Rick Phillips, fondateur, Community Matters

Joe Jamieson, EAO, registraire adjoint de l’Ordre

«Éveiller le courage» des élèves est l’objectif du programme Community Matters fondé en Californie par Rick Philips, éducateur d’expérience originaire du Canada. Le programme, qui en est à sa treizième année, vise à accroître la confiance des élèves en eux-mêmes afin qu’ils puissent créer des milieux propices à l’apprentissage et se les approprier. M. Philips s’est entretenu avec le registraire adjoint de l’Ordre, Joe Jamieson, EAO, au sujet des fondements philosophiques et des raisons du succès du programme..

Q Joe Jamieson: Rick, à titre d’administrateur d’école, quelle expérience vous a amené à proposer une nouvelle approche pour créer des milieux d’apprentissage sécuritaires?

R Rick Phillips: J’étais administrateur au moment de la tuerie de Columbine, en avril 1999. Aux États-Unis, cette fusillade a entraîné l’adoption de la Safe and Drug-Free Schools and Communities Act, qui comptait la possibilité, pour les écoles, d’obtenir un appui financier du gouvernement fédéral afin de s’attaquer au problème de la violence dans les écoles. Dans les écoles publiques d’un bout à l’autre du pays, on a rapidement épuisé les fonds pour les mesures de sécurité, estimant que l’érection de clôtures de sécurité, l’ajout de caméras de surveillance, l’embauche de personnel et l’élaboration de politiques de tolérance zéro pour affirmer que l’intimidation et la violence ne seraient nullement tolérées étaient les meilleurs moyens de prévenir les fusillades. Je comprends pourquoi plusieurs écoles ont emprunté cette voie, mais, 13 ans plus tard, comme pédagogues, la plupart d’entre nous savons qu’un milieu scolaire n’est pas plus sécuritaire quand il est entouré d’un périmètre de sécurité. Il s’agissait d’une approche de l’extérieur vers l’intérieur. Je sentais plutôt la nécessité de travailler de l’intérieur. Pour moi, la véritable solution pour réduire les risques de violence psychologique ou physique était de s’intéresser à l’interactivité entre les gens à l’intérieur des murs selon une approche de nature plus relationnelle et environnementale. C’est ce qui a motivé le travail que nous avons entrepris, car cette approche de l’extérieur vers l’intérieur est très coûteuse et aucune statistique ne démontre qu’une école qui ressemble à un aéroport ou à une prison peut garantir la sécurité des personnes à l’intérieur.

Q Une école entourée de clôtures, de murs et de caméras de surveillance ressemble ostensiblement et concrètement à une forteresse. À quoi peut ressembler votre approche, qui propose de travailler sur les relations et l’organisation?

R La clé du succès a été de convaincre les gens de passer d’une approche visible à une approche relationnelle. Le premier principe de cette approche de l’intérieur vers l’extérieur est de croire que la meilleure mesure de sécurité est d’éveiller le courage des élèves et du personnel de dénoncer toute forme d’intolérance ou d’incivilité dont ils sont témoins. Il est bien plus efficace de mobiliser les gens que d’acheter des caméras et d’essayer de contrôler tous les comportements, car ce sont les normes sociales à l’intérieur des murs et l’acceptation ou le refus des personnes présentes qui permettent au bacille de l’intimidation, du harcèlement ou de la cyberintimidation de se répandre ou de dépérir. Nous avons commencé par cette prémisse, celle des relations.

En second lieu, nous avons envisagé les élèves non pas comme des consommateurs ou des problèmes, mais plutôt comme des solutions et des collaborateurs, car ils ont énormément de pouvoir, même s’ils ne l’utilisent pas toujours efficacement.

La troisième chose que nous avons introduite dans le cadre de ce changement fondamental d’approche a été de renoncer aux mesures punitives comme solution première. Je ne m’oppose pas aux politiques punitives quand celles-ci sont appropriées, mais nous devons avoir une gamme de mesures disciplinaires plus restauratrices et correctrices, en plus des suspensions et expulsions, afin de disposer d’autres moyens d’aider les jeunes à apprendre de leurs erreurs. L’approche de l’intérieur vers l’extérieur suscite des pratiques qui se rapprochent davantage de la justice réparatrice.

