the house boys who were smart
and sweetened the scamps with candy.
But there is no such thing
as a good master.
If you would own a man
there is no art in argument
will change the fact that you have
collaborated in context with the worst and darkest draconian blot on human blood.
If you would own a man
you owe God an apology.
Extrait de «Kicheraboo, We Are Dying» dans Tongues of the
Children,
Black Moss Press, 1996 |
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