
De temps à autre, la conseillère en orientation ontarienne Mercedes Carli, EAO, lève les yeux de son travail pour voir un élève devant elle sur le point de fondre en larmes. C’est en partie la raison pour laquelle elle laisse sa porte ouverte.
«Je tiens vraiment à ce que les élèves et les enseignants sachent que je suis là pour les aider», déclare Mme Carli, ancienne agente de probation juvénile qui partage désormais son temps entre trois écoles intermédiaires du Toronto District School Board : John G. Althouse, Dixon Grove Junior et Humber Valley Village Junior. Elle se sent chez elle dans chacune et s’efforce de susciter le même sentiment chez les élèves avec qui elle travaille.
Durant son enfance, ses amis lui confiaient leurs problèmes. «J’ai toujours su écouter les gens et les aider à trouver des solutions», confie-t-elle. Elle a amorcé sa carrière en orientation en 1998 et, depuis, n’a pas cessé d’utiliser ses talents de mentor. À son avis, les élèves d’aujourd’hui ont besoin plus que jamais de services d’orientation, et ce, quel que soit leur âge.
Pressions sociales et stress
Qu’est-ce qui a changé? Elle dit que les enfants grandissent désormais dans un monde virtuel où ils doivent socialiser 24 heures sur 24. Auparavant, ils pouvaient laisser à l’école leurs problèmes avec leurs amis et trouver refuge chez eux. De nos jours, dès leur arrivée à la maison, les jeunes démarrent l’ordinateur et poursuivent leur vie sociale en ligne. «À cela s’ajoute la pression d’être parfait, qu’alimentent les médias, explique Mme Carli. Les jeunes filles et garçons sont bombardés d’images et de concepts sexuels artificiels, et ils prennent des moyens extrêmes pour s’y conformer. En outre, on observe chez eux une hausse des troubles alimentaires et du recours à des médicaments, à des pilules amaigrissantes, à des stéroïdes, et même à la chirurgie plastique.»
Ce qui accroît aussi le stress chez les jeunes, c’est le fait qu’ils sont sans cesse poussés par leurs parents à réussir à l’école et ailleurs, avec pour résultat que leur niveau d’anxiété n’a jamais été aussi élevé.
«Les jeunes se sentent obligés d’être performants dans tout, de participer à une variété d’activités parascolaires, à des sports et à des clubs, de faire du bénévolat et d’avoir un emploi, parce que leurs parents estiment que c’est important et que les universités et collèges recherchent des candidats qui ont de bonnes notes et diverses expériences», affirme Mme Carli, en ajoutant que les jeunes ne fonctionnent pas en vase clos. S’ils ont des problèmes sur les plans social ou émotif, il y a nécessairement des répercussions sur leur comportement en classe.
C’est pourquoi elle s’efforce de créer un endroit à l’école, dans son bureau ou ailleurs, qui est rassurant. Que ce soit dans le cadre de rencontres individuelles ou d’un exposé devant une assemblée, son principal objectif, dit-elle, est de toujours veiller à ce que les jeunes puissent exprimer leur opinion, et, pour cela, il faut les faire sortir de leur coquille.
Donner la parole aux jeunes
«Je leur explique que, même s’ils sont jeunes, ils ont aussi le droit de se faire entendre. Je veux qu’ils sachent qu’ils peuvent venir me parler de leurs problèmes et que je vais les écouter, raconte Mme Carli. Je leur dis aussi qu’exprimer son opinion, c’est avoir davantage de pouvoir. On peut alors influencer positivement sa propre vie, tout en jouant un rôle actif pour susciter des changements dans la collectivité.»
Mme Carli estime qu’apprendre aux jeunes à s’exprimer est essentiel à leur développement. «En donnant leur opinion, les jeunes acquièrent un sentiment d’appartenance, ce qui est un facteur déterminant du bonheur et du succès.»

Besoins même à l’élémentaire
Malheureusement, ce ne sont pas toutes les écoles de l’Ontario qui ont un conseiller en orientation dont la porte est toujours ouverte. En 2012–2014, la province ne comptait que 160 conseillers en orientation pour 4 000 écoles élémentaires. Par contre, la proportion était de loin meilleure au secondaire, puisqu’on comptait 1 900 conseillers pour 926 écoles.