Ainsi, toutes ces mesures, c’est-à-dire travailler sur les relations, faire des élèves des agents de changement et modifier les politiques pour passer de la tolérance zéro à des pratiques de justice réparatrices, modifient les normes sociales.

Q À quoi ressemble un élève chez qui on a éveillé le courage?

R Quand je parle d’éveiller le courage des élèves, je veux dire que la majorité des élèves dans la plupart des écoles ne sont ni les auteurs ni les victimes de l’intimidation ou de l’intolérance, mais qu’ils en sont témoins. Or le fait d’être un spectateur est une forme de consentement, de permission. Les personnes qui voient quelqu’un faire ou dire quelque chose et qui ne font rien permettent à la situation de se perpétuer. Bien entendu, les jeunes font la distinction entre le bien et le mal, mais pour prendre position, il leur manque la confiance en eux-mêmes et le sentiment de compétence dont ils ont besoin pour agir moralement. Donc, si on se demande comment augmenter leur confiance, on en vient à la conclusion qu’il faut renforcer leur compétence, ce qui implique le remaniement du curriculum de nos écoles secondaires afin d’y intégrer l’enseignement des compétences sociales et émotionnelles.

La plupart des jeunes disent qu’ils se taisent parce qu’ils craignent des représailles : «Je crains de mal m’y prendre, d’envenimer la situation, de l’empirer. J’ai peur que l’on va s’en prendre à moi parce que je m’y suis mal pris». Nous réalisons que les jeunes sont avides de faire une différence quand ils sont témoins d’une injustice; nous avons la responsabilité de leur donner l’occasion d’acquérir les habiletés, les outils et la compétence pour le faire. Le fait de comprendre la différence entre le bien et le mal et d’avoir les compétences nécessaires pour intervenir leur permettront d’éveiller leur courage.

Q Donc, Rick, depuis quand existe ce programme et où a-t-il été mis en œuvre?

R Il est impossible que tous les spectateurs se lèvent au même moment pour agir, alors il est impératif d’avoir une stratégie, une tactique. Nous avons introduit un programme qui s’appelle le Safe School Ambassadors. Il propose un modèle d’éducation des spectateurs centré sur l’élève. Si nous pouvions trouver et mobiliser les leaders alpha des différents groupes sociaux (qu’on appelle parfois des cliques), nous pourrions les motiver et leur donner des outils, ils pourraient user de leur position pour empêcher leurs amis de parler avec méchanceté ou de poser des gestes malveillants. Ils seraient les agents du changement. Ils tendraient la main à leurs pairs et instaureraient un nouveau modèle de mentorat et de pression positive, lequel ne peut exister que si l’on sème le changement dans chacun des groupes sociaux. Au cours des 12 dernières années, nous avons établi le programme dans plus de 1 200 écoles publiques. Nous avons donc pu constater ce qui fonctionne et ne fonctionne pas, et pourquoi. Nous comprenons aussi comment mobiliser la communauté des spectateurs au moyen de cette approche stratégique.

Q Il s’agit de toute évidence d’une approche qui fonctionnerait à tout endroit où il y a un groupe d’élèves. Est-ce que le programme s’est propagé hors des États-Unis?

R Nous avons eu quelques occasions en Ontario, mais cela n’a pas porté fruit, en partie en raison de la perte de financement ou parce que les dirigeants des écoles qui avaient accepté de travailler avec nous pour intégrer le modèle sont partis. J’espère que d’autres écoles manifesteront de l’intérêt parce que ce modèle n’a pas de code postal. Nous devons mieux identifier et outiller les jeunes si nous voulons améliorer les données et les statistiques.

