covfre.jpg (4901 bytes)
Mars 1998

Un véliplanchiste à l'école
La profession-
nalisation de l'enseignement


Un véliplanchiste à l’école

Retour à notre
page d’accueil

Un véliplanchiste à l’école

Sa planche à voile sous le bras, un directeur d’école de Thunder Bay parcourt le monde et y explore les systèmes d’éducation.

de Gib Taylor

En Chine, j’ai vu une classe de 50 élèves perchés sur leur chaise, les yeux rivés sur l’enseignant, prêts à lever la main. Pour eux, c’est un privilège de répondre à une question.

Au Japon, le directeur de l’école élémentaire Rikodai comprenait mal que la récréation et la pause du midi soient supervisées par le personnel enseignant. «La récréation et l’heure du repas constituent les temps libres des élèves. Ils n’ont pas besoin de supervision», a-t-il affirmé.

Dans la région montagneuse de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, j’ai découvert une école où le ratio élèves-enseignant est de 15 pour 1 et qui possède la même technologie que nous. Dans une école non loin de là, certaines classes sont inondées pendant la saison des pluies.

Mon exploration de certains systèmes d’éducation dans le monde a mis en lumière deux thèmes prépondérants. Premièrement, les pays organisent leur curriculum et leurs écoles en fonction de leur opinion culturelle du but de l’éducation. Deuxièmement, la technologie progresse si rapidement que certaines cultures qui tiraient de l’arrière sur le plan technologique font maintenant des pas de géants pour se placer à la fine pointe de la technologie. Ces deux facteurs ont un effet considérable sur le rôle des éducatrices et des éducateurs ontariens.

Un ou quatre objectifs?

De nombreux pays croient que le but de l’éducation se résume à ceci : l’excellence scolaire.

Au contraire, notre système d’éducation préconise à la fois l’excellence scolaire, le développement physique et social ainsi que les mœurs et valeurs. Cette vision holistique de l’éducation produit peut-être des finissantes et des finissants plus complets, mais les tests internationaux ne mesurent encore que les connaissances et compétences scolaires.

En 1950, le Japon comptait 140 jours d’instruction pendant l’année scolaire tandis que l’Ontario en comptait 185. Près d’un demi-siècle plus tard, nos écoles comptent toujours 185 jours d’instruction tandis que le Japon en compte 240. En outre, leur journée scolaire est de 20 pour cent plus longue que la nôtre.

Leur curriculum et leur vision pédagogique visent à préparer les élèves à réussir les tests donnant accès à des écoles et à des programmes particuliers. De nombreux pays asiatiques ont adopté une structure semblable. Ainsi, comme les élèves passent plus de temps en classe à étudier des matières précises en vue de passer des tests, ils y réussissent mieux.

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, j’ai remarqué un contraste frappant entre leurs deux systèmes d’éducation et celui de l’Ontario. J’ai d’abord visité une école internationale, comprenant des écoles élémentaires et secondaires. Les édifices modernes nichés dans la région montagneuse tropicale possèdent toutes les ressources ainsi que la technologie informatique de nos écoles. En outre, de nombreuses classes comptent environ 15 élèves par enseignant, soit la moitié du ratio élèves-enseignant des écoles ontariennes. Le curriculum est axé sur les matières scolaires, en particulier sur les tests. Il est certain que ces élèves seront admis à n’importe quel établissement d’enseignement où qu’il soit, et qu’ils réussiront.

Située à peine quelques kilomètres plus loin, l’école indigène offre une image tout à fait différente de la première. Ses 400 élèves logent dans des classes délabrées, dépourvues d’électricité, et, dans certains cas, inondées pendant la saison des pluies. Il n’y a que quelques meubles épars et encore moins de documentation. L’appui gouvernemental à l’éducation varie d’année en année, voire de mois en mois, et il arrive que le personnel enseignant ne soit pas rémunéré. Ces élèves ne recevront pas le niveau d’instruction qui leur permettra de prendre leur place sur le marché des emplois international.

L’avenir de l’éducation passe souvent par l’importance d’être compétitif à l’échelle internationale.

En Ontario, le gouvernement se préoccupe de plus en plus de la transparence de son système d’éducation. Ses dernières initiatives portent notamment sur les tests provinciaux normalisés, un curriculum axé sur les résultats et possédant une structure explicite, ainsi qu’un nouveau bulletin provincial faisant appel au pourcentage et au code graphique pour refléter le rendement des élèves.

La Chine et le Japon possèdent un curriculum très structuré, et leur système comprend des tests conçus pour faciliter le cloisonnement des élèves. Mais j’ai découvert dans ces deux pays un intérêt réel à passer de ce système traditionnel à un système plus ouvert où l’on prépare les élèves à résoudre des problèmes de façon indépendante et créative.

