De
la rigueur,
mais pour lhistoire, on repassera
Lhistoire comme matière de
base se fait mettre au rancart, malgré le fait que les jeunes Canadiennes et Canadiens en
connaissent très peu sur leur passé.
de Ludi Habs
Avec les initiatives du gouvernement visant la réforme de
léducation secondaire, la question de la composition du curriculum dun
élève à la fin de ses études secondaires refait surface. On ne cesse de réclamer plus
danglais, de mathématiques et de sciences. Mais quen est-il de
lhistoire?
Nos élèves, les futurs électeurs, électrices et ministres
de lÉducation connaissent très peu lhistoire, surtout lhistoire
canadienne.
Les élèves revendiquent leurs droits, mais ignorent tout de
leur origine.
Seulement 36 pour cent des jeunes Canadiens savent que 1867 est l'année
de la Confédération |
Ils ne savent pas pourquoi nous
sommes si différents de nos voisins du sud, mais ils partent pour lEurope munis
dun sac à dos arborant la feuille dérable rouge vif. Ils ne savent pas trop
pourquoi lOCDE (Organisation de coopération et de développement économique) a
encore une fois placé le Canada en tête de la liste des meilleurs pays où vivre.
Ils se disent exaspérés par les Québécois, mais ils
ignorent pourquoi le Québec insiste pour se faire reconnaître comme société distincte.
Ils ne comprennent pas pourquoi, en janvier, le gouvernement fédéral a présenté ses
excuses aux autochtones à cause des mauvais traitements infligés aux jeunes autochtones.
Nos élèves ne connaissent rien de tout cela parce
quils ne connaissent pas lhistoire. Ils nont jamais appris qui nous
sommes, doù nous venons et comment nous avons contribué au développement du
Canada et du monde.
Lhistoire est négligée
Au cours des deux dernières décennies, lhistoire a
été négligée en faveur des cours dits «pratiques». Dailleurs lhistoire
que lon enseigne est devenue une vision postmoderniste de la culture populaire où
Madonna est plus importante que Macdonald.
Pendant lannée où jai enseigné en Suisse,
jai eu loccasion damener mes élèves dans les Flandres, au Pays-Bas, et
en France lors du 50e anniversaire de la libération des Néerlandais et de la fin de
loccupation allemande. Une foule denfants néerlandais agitant un drapeau du
Canada applaudissaient le défilé danciens combattants canadiens.
Seulement 35 pour cent savent ce qu'est le Jour J |
Mes élèves qui, je le
croyais, savaient pourquoi nous nous étions venus là, mont demandé ce qui se
passait. Or, ils navaient aucune idée pourquoi les petits Néerlandais agitaient
ainsi le drapeau canadien le jour de lArmistice.
Pendant la Guerre du Golfe, les enseignantes et enseignants
qui avaient accès au courrier électronique ont raconté avec enthousiasme que leurs
élèves pouvaient communiquer avec des enfants des quatre coins du monde. Pendant que les
missiles Scud de Saddam Hussein pleuvaient sur Tel Aviv, les élèves canadiens pouvaient
savoir de première main ce que cétait que de vivre en zone de guerre.
Malheureusement, de nombreux élèves ignoraient pourquoi on faisait feu sur Israël en
premier lieu.
Échec des jeunes en histoire
Lan dernier, le Dominion Institute a retenu les
services de la firme Angus Reid dans le but de déterminer les connaissances de nos jeunes
en histoire. Les résultats, publiés le jour de la Confédération, étaient tout à fait
misérables. Les jeunes Canadiennes et Canadiens ont obtenu une note dà peine 34
pour cent.
Seulement 26 pour cent des répondants ont nommé la Guerre
de 1812 ou la Révolution et la Guerre de Sécession comme étant lune des guerres
où le Canada a été envahi par les États-Unis. |
Lenquête comptait 30
questions sur lhistoire politique du Canada, les relations canado-américaines, la
diversité ethnique et culturelle, lhistoire militaire, ainsi que les arts et
sciences humaines.
Les journaux ont aussi fait état de résultats semblables.
Dans un article paru dans le Toronto Star, lhistorien Desmond Morton a
dénoncé le fait que lhistoire ait perdu une lutte de 20 ans contre les sciences
sociales, léconomie, léducation dite morale et autres matières semblables.
Dans la rubrique Talking Point, aussi publiée dans le
Toronto Star, Mark Toljagic a parlé dun de ses amis qui enseigne dans un
collège de la région. Lenseignant expliquait à sa classe comment laile
droite de certains partis politiques luttait pour se démarquer. Devant le regard absent
de ses élèves, lenseignant sest rendu compte que personne navait
compris. Finalement un élève lui a demandé pourquoi soudainement il parlait de hockey.
Inaction du gouvernement
Le ministère de lÉducation et
de la Formation et le milieu politique se disent préoccupés par cette ignorance
de lhistoire. Mais que fait-on pour y remédier?
Le Dominion Institute a convoqué une réunion pour discuter
des résultats du sondage. Les députés ont été invités à y participer pour voir en
quoi la réforme de léducation pouvait régler le problème. Trois députés
seulement se sont présentés à la réunion. Lun dentre eux, John
OToole (PC-Durham Est), aurait dit : «Sur une liste de 20 priorités, celle-ci se
place au 21e rang.»