Q Les programmes américains peuvent parfois susciter une certaine méfiance de ce côté-ci de la frontière, mais je crois que les motivations, les sources de motivation et les réactions d’élèves d’une école secondaire d’Anaheim ou de Washington DC, ou encore de Winnipeg, de Toronto ou d’Orillia sont fondamentalement les mêmes.

R Je suis tout à fait d’accord avec vous. Une élève de dix ans, qu’elle habite dans une province canadienne ou à Détroit, au Michigan, peut tout aussi facilement répandre une rumeur et des commérages en utilisant l’internet et la technologie en général, par exemple en téléchargeant une photo ou une vidéo prise à l’école. Le problème est maintenant universel. Il a une forme. Certes, cela survient peut-être plus à un endroit qu’à un autre, en fonction des facteurs géographiques et démographiques, mais les comportements des jeunes que l’on observe sont de plus en plus malveillants et répandus. Ce ne sont plus seulement les élèves plus vieux et plus forts qui utilisent leur taille ou leur statut. Tout le monde peut être instigateur. Il y aussi de l’agression relationnelle entre filles. L’agression se transmet verbalement, par textos et sur Facebook. La malveillance devient plus insidieuse et déguisée. C’est pourquoi, comme pédagogues, nous devons former davantage de membres du personnel et d’administrateurs afin d’enseigner aux adultes et aux élèves à éveiller leur courage. Nous devons nous adapter et même prendre de l’avance, sinon nous devrons faire face à une autre tragédie.

Q Quelle est l’importance des parents dans tout cela?

R Nous introduisons le programme Safe Schools Ambassadors en 4e année, car nous croyons que, culturellement, c’est à cet âge que bien des dynamiques apparaissent. Quand les jeunes atteignent 9, 10, 11 ou 12 ans, la hiérarchie sociale et les statuts deviennent plus accentués. Cela dit, l’influence des parents est, selon moi, plus importante pendant les années de l’école élémentaire qu’au cours des années subséquentes. Les parents sont des modèles. Ils inculquent leurs valeurs à leurs enfants. Donc, le père dit : «Si quelqu’un te bouscule à l’école, bouscule-le». Parfois, les enfants amènent ces valeurs apprises à la maison et les expriment à l’école. La bonne nouvelle, sur le plan du développement, est que quand ils approchent de l’adolescence, les enfants commencent à former leur propre individualité, à distinguer les messages reçus à la maison et à prendre leurs propres décisions dans les situations où leurs parents sont absents. Nous pouvons aider les jeunes à comprendre qu’une partie de leur apprentissage consiste à discerner ce qui est approprié à un endroit et ce qui est approprié à un autre. Cela fait partie de notre travail pour les aider à développer leur sens moral. Donc, oui, les parents jouent un rôle. Tous les intervenants doivent être sur la même longueur d’onde si nous voulons que des changements systémiques et durables se produisent dans nos écoles.

Q Quelle est la clé du succès d’un programme dans les écoles?

R Quand je regarde le chemin parcouru, 12 ans, 1 200 écoles, je constate que le programme a porté des fruits, qu’il est vigoureux. Les données relatives aux indicateurs de discipline montrent d’excellents résultats au chapitre du changement de la culture et de l’ambiance dans les écoles. Dans certains endroits, le programme a bien fonctionné, mais dans d’autres, il a échoué et s’est arrêté. Alors, on se demande : «Que s’est-il passé? S’agit-il d’un élément du programme?» Je crois que la majorité des gens s’entendent sur le fait que les semailles sont fondamentalement les mêmes et que c’est au jardinier de s’en occuper pour qu’elles germent. C’est surtout l’administration qui doit appuyer le programme.

Si les dirigeants de l’école s’engagent à établir une ambiance sociale positive, s’ils voient les jeunes davantage comme des collaborateurs que comme des consommateurs, s’ils choisissent des pratiques restauratrices et non punitives, alors ils reconnaissent la valeur d’un programme qui outille les jeunes en leur donnant de la confiance, et ils s’assureront que cette confiance est nourrie et appuyée. Le leadership est important.