Le développement de la pensée créative chez les jeunes, la capacité de poser des questions pertinentes, la résolution de problèmes et le travail d’équipe, voilà les éléments sur lesquels les éducatrices et éducateurs ontariens se concentrent depuis bon nombre d’années déjà. Et c’est peut-être pourquoi nos élèves ne réussissent pas aussi bien aux tests internationaux que les élèves d’autres pays.

Alors que le gouvernement ontarien resserre le curriculum et se concentre davantage sur la préparation des élèves en vue de tests, question d’assurer une plus grande transparence du système, d’autres pays qui réussissent bien aux tests internationaux, le Japon par exemple, constatent que leurs élèves manquent de créativité et présentent des lacunes sur les plans de la résolution de problèmes et des relations humaines, ce qui rend difficile le travail en équipe ou autonome, deux compétences recherchées sur le marché de l’emploi.

Peut-être trouvera-t-on un moyen de réconcilier ces deux positions diamétralement opposées pour en arriver à un système doté à la fois d’une structure et de créativité.

Influences culturelles

Au Japon, le personnel enseignant ne supervise ni la récréation ni l’heure du repas. On peut seulement imaginer le nombre de poursuites qui seraient entreprises en Ontario si on éliminait cette supervision. C’est qu’il y a toute une culture qui influence le comportement des élèves et les relations entre eux. L’éducation et la réussite scolaire sont de première importance.

En Chine, les salles de classe sont bondées. Mais les élèves manifestent une soif d’apprendre et une discipline étonnante qui leur permettent de se concentrer sur la tâche à accomplir.

En Ontario, une classe de 50 élèves et plus causerait des problèmes inimaginables de gestion du comportement, étant donné l’attitude et l’éthique de travail de nombreux élèves. C’est à souhaiter que la plus récente initiative du gouvernement de limiter le nombre d’élèves par classe aura pour effet de régler les problèmes associés aux classes trop nombreuses.

Même si l’Australie est située à l’autre bout du monde, son système d’éducation ressemble davantage au nôtre. De fait, on y entreprend des initiatives semblables aux nôtres, notamment les conseils d’école, les plans stratégiques, les codes de conduite, des énoncés de mission, un curriculum plus structuré et une transparence accrue grâce aux tests normalisés. Les élèves et le personnel enseignant n’auraient aucune difficulté à passer d’un système à l’autre.

La technologie progresse, la planéte rapetisse

Un changement de système nécessiterait des changements d’ordre technologique difficilement prévisibles.

En Chine, par exemple, j’ai été étonné de voir qu’on utilise les vidéodisques numériques plutôt que les magnétoscopes et vidéocassettes. On a tout simplement sauté toute une période technologique pour se placer d’un seul coup dans le futur. Et nous, nous utilisons toujours les bonnes vieilles vidéocassettes.

En Australie, j’ai été abasourdi devant le nombre imposant de personnes qui utilisent le téléphone cellulaire, peu importe où elles se trouvent. C’est d’ailleurs en Australie qu’on utilise le plus cet outil de communication.

Souvent, les pays dépourvus d’une infrastructure pour l’électricité ou le téléphone, en particulier dans les régions éloignées, préfèrent la technologie cellulaire de pointe, qui élimine le besoin de débourser des sommes importantes pour installer un système téléphonique à l’ancienne. Pourquoi acheter un magnétoscope quand on peut utiliser les vidéodisques numériques?

Je n’ai pu m’empêcher de penser à toutes les écoles ontariennes qui sont toujours munies d’ordinateurs C64 et 286!

Si tel est le cas, devrions-nous repenser l’importance des progrès technologiques dans les écoles ontariennes? Il s’agit d’un domaine où d’autres pays, moins développés, nous dépassent.

Étant donné que des pays comme le Japon et la Chine envisagent l’éducation comme la prestation d’un ensemble de connaissances de manière structurée et systématique, il est probable qu’ils offrent un programme complet en informatique.

En plus d’être véliplanchiste, Gib Taylor est directeur de la McKenzie Public School à Thunder Bay. Il enseigne aussi à temps partiel à la faculté d’éducation de l’Université Lakehead.

Gib Taylor a entrepris de faire de la planche à voile sur au moins six des sept continents. Il ne s’est pas rendu en Antarctique, un peu trop loin et trop froid à son goût.

Muni de son ordinateur portatif, il lui a fallu transmettre par courrier électronique ses articles pour Windsurfing Magazine aux États-Unis avant la date de tombée mensuelle, non pas sans difficultés d’ailleurs!

Au cours de son périple de six mois, Taylor s’est également rendu dans des écoles pour comparer le curriculum, les services à l’enfance en difficulté, la gestion du comportement, les stratégies d’enseignement, les connaissances en informatique, l’interaction communautaire, ainsi que la culture des écoles et du milieu communautaire à ceux de l’Ontario.

Il s’est entretenu avec des membres de la direction et du personnel enseignant, des élèves et des parents et en a profité pour amasser de la documentation sur des écoles et des districts.