«Les élèves qui ont accès à un conseiller en orientation à l’élémentaire sont avantagés, car ils peuvent prendre des décisions éclairées sur leur cheminement de carrière, de dire Mme Carli. En outre, les recherches indiquent que les jeunes qui ont un sentiment d’appartenance et qui se sentent en sécurité à l’école réussissent mieux et ont moins de difficultés sur les plans social et émotif.»
Si les élèves du secondaire semblent profiter davantage de services d’orientation, c’est parce que la province investit plus d’argent dans les ressources à leur intention. «C’est à ce palier que les jeunes ont le plus besoin d’aide sur les plans social et scolaire», déclare Gary Wheeler, porte-parole du ministère de l’Éducation.
M. Wheeler souligne que les sommes sont à la hausse pour l’ensemble des écoles et se dit heureux que le Ministère ait décidé, en 2012–2013, de verser 409,2 millions de dollars en subventions pour les besoins spéciaux des élèves et pour l’embauche d’enseignants-bibliothécaires et de conseillers en orientation, soit une augmentation de 28 pour cent depuis 2003.
Mais le fait d’avoir un conseiller en orientation sur place ne suffit pas, souligne Mme Carli. Il faut aussi pouvoir convaincre les jeunes de demander l’aide dont ils ont besoin.
Le programme d’orientation ministériel, appelé Des choix qui mènent à l’action, porte sur trois éléments importants :
- le développement des relations interpersonnelles (aider l’élève à trouver des stratégies pour entretenir des relations avec ses amis et sa famille)
- le développement de l’élève (l’aider à surmonter ses difficultés scolaires)
- le cheminement de carrière (aider l’élève à découvrir ses talents et ses passions).
Même si ce programme est publié en tant que document de référence distinct, ses principes sont enchâssés dans le document Les écoles de l’Ontario de la maternelle à la 12e année : Politiques et programmes, et constituent une composante d’évaluation dans la section des habiletés d’apprentissage du bulletin scolaire.
Inspirer confiance
Selon Mme Carli, de nombreux élèves ne savent pas que l’école leur offre ce genre de services. Et même s’ils le savent, c’est toujours intimidant d’aller cogner à la porte d’une personne que l’on ne connaît pas, surtout dans une grande école secondaire, comme la Central Technical School de Toronto, où Kim McFadden, EAO, a déjà fait partie d’une équipe de six conseillers en orientation (elle travaille maintenant comme responsable pédagogique des services d’orientation du Toronto District School Board).
Dans une école d’environ 2 000 élèves, Mme McFadden s’occupe d’environ 320 élèves. Pour les inciter à venir la consulter, elle va au-devant d’eux en visitant les classes et en participant à des assemblées. «Après avoir fait des présentations à des groupes d’élèves, le nombre de rendez-vous que je fixe explose, dit-elle. Les jeunes viennent soudain me voir parce qu’ils m’ont reconnue et ont pris conscience du fait que je suis là pour les aider.»
«Les gens pensent que nous sommes de simples thérapeutes scolaires, mais notre rôle le plus important, c’est de travailler avec les enseignants et les membres de la direction pour établir un milieu sûr et bienveillant», explique Mme Carli.
Une précieuse ressource
Pour Anna Spatafora-Romain, EAO, enseignante-bibliothécaire d’un programme d’immersion française qui enseigne les arts visuels à la Lester B. Pearson Elementary and Middle School de Toronto, le service d’orientation est une précieuse ressource.
«Les enfants de cette école ont tant de besoins et nous, les enseignants, n’avons pas le temps de nous occuper individuellement de chaque problème qui survient en classe,» explique Mme Spatafora-Romain. Elle repère donc les élèves qui ont des problèmes – il peut s’agir d’un enfant qui a besoin d’aide pour organiser ses classeurs, d’un groupe de filles qui en excluent d’autres ou de jeunes de la 8e année qui cherchent à obtenir des renseignements sur les écoles secondaires – et les dirige vers le bureau de la conseillère en orientation ou demande à celle-ci de venir faire une présentation sur le sujet.