Le personnel doit, lui aussi, appuyer le programme. Il faut que des membres du personnel se portent volontaires pour appuyer les élèves. Nous faisons monter des jeunes au front, nous leur demandons de risquer leur statut social, voire prendre des risques physiques, pour se faire entendre. Ils ont besoin d’un réseau d’adultes qui les soutienne, qui les défende, qui continue de les former et qui les aide à prendre conscience de leurs émotions.

Les jeunes veulent faire ce travail. Ils veulent prendre soin de leurs amis. Ils veulent empêcher d’autres personnes de nuire à ceux qu’ils aiment le plus. C’est ce qui les motive à participer à un programme comme Safe School Ambassadors. C’est donc par intérêt personnel — un intérêt qui augmente de façon exponentielle et qui développe leur capacité citoyenne — que les jeunes s’investissent dans le programme. Mais son succès dépend davantage des adultes que des élèves.

Q J’aime bien votre métaphore du jardinier et des semailles. Mais quand la plante fleurit-elle? Combien de temps faut-il pour voir des résultats?

R Souvent, le personnel remarque des changements de comportement quatre à six semaines après le début du programme. En se promenant à l’école, des élèves commencent à les aborder au lieu de les ignorer comme ils le faisaient auparavant. Ou alors, ils verront un élève aborder un élève exclu ou isolé et lui dire : «Salut, veux-tu venir t’asseoir avec nous au dîner ou jouer avec nous pendant le cours d’éducation physique ou la période de jeu?» Donc, rapidement, il y a des anecdotes et des observations, parce que nous mobilisons des jeunes qui étaient déjà des leaders avant que nous les connaissions.

Avant la fin de la première année, nous pouvons commencer à examiner les données relatives aux sanctions, comme le nombre d’expulsions des cours, de retenues après les heures de classe et de suspensions. Quand les jeunes s’investissent, est-ce qu’il y a moins de comportements indésirables? Pouvons-nous aussi faire le suivi des présences des enfants souvent absents, qui restent à la maison plus par peur que parce qu’ils sont malades? Pouvons-nous regarder les groupes pour examiner les changements aux modèles de présence de certains enfants? Cela prend généralement au moins un an. Depuis le début du programme, nous avons constaté qu’il faut compter deux ou trois ans pour que les perturbations et comportements qui, chaque jour, forçaient les écoles à consacrer beaucoup de temps à la discipline diminuent de façon considérable.

Q Voilà d’excellentes nouvelles, d’autant plus qu’elle peuvent être mesurées. Pouvez-vous nous nommer des conseils scolaires qui ont adopté le programme et qui ont amélioré ou changé leur situation?

R Oui. Nous avons de nombreux exemples de conseils scolaires et nous avons fait des évaluations qui figurent dans notre site web à www.community-matters.org. Nous avons analysé les écoles qui ont adopté le programme et des écoles similaires qui ne l’ont pas adopté. Nous avons examiné leurs données sur les suspensions et la discipline. Dans certains conseils scolaires de la Californie, du Texas et de la Floride, il a fallu de cinq à huit ans pour que le programme soit intégré durablement au système. L’effet de levier devient exponentiel quand des jeunes de l’élémentaire passent aux cycles suivants et finissent par devenir des élèves du secondaire. À ce moment, nous avons un effet analogue à celui de la roche lancée dans l’étang. On voit le changement social s’opérer dans le temps. De nombreux conseils scolaires de la Californie qui ont adopté le programme disposent de données sur la discipline qui démontrent une amélioration dans les deux ou trois années suivant la mise en œuvre. C’est en partie pourquoi le programme est reconduit dans ces conseils scolaires, puisque la diminution des problèmes liés aux comportements est en corrélation directe avec les finances. Voyez-vous, quand on réduit le nombre de suspensions, on économise de l’argent. Quand on améliore l’assiduité, on y gagne. Quand vos administrateurs passent moins de temps à s’occuper de problèmes de comportement, vous utilisez votre argent et le temps de votre personnel de manière plus constructive. Ce type de données est très recherché par les conseils scolaires et je suis fier de dire que notre programme est viable et en expansion grâce à ces données.