Près des deux tiers des répondants savent ce quest la
Dépression, mais seulement 17 pour cent savent que les «voyageurs» sont les premiers
coureurs des bois venus de France au Canada. |
Linaction du ministère est aussi inquiétante. Même
sil se dit préoccupé par la question, il a tellement peu fait que je me demande
vraiment si lhistoire regagnera un jour la place qui lui revient comme matière de
base.
Dans un article publié dans le Hamilton
Spectator, Pauline Laing, directrice à la Direction des programmes
détudes, de lapprentissage et de lenseignement, a insisté sur le fait
que lhistoire canadienne constituerait une priorité du nouveau curriculum et serait
davantage définie comme matière principale aux paliers élémentaire et secondaire. «Je
suis convaincue que lhistoire canadienne constituera une priorité du curriculum au
palier secondaire», a-t-elle affirmé.
Seulement 6 pour cent des répondants ont nommé les Beothuks comme
étant les autochtones de Terre-Neuve qui ont été chassés jusquà
lextinction par les colons européens. |
Si tel est le cas, pourquoi
na-t-on pas formé un groupe distinct en histoire lors des consultations que le
ministère a tenues avec de soi-disant experts? Les mathématiques, les affaires,
léducation physique, la santé et les sciences ont chacune eu droit à leur propre
groupe, tandis que lhistoire a été jumelée à la géographie, léconomie,
la politique, le droit et la citoyenneté sous la rubrique sciences sociales 1. En fin de
compte, le rapport des experts na pas donné lieu à une prise de position claire.
Ian Urquhart, correspondant du Toronto
Star à Queens Park, a même suggéré que le groupe avait porté peu
dattention à lhistoire canadienne, préférant lamalgamer à
dautres matières sous la rubrique sciences sociales. Il a cependant reconnu que
certains membres du groupe étaient contre ce regroupement.
En voie de disparition
La synthèse est terminée et même si elle na pas
encore été publiée, jai su que lhistoire avait disparu en tant que
discipline. On la placée avec les études canadiennes et mondiales, titre qui
regroupe lhistoire, la géographie, léconomie, la politique, le droit et la
citoyenneté.
Les études canadiennes et mondiales ont acquis le statut de
discipline, mais pas lhistoire. Les autres disciplines comprennent les matières
habituelles comme les mathématiques et les sciences. Mais les études autochtones et
interdisciplinaires ont elles aussi obtenu le statut de discipline. Non seulement
cest compliqué, mais ça na pas sens.
En réponse à un questionnaire de lIEPO/UT, 63 pour cent des personnes interrogées ont recommandé
que plus de cours dhistoire soient obligatoires. Il sagit dune hausse
par rapport aux 33 pour cent qui avaient répondu la même chose en 1984. Le gouvernement
nest tout simplement pas à lécoute.
Seulement 14 pour cent savent que Lester B. Pearson est le Canadien qui a
remporté le prix Nobel de la paix pour ses efforts dans la résolution de la crise du
Canal de Suez et est devenu premier ministre du Canada. |
Si lhistoire constitue vraiment
une priorité, pourquoi a-t-on agi ainsi lors des consultations? Le nouveau curriculum
rigoureux que le gouvernement a promis na pas besoin dun méli-mélo de
sciences sociales.
Si on veut assurer un tant soit peu de
rigueur, ramenons létude de lhistoire, surtout de lhistoire canadienne.
Sinon, nos élèves deviendront exactement ce que les critiques du système actuel
déducation prétendent, soit des têtes bien pleines plutôt que des têtes bien
faites.
Ludi Habs est ancien président de lOntario History
and Social Science Teachers Association et chef du département dhistoire et
des sciences sociales à la Chinguacousy Secondary School dans la région de Peel. Il
était également membre du groupe dexperts en sciences sociales 1. Courriel : ludihabs@pathcom.com.
Le
Dominion Institute encourage la discussion sur les droits et responsabilités des
citoyennes et citoyens en les invitant à parler de notre passé. Pour la fête du Canada
de 1997, lorganisme sans but lucratif a demandé à la firme Angus Reid
dinterroger 1 104 Canadiennes et Canadiens âgés de 18 à 24 ans et de leur poser
30 questions sur lhistoire du Canada. Le sondage comprend une marge derreur de
plus ou moins 2 pour cent, 19 fois sur 20.
Au
total, les jeunes ont obtenu une note de 34 pour cent. Ceux qui avaient fait plus
dannées détudes ont obtenu de meilleurs résultats, mais ils ont quand même
échoué. Ceux qui avaient suivi des cours dhistoire ont obtenu une moyenne de 35
pour cent, comparativement à 29 pour cent pour ceux qui navaient jamais suivi de
cours dhistoire. Les jeunes Ontariens ont obtenu 37 pour cent, soit 3 pour cent
de moins que les meilleurs, les jeunes Albertains.
La différence entre les nouveaux arrivants et les
autres Canadiennes et Canadiens était minime. Ceux qui se sont identifiés comme récents
immigrés ont obtenu 32 pour cent. Les enfants dimmigrants ont obtenu 37 pour cent
et les autres, 34 pour cent.
Seulement 11 pour cent des personnes participantes
ont trouvé les questions trop difficiles. Enfin, 40 pour cent ont conclu quelles
devraient en savoir plus sur lhistoire canadienne.
On peut trouver le questionnaire au complet ainsi que
les résultats sur le site web dAngus Reid à
www.angusreid.com/pressrel/_youthhistorysurvey97/youthhistory_97.htm On peut communiquer
avec le Dominion Institute au (416) 368-9627. |