«Jadorais le chocolat, mais ne pouvais me le
permettre, cest pourquoi je me contentais de le regarder, dit-elle. Cétait la
Dépression.»
J.F. Carmichael, directeur de la Victoria Public School et enseignant de June Callwood
en 7e et 8e années, sest arrêté et lui a demandé comment se passait son
été.
Elle lui a répondu, comme il se devait : «Ça va bien.»
Mais cette réponse masquait une partie de la vérité. «Je me sentais complètement
à part des autres. Mes vêtements nallaient pas. Rien de ce que je faisais
correspondait à ce que les autres faisaient, et je me sentais très étrange. Cest
là que jai commencé à beaucoup lire. Ce qui a largement contribué à mes choix
de carrière.»
La fondatrice de la maison Casey House se rappelle encore de la gentillesse de son
enseignant. «Après avoir réfléchi, ajoute-t-elle, il ma dit que javais le
QI le plus élevé quil navait jamais testé.»
June Callwood nétait pas flattée du tout, mais soulagée. Elle était une
petite fille qui avait sauté trois années, qui sentait un grand décalage entre elle et
ses compagnons de classe. Cette affirmation venait donc répondre à ses questions. «Pour
la première fois, ce nétait pas de ma faute si je ne mentendais pas avec les
autres dans la classe. Cétait une raison assez sotte, mais que lon fasse ce
commentaire positif à mon égard à cette époque sest avéré extrêmement
important.»
«Il la fait consciemment, se rappelle-t-elle, au point que jai toujours
senti quil savait exactement combien jétais malheureuse et que cette simple
phrase pouvait maider. Et il avait raison.»
June Callwood se rappelle de cet homme qui lui a enseigné pendant deux ans; il était
petit et avait des cheveux blancs. «Il attachait une attention toute particulière à la
grammaire. Il a suscité mon intérêt pour la mécanique de la grammaire et grandement
contribué à me rendre capable décrire une phrase qui se tient. Quand je réussis,
cest à lui que je le dois.»
À lâge de 10 ans, June Callwood est passée de lécole protestante
anglaise de Kitchener à lécole catholique romaine de langue française à Belle
River; elle était en 7e année.
Carmichael était respecté de tous. Une école de Kitchener porte son nom et June
Callwood a encore une photo de lui chez elle.
Freda Summaby, enseignante en histoire à la Brantford Collegiate, a également laissé
des souvenirs impérissables chez lauteure de Portrait of Canada et de plus
dune dizaine dautres ouvrages, y compris Emma, Canadas Unlikely Spy,
Twelve Weeks in Spring et Jim : A Life with AIDS.
«Elle adorait lhistoire et lenseignait comme on raconte une bonne
histoire, ajoute Callwood. Je crois quelle donnait le cours sur lEmpire
britannique, mais peu importe, on comprenait les personnages dont il était question,
leurs triomphes comme leurs défaites.»
Summaby devait être très romantique et avoir une forte imagination, note June
Callwood, même si elle nen donnait pas limpression. Daprès Callwood,
Freda Summaby avait une allure «très sèche, très sobre. Mais sa passion pour
lhistoire était sans borne et elle savait me la communiquer.»
«Jimagine que jétais la chouchou cette année-là, précise-t-elle.
Depuis, jai toujours aimé lhistoire. Elle ma fait là un très beau
cadeau.»
June Callwood a tenu une correspondance avec Freda Summaby jusquà sa mort.
«Heureusement, conclut-elle, jai pu lui dire à quel point javais été
chanceuse de lavoir comme enseignante et combien javais aimé ses cours
dhistoire.»