Q Avez-vous des anecdotes à nous raconter au sujet de jeunes dont la vie a changé grâce au programme?

R Oui. Nous recevons des lettres et des rapports et nous entendons le personnel et les jeunes quand nous retournons dans les écoles pour faire de la formation. Par exemple, l’un de nos ambassadeurs de la 7e année a, par hasard, vu un autre jeune avec une barre de fer dans son sac à dos à l’école. Il a entendu le garçon dire à un jeune de 8e année qu’il y aurait une bataille entre des groupes rivaux après l’école et qu’il était prêt. Si vous êtes un jeune de 7e année qui a reçu une formation, vous vous demanderiez si vous devriez le rapporter. «Suis-je un mouchard si je le dis? Que dois-je faire? Quelle est mon obligation ou ma responsabilité?» Dans le programme, on dit aux jeunes que s’ils peuvent interrompre ou intervenir, qu’ils le fassent. Sinon, ils doivent le signaler, car le fait de signaler n’est pas moucharder. Ces ambassadeurs le comprennent puisqu’ils sont responsabilisés. Alors, ce jeune garçon très courageux a transmis l’information à son directeur, qui a gardé son nom secret, et qui en deux ou trois périodes a été en mesure de découvrir l’identité des personnes impliquées dans cette histoire. À 15 h, il n’y a pas eu de bataille, ni de blessés, ni de tragédie. Par son courage et sa compréhension de son rôle et de ses responsabilités, ce jeune garçon a peut-être sauvé des vies. Cet exemple est loin d’être unique. Certains jeunes sont intervenus et ont pu désamorcer une situation qui aurait pu entraîner un suicide, des batailles ou d’autres situations dangereuses, car ils ont eu le courage et la capacité de faire ou de dire quelque chose avant que la situation ne dégénère en infraction, en incident ou en tragédie. Je suis vraiment fier des milliers de jeunes qui ont eu le courage de s’opposer ouvertement à un ami qui posait un geste qui aurait pu nuire à une personne ou la blesser.

Souvent, les enfants en éducation de l’enfance en difficulté sont ciblés, parce qu’ils sont différents. Nous demandons souvent aux ambassadeurs de garder l’œil ouvert pour ces enfants et d’être des mentors invisibles. Souvent, des écoles ont signalé que par ce mentorat, certains de nos ambassadeurs deviennent les amis d’enfants qui, traditionnellement, ont de la difficulté, socialement, à l’école, n’ont pas beaucoup d’amis, sont isolés parce qu’ils sont différents, parce que leur orientation sexuelle réelle ou perçue est différente ou parce qu’ils ont de la difficulté à apprendre. Les ambassadeurs gardent un œil sur eux socialement et on peut constater des changements majeurs dans leur estime d’eux-mêmes et leur sentiment d’importance, puis dans leur participation et enfin dans l’amélioration de leur rendement scolaire. Nous ne faisons que tirer parti des relations.

Cependant, la culture de l’école secondaire ne favorise pas cela en raison des pressions et des mandats de l’école et du personnel qui doivent pousser les jeunes pour s’assurer qu’ils atteignent tous les objectifs des cours et du curriculum. L’apprentissage social et émotionnel arrive bon dernier et on voit plus de jeunes qui ne savent pas quoi faire. Par conséquent, l’incivilité est normalisée. Nous proposons une stratégie, ce n’est pas la panacée. Mais notre stratégie tire avantage du pouvoir des élèves parce que ceux-ci voient, entendent et savent des choses que les adultes ignorent; ils peuvent donc intervenir d’une façon impossible aux adultes. Les jeunes sont en bonne position pour agir, mais cela n’est pas suffisant. Nous devons leur fournir l’appui, les outils et la responsabilité pour en faire les instigateurs de la paix et les leaders que nous souhaitons qu’ils deviennent.