Établir une relation d’aide
Pour Mme Carli, c’est aider les jeunes à découvrir leurs habiletés qui est la partie la plus intéressante de son travail. «C’est merveilleux de les voir découvrir leurs passions et mettre en valeur leurs talents, affirme-t-elle. Tout d’un coup, ces jeunes peuvent entrevoir leur avenir et les possibilités qui les attendent.»
Quel que soit leur âge, tous les enfants ont, de temps à autre, besoin de parler à un mentor. «C’est un mythe de croire que les enfants n’ont pas besoin de service d’orientation avant l’adolescence», déclare Mme Carli. En fait, les élèves d’aujourd’hui montrent des signes d’anxiété dès un jeune âge. Parce qu’ils atteignent la puberté plus tôt, ils vivent de l’angoisse sociale plus tôt. Elle ajoute qu’il n’est pas rare de voir des enfants d’à peine 11 ans presque paralysés par le stress.
«Même si nous ne connaissons pas toujours les problèmes personnels que vit un enfant, nous savons qu’ils nuisent à sa capacité d’apprendre, de dire Mme Carli. Les jeunes ont besoin d’un endroit à l’école où ils peuvent avoir un moment de répit et apprendre à résoudre leurs problèmes avec l’aide d’un mentor», explique-t-elle.
Souvent Mme Spatafora-Romain discutera des besoins des élèves avec la conseillère en orientation lorsqu’ils sont dépassés par le travail et les enverra la voir. «Bon nombre de jeunes ont de la difficulté à organiser leurs classeurs et leur temps, dit-elle. Ils n’ont pas le sens de l’organisation et ne peuvent estimer combien de temps ils doivent consacrer à chaque tâche.» Les conseillers en orientation sont des experts en organisation personnelle et en gestion de temps. Dès que les jeunes savent mieux s’organiser, leur anxiété diminue et ils peuvent se concentrer sur leur travail.
«Il y a tellement d’enfants qui gardent tous leurs problèmes pour eux-mêmes, avoue Mme McFadden. Tout ce que nous souhaitons, c’est qu’ils auront assez confiance en nous pour nous en parler.»
Une collaboration essentielle
«Tous les membres du personnel scolaire doivent travailler de concert, en particulier les conseillers en orientation et les enseignants, ajoute Mme Carli.
«Avoir une politique de porte ouverte fait partie du travail de conseiller, et ce, non seulement pour les élèves, mais aussi pour les enseignants. Je fais savoir à mes collègues que j’ai des ressources et que, s’ils ont des élèves victimes d’intimidation ou qui gèrent difficilement leur temps, ils peuvent me demander de venir en parler en classe.»
Dans son école, Mme Spatafora-Romain travaille en constante collaboration avec la conseillère en orientation. Parfois, celle-ci préparera une présentation. Par exemple, il peut s’agir d’expliquer les facteurs à considérer dans le choix d’une école secondaire à des élèves de 8e année. À d’autres moments, c’est Mme Spatafora-Romain qui propose une idée. «Il y a deux ans, quelqu’un m’a signalé un cas de cyberintimidation. La conseillère en orientation a alors mis à contribution son expertise en la matière et a fait une excellente présentation sur le sujet.»
Tous les enseignants doivent insérer un peu d’orientation dans leur programme, dit-elle, et ce, qu’il y ait ou non un conseiller à l’école. «Une partie du travail de l’enseignant est de faire comprendre aux enfants à quel point il est accessible sur le plan humain, affirme Mme Carli. À titre d’exemple, pensez à l’enseignant qui a eu une influence déterminante dans votre vie. Ultimement, les jeunes ne se souviendront pas du cours de mathématiques que vous leur avez donné, mais que vous les avez écoutés et compris, et leur avez donné la parole.»
Qualification Additionnelle

Orientation et formation au cheminement de carrière
Après que vous aurez suivi Orientation et formation au cheminement de carrière, 1re partie (voir la liste des établissements qui offrent ce cours dans oeeo.ca→Membres→Trouver une QA), votre direction d’école pourra vous confier des périodes ou des responsabilités d’orientation.
La 2e partie et la partie de spécialiste de ce cours sont aussi recommandées. Elles amélioreront votre connaissance de l’orientation et de la formation au cheminement de carrière, et vous rendront admissible à devenir responsable ou responsable adjoint de ce programme.
ILLUSTRATIONS : KATY LEMAY