Q Que doivent faire les écoles pour mettre en œuvre ce modèle? Quelle est la prochaine étape?

R Je crois que la prochaine étape est de regrouper le personnel, les élèves et les parents en un petit comité chargé de l’ambiance scolaire ou de la prévention. Ensuite, il faut déterminer s’il existe une volonté des intervenants de faire ce travail et s’ils sont prêts à le faire. Si nous ignorons cette étape et que nous ne créons pas le sentiment qu’il s’agit d’une priorité, qu’il existe un lien entre le modèle et les résultats que nous voulons si désespérément atteindre, on ne fera que mettre un pansement sur le problème. L’école ne fera qu’acheter un programme et les programmes vont et viennent. Nous voulons vraiment que les intervenants s’investissent. S’il y a donc une réelle volonté de leur part de s’investir dans cette approche de l’intérieur vers l’extérieur, s’il y a une reconnaissance que les jeunes peuvent participer davantage et s’ils sont prêts à leur accorder le temps et les ressources pour les aider à acquérir la compétence requise, communiquez avec Community Matters. Nous sommes un organisme sans but lucratif dont la mission est d’aider les écoles à mettre en œuvre ce modèle ou en copier les principes pour les appliquer à des programmes déjà en place. Nous devons faire mieux qu’avant si nous voulons améliorer les résultats. Ne réinventez pas la roue. Permettez-nous de vous aider. Notre modèle est prêt et applicable, et nous pourrions facilement le mettre en œuvre dans toute école de toute province, et ce, n’importe quand.

Q Merci, Rick. Je veux revenir à la première chose dont vous nous avez parlé, soit l’époque suivant immédiatement la tragédie de Columbine, quand le gouvernement américain a répondu en donnant d’immenses sommes pour des objets tangibles, que l’on pouvait voir. Community Matters ne règle pas le problème des intrus, n’est-ce pas?

R Vous avez raison. Ce n’est pas un programme qui contrôle les entrées et les sorties. Je comprends que les provinces vont obtenir du soutien pour acheter des portes plus épaisses et de meilleures vitres. Malheureusement, quand un événement de cette gravité se produit, tout le monde veut s’assurer qu’il a rendu l’école sécuritaire et que personne de mal intentionné ne pourra y entrer. Mais, en réalité, et c’est tant mieux, il n’y a que 0,0001 % de risque que cela se produise.

Par contre, aujourd’hui, comme demain, dans les écoles, des milliers de jeunes sont harcelés, maltraités, exclus, méprisés et ils ressentent un sentiment d’insécurité. Ce n’est pas une question de sécurité; il faut que les personnes dans l’école croient qu’il est dans leur meilleur intérêt de s’entraider. Je ne crois pas qu’on doive choisir, mais il faut dépenser les sommes de manière proportionnelle au risque et, comme vous l’avez dit, les apparences sont sauves quand on voit un périmètre de sécurité. Les parents sont rassurés s’ils voient du personnel en uniforme à l’extérieur de l’école.

Vous pouvez chercher les pistolets à l’entrée, mais vous ne pouvez empêcher les jeunes d’entrer. Ils portent des armes qui ne peuvent être détectées par les adultes ni par les détecteurs de métal : les préjugés et le ressentiment qui leur viennent de leur quartier et les valeurs qui leur sont inculquées au foyer. En fait, quotidiennement, c’est la meilleure occasion, et la plus économique aussi, que nous ayons pour susciter le changement. Même si nous n’ignorons pas le besoin de sécurité ni le besoin de sécuriser le périmètre de nos écoles, on doit équilibrer les ressources et les affecter dans les bonnes proportions. Je crois que c’est ce dont il s’agit : investir les ressources là où nous sommes les plus susceptibles d’obtenir des résultats, c’est-à-dire, en somme, de l’intérieur vers l’extérieur.

 

Pour en savoir plus sur le programme, visitez community-matters